La particularité de cette petite conférence de presse très privée au 26e étage de sa Trump Tower, c’est que Donald Trump l’a donnée à deux titres de presse anglais et allemand : le très conservateur Times britannique, et le très populiste Bild allemand, qui l’ont reproduite le 16 janvier 2017. Le futur président américain – si Dieu lui prête vie – a une manière très personnelle de faire de la diplomatie.
« Je ne veux pas faire comme l’Allemagne. À ce propos, je dois dire que j’ai beaucoup de respect pour Merkel. Mais je trouve que ce qui s’est passé là-bas est très malheureux. Vous savez que j’aime l’Allemagne, parce que mon père venait d’Allemagne. Mais je ne veux pas qu’on se retrouve dans la même situation. Nous avons déjà assez de problèmes comme ça. »
« Je suis très fier de l’Allemagne, et l’Allemagne est quelque chose de très particulier. [...] J’aime l’ordre. J’aime quand les choses sont bien rangées. Les Allemands sont connus pour ça, et moi aussi. Et j’aime aussi la force. »
« L’Allemagne est un pays génial, un grand pays producteur. Quand on va sur la Cinquième Avenue, on voit que tout le monde a une Mercedes garée devant chez lui, pas vrai ? Or le fait est que vous êtes très injustes avec les États-Unis. Combien de Chevrolet avez-vous en Allemagne ? Pas beaucoup, peut-être aucune, dehors on n’en voit pas une seule. Ça doit marcher dans les deux sens. Moi je veux que ça soit juste. [...] Vous pouvez fabriquer des voitures pour les États-Unis, mais vous devrez payer 35 % de taxes sur chaque voiture qui entre aux États-Unis. »
En réalité, derrière l’écran de familiarités et parfois de grossièreté, il s’adresse directement aux gens sans passer par le prisme, qu’il juge déformant, des médias dominants :
« Ce qui est intéressant avec Twitter, c’est qu’il faut être très précis. Quand je dis quelque chose en public ou à des journaux, et que ça n’est pas reproduit avec précision, ça n’est vraiment pas bien. »
C’est quasiment la première fois qu’un président des États-Unis décrète aussi clairement que les médias peuvent déformer un message. Il se met ainsi, même si c’est de la tactique politique, du côté des gens. Il parle comme s’il était chez lui – d’ailleurs il est chez lui –, en chaussons, sur son divan ou devant sa télé. Un art de la communication très éprouvé, qui lui a permis de se mettre une grande partie du peuple américain dans la poche. Après, l’action qui va venir, c’est une autre histoire.
« Nous aurions dû créer des zones de sécurité en Syrie. Cela aurait coûté moins cher. Et les États du Golfe auraient dû payer, parce qu’après tout, ils ont plus d’argent que quiconque. »
Une procédure d’impeachment est en gestation, de la part de ses ennemis intérieurs irréductibles. À l’extérieur, Trump ne semble pas très déstabilisé à l’idée d’un frontal avec ses opposants, ou ennemis. On ne parle pas de guerre, mais de cartes en train d’être rebattues. Quid de la relation américano-russe ? Américano-européenne ? Américano-chinoise ? Quid de la fin du conflit en Syrie ? Du Kurdistan anti-turc ? De l’Iran, nouveau partenaire commercial ou nouveau grand Satan ? De la Libye ? Des pétromonarchies décriées ou ravalées à leur statut de distributeur de billets ? De la colonisation israélienne qui entretient un foyer de guerre ? De l’anti-américanisme grandissant dans le monde ?
Jamais un président n’a eu autant de dossier brûlants à traiter avant d’entrer en fonctions. Bienvenue dans un monde multipolaire en mode vibratoire, Donald.
Voici les 12 déclarations les plus marquantes du président américain élu Donald Trump dans l’interview conjointe qu’il a donnée aux quotidiens britannique The Times et allemand Bild, selon la transcription communiquée lundi par le Times :
- Angela Merkel et les réfugiés
« Je pense qu’elle a fait une erreur vraiment catastrophique qui a été d’accueillir tous ces (migrants) illégaux, vous savez prendre tous ces gens d’où qu’ils viennent. Et personne ne sait d’où ils viennent ».
- L’Union européenne
« Je crois que d’autres pays vont quitter (l’UE) » en suivant l’exemple de Londres, en raison de la crise migratoire. « Je pense que maintenir (l’UE) unie ne va pas être aussi facile que beaucoup de gens le pensent ».
- L’OTAN
« J’ai dit il y a longtemps que l’OTAN avait des problèmes. En premier lieu qu’elle était obsolète parce qu’elle a été conçue il y a des années et des années » et « en deuxième lieu, les pays (membres) ne payent pas ce qu’ils devraient ». « C’est obsolète parce qu’elle ne s’est pas occupée du terrorisme ».
- La Russie
« Voyons si nous pouvons faire de bons accords avec la Russie. Je pense que l’armement nucléaire doit être très sensiblement réduit, ça en fait partie ».
- Israël Jared Kushner, son gendre, « va passer un accord avec Israël que personne d’autre ne peut faire ». Évoquant l’ONU, Donald Trump a jugé qu’« on donne tant aux Palestiniens, même si ce n’est pas juridiquement contraignant c’est psychologiquement contraignant et ça rend les choses beaucoup plus difficiles à négocier pour moi ».
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La réaction des dirigeants européens :
La réaction de Valls ne s’est pas fait attendre :
À aucun moment dans cette interview, Donald Trump n’a évoqué la France, qui semble ne pas ou ne plus compter à ses yeux. Il est vrai que les commentaires peu flatteurs du président français ont pesé dans la balance.
La brouille franco-américaine actuelle n’a rien à voir avec celle des années Chirac-Villepin, alors opposés au fils Bush et à son administration de faucons. En 2003, il s’agissait de s’opposer à la guerre en Irak, et la France l’a fait, dernier acte souverainiste de notre diplomatie qui, depuis, ne cesse de dégénérer.
Le levé de menton de Hollande à l’encontre de Trump, ou son ironie quant à son élection, ont été du plus mauvais effet sur les relations entre les deux pays. Incapable de trouver sa voie en étant dirigée de la sorte, la France ne compte plus.
Il ne s’agit pas, pour le successeur du pénible Hollande, de s’aligner sur la nouvelle politique américaine, qui n’est pas encore très claire, mais de ne pas fusiller nos chances de participer à la redistribution des cartes au niveau international. De ce point de vue, Hollande a réussi au-delà de toute espérance.