Dans le grand bras de fer de l’armement entre le Heartland russe et la thalassocratie américaine, quelques nouvelles intéressantes ont paru ces dernières semaines.
À tout saigneur (saignée en l’occurrence) tout honneur, la dinde volante n’y est toujours pas. Fin janvier, un rapport du Pentagone a révélé que le F-35, programme qui devrait coûter au total la somme astronomique de 1000 milliards de dollars, connaît toujours une foule de problèmes. Entre autres choses, pas moins de 873 défauts logiciels ont été détectés, certes en léger mieux par rapport à 2018 où 917 failles avaient été décelées. Cerise sur le gâteau, le canon est mal aligné et incapable de viser correctement ! Tout simplement « inacceptable » ont déclaré les testeurs du Pentagone.
Les problèmes du F-35 sont proverbiaux et le site Defense News y consacre même un tag. Et pourtant, en bons petits soldats de l’empire, les alliés/vassaux se ruent pour l’acheter et le carnet de commande ne désemplit pas : Japon, Australie, Pologne, Royaume-Uni... Un comportement qui fait fortement penser aux pétromonarchies du Golfe, achetant des tonnes d’équipement inutile au protecteur américain pour faire tourner les usines du Kansas ou de l’Arizona.
De leur côté, les Russes se débrouillent pour faire toujours aussi bien avec beaucoup moins. Les lecteurs du livre se rappelleront sans doute ce passage :
Avec un budget militaire dix fois moins élevé, Moscou donne une véritable leçon d’efficacité, ébréchant le mythe d’une Amérique performante, professionnelle, productive. Dans la course à l’armement, comme dans la conquête spatiale d’ailleurs, la réalité met souvent à mal l’image chimérique du « rêve américain » : amateurisme, gaspillages et fiascos militaro-industriels y sont légion. Derrière l’aura médiatique de la NASA, c’est bien l’URSS, aux moyens financiers pourtant bien plus modestes, qui avait gagné la course aux étoiles : le premier satellite, le premier homme dans l’espace ou la première station (Mir) constituent, au final, des avancées plus importantes que le symbolique premier pas sur Lune. Et la faillite du programme des navettes américaines, au coût astronomique, donne raison à la robuste Soyouz russe, vieillotte mais efficace et économique. Par une curieuse ironie du sort, cette fusée, simple adaptation d’un missile balistique soviétique fabriqué pour atteindre les États-Unis durant la Guerre froide, est depuis 2011 le seul moyen pour les astronautes américains d’aller dans l’espace !
Moscou ne déroge pas à sa règle d’or et prévoit de donner un usage inédit au MiG-31, pourtant entré en service il y a quatre décennies. Moche comme un pou, sans égards pour la furtivité, l’avion possède cependant des qualités hors-normes, comme celle d’évoluer dans la stratosphère à des hauteurs insondables.
Si Reagan, en bon acteur hollywoodien, pensait mettre sur pied un exorbitant système de défense anti-missiles sur le modèle de la Guerre des étoiles, projet aussi spectaculaire que vain, les Russes sont beaucoup plus pragmatiques. Pourquoi ne pas utiliser le bon vieux MiG-31 et en faire un intercepteur de haute altitude ?
On sait déjà qu’il peut intercepter avec succès des missiles supersoniques dans la stratosphère et lui-même tirer des missiles hypersoniques, on subodore qu’il pourrait servir de plateforme pour abattre des satellites ennemis. Le ministère russe de la Défense prévoit maintenant de l’employer contre des missiles hypersoniques.
Les spécialistes se disputeront sans doute sur la faisabilité de la chose, dont les contraintes techniques ne sont pas minces. Pour notre part, contentons-nous de revenir sur le gouffre culturel entre les deux puissances. L’armée américaine s’offre des joujoux hors de prix dont l’efficacité et même la simple viabilité sont encore à prouver. Les Russes reprennent un avion destiné à la casse pour en faire, à moindre coût, leur intercepteur de haute altitude. Il est vrai qu’en Russie, il n’y a pas de lobby militaro-industriel à enrichir...