L’égérie elfique est passée de l’autre côté du mur du son. Dolores O’Riordan, minuscule chanteuse des Cranberries, ne pratiquait pas la casuistique lorsqu’elle chantait le génocide perpétré par les forces de la Couronne britannique sur son Irlande natale. Les zombies des forces spéciales de la perfide Albion auront massacré à plusieurs reprises les enfants de la verte Éirinn, cette Irlande mythique d’où sont issus une part importante des Québécois. Pratiquant un folk-rock de combat, Dolores n’a jamais reniée son catholicisme afin d’embrasser une forme ou une autre de théologie de la libération. Elle ne faisait que témoigner de la dévastation de la très catholique Irlande par les Zombies :
« C’est la même vieille rengaine depuis dix-neuf cent seize
Dans ta tête, dans ta tête ils sont toujours en train d’attaquer,
Avec leurs tanks et leurs bombes,
Et leurs bombes et leurs mitraillettes
Dans ta tête, dans ta tête, ils sont en train de crever… »
Jamais les bardes ne se tairont
[...]
Écrasant la rébellion, les forces britanniques installeront un véritable régime d’Apartheid en Irlande, confinant durant plus d’un demi-siècle les Irlandais dans une position de chiens affamés.
La celtitude et le christianisme s’entrelacent gracieusement
Dolores la Passionaria des vertes landes criait son désarroi en virevoltant sur scène, aérienne et presque funambulesque, jamais abrutissante … entrelaçant – comme ces fameux entrelacs irlandais qui ornent les enluminures des manuscrits des premiers monastères d’Europe – dans ses chansons des thèmes aussi différents que le salut de l’âme, les vaste étendues ou la libération du peuple irlandais. Presqu’une athlète du Christ, pour paraphraser Saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens.
Véritable mystique, Dolores O’Riordan implorait le Seigneur de « lui donner la chasteté, la sainteté, la présence d’esprit » en gambadant sur scène comme une biche que rien n’arrête. La scène du rock, mais tout autant les véritables chrétiens – pas les culs bénis – viennent de perdre une artiste d’une rare sensibilité et qui n’aura jamais renié ses racines celtiques, celles d’avant l’arrivée de Saint Colomban et des premiers missionnaires en Éirinn. Et, le Québec, terre de bardes légendaires, pleure amèrement cette petite fée clochette qui nous rappelait à travers ses chansons que la survie d’un peuple ne peut être séparée de celle de son âme. Cette âme qui représente la continuité entre l’ici-bas et l’au-delà, malgré les vicissitudes d’une existence souvent contrariée par les forces du mal.
Les forces du mal
Dolores O’Riordan luttait contre un tempérament bipolaire et une sensibilité à fleur de peau qui ne lui ont laissé aucun répit. On pense à notre Jean Leloup, obligé de médicamenter sa géniale folie, capable de transformer la contrainte en force créatrice et d’aider la chanson québécoise à sortir de la torpeur des années 2000. La druidesse du rock luttait aussi contre le mal enduré par son peuple depuis si longtemps, depuis la nuit des temps. Et, c’est le salut de l’âme qui permet de surmonter même les épreuves qui semblent les plus funestes. Il faut réécouter son tube SALVATION pour saisir à quel point Dolores savait de quoi elle chantait :
« Vous tous qui vous tapez des lignes de coke, ne le faites pas, ne le faites pas.
Injectez de la liberté dans votre âme, c’est gratuit, c’est gratuit. »
[...]
Pleine de grâce, Dolores O’Riordan aura traversé la scène du rock comme une bête magnifique traquée par des forces maléfiques désarmées en bout de ligne. Elle nous laisse, seuls, avec notre conscience et nos désirs légitimes de libération.
Lire l’homélie entière sur patricehansperrier.wordpress.com
Dans cette chanson, Dolores revoit la petite fille qu’elle était, et dont la souffrance est devenue son inspiration...