Les Allemands avaient bien préparé cette première visite diplomatique chez le numéro un occidental. Et tout s’est écroulé en un instant, sur un point de détail, mais lourd de sens : Donald Trump, devant les caméras et les photographes, a refusé de serrer la main d’Angela Merkel qui le lui proposait.
On savait les rapports tendus entre les deux dirigeants, pour de nombreuses raisons. D’abord, Merkel avait pris la tête de la fronde anti-Trump lors des élections américaines de novembre 2016, avec un François Hollande suiveur, comme d’habitude. Il s’agissait pour la chancelière de défendre les intérêts de l’Allemagne, notamment sur le dossier de la défense, Trump ayant annoncé pendant sa campagne qu’il ne voulait pas que l’Amérique continue à financer l’OTAN presque toute seule. Le parapluie américain oui, mais si les Européens crachent au bassinet. Pour l’Allemagne, qui ne dépense pas énormément pour sa défense, la proposition de Trump équivalait à augmenter le budget des armées jusqu’à 2% du PIB.
Mais il n’y a pas que le volet militaire, l’économie vient en première ligne creuser les différences entre les États-Unis et l’Allemagne. L’Allemagne, cette puissance exportatrice sans égal, qui a su développer son industrie en pleine mondialisation, alors que tous ses grands alliés occidentaux perdaient ou abandonnaient une partie de ce secteur clé, ne veut pas d’une Amérique qui ferme ses frontières. Idem en Europe : la domination allemande ne souffre aucune frontière, aucune souveraineté industrielle nationale. La volonté de Trump de mettre un terme à la désindustrialisation de son pays heurte les intérêts allemands. Même si les États-Unis ne sont que le troisième partenaire commercial de l’Allemagne. Provocation ou signal clair, Merkel est venue à Washington avec les PDG de BMW et de Siemens, deux entreprises puissantes très implantées sur le territoire US...
"Les États-Unis ont été traités très, très injustement par de nombreux pays ces dernières années, mais ça va s'arrêter" - Donald Trump #AFP pic.twitter.com/x8xt5yaTqQ
— Agence France-Presse (@afpfr) 18 mars 2017
La renégociation des grands traités commerciaux mondiaux fait craindre à l’Allemagne une hausse des droits de douane, qui serait préjudiciable à ses exportations. La question des migrants a aussi clivé dans la négociation entre les deux pays : le fait que Merkel soit pour une ouverture très sorossienne des frontières, alors que Trump prône tout le contraire. Une attaque qui avait fait mal à la chancelière, déjà très critiquée par sa population pour sa politique d’acceptation d’un million de migrants par an. En Europe des murs tombent, en Amérique ils surgissent...
Dernière chose, qui ne concerne pas que l’Allemagne, qui protège avant tout ses intérêts, comme elle le fait en Europe (au détriment de ses « partenaires »), la chancelière représente en quelque sorte le fer de lance de l’Union européenne, une union en mauvais état, qui vient de perdre une partie du Royaume-Uni. La tentation séparatiste existe aux Pays-bas, mais le danger semble écarté avec la victoire de la droite populaire sur Geert Wilders. En France, un Frexit est encore possible si Marine Le Pen arrive au pouvoir. La relation franco-allemande sera sans doute plus difficile qu’avec le docile Hollande, doublement soumis au commissaire européen Moscovici et à la chancelière allemande... C’est pourquoi le soutien de Trump à Nigel Farage avait estomaqué les européistes. C’est là où l’on quitte l’économie pour entrer dans l’idéologie, ou la défense des valeurs : le très nationaliste Stephen Bannon préfère des nations fortes à une Europe molle, pour des raisons de sauvegarde de l’occident. Et ce n’est pas rien, car dans ce cas, le politique prime l’économique.
Merkel asks Trump : “Do you want to have a handshake ?”
The U.S. president did not respond.https://t.co/XFIVslb46W pic.twitter.com/TtiJ4CrqIm— POLITICO (@politico) 17 mars 2017