L’écrivain à succès Michel Houellebecq critique dans une tribune diffusée dans Le Monde du 11 juillet 2019 – mais parue la veille, avant la mort de l’infirmier – la décision d’État de débrancher Vincent Lambert.
Ainsi, l’État français a réussi à faire ce à quoi s’acharnait, depuis des années, la plus grande partie de sa famille : tuer Vincent Lambert. J’avoue que lorsque la ministre « des solidarités et de la santé » (j’aime bien, en l’occurrence, les solidarités) s’est pourvue en cassation, j’en suis resté sidéré. J’étais persuadé que le gouvernement, dans cette affaire, resterait neutre. Après tout, Emmanuel Macron avait déclaré, peu de temps auparavant, qu’il ne souhaitait surtout pas s’en mêler ; je pensais, bêtement, que ses ministres seraient sur la même ligne.
J’aurais dû me méfier d’Agnès Buzyn. Je m’en méfiais un peu, à vrai dire, depuis que je l’avais entendu déclarer que la conclusion à tirer de ces tristes événements, c’est qu’il ne fallait pas oublier de rédiger ses directives anticipées (elle en parlait vraiment comme on rappelle un devoir à faire à ses enfants ; elle n’a même pas précisé dans quel sens devaient aller les directives, tant ça lui paraissait aller de soi).
Vincent Lambert n’avait rédigé aucune directive. Circonstance aggravante, il était infirmier. Il aurait dû savoir, mieux que tout autre, que l’hôpital public avait autre chose à foutre que de maintenir en vie des handicapés (aimablement requalifiés de « légumes »). L’hôpital public est sur-char-gé, s’il commence à y avoir trop de Vincent Lambert ça va coûter un pognon de dingue (on se demande pourquoi d’ailleurs : une sonde pour l’eau, une autre pour les aliments, ça ne paraît pas mettre en œuvre une technologie considérable, ça peut même se faire à domicile, c’est ce qui se pratique le plus souvent, et c’est ce que demandaient, à cor et à cri, ses parents).
Mais non, en l’occurrence, le CHU de Reims n’a pas relâché sa proie, ce qui peut surprendre. Vincent Lambert n’était nullement en proie à des souffrances insoutenables, il n’était en proie à aucune souffrance du tout. Il n’était même pas en fin de vie. Il vivait dans un état mental particulier, dont le plus honnête serait de dire qu’on ne connaît à peu près rien.
[...]
Dans ces conditions, fallait-il tuer Vincent Lambert ? Et pourquoi lui, plutôt que les quelques milliers de personnes qui à l’heure actuelle, en France, partagent son état ? Il m’est difficile de me défaire de l’impression gênante que Vincent Lambert est mort d’une médiatisation excessive, d’être malgré lui devenu un symbole ; qu’il s’agissait, pour la ministre de la santé « et des solidarités », de faire un exemple. D’« ouvrir une brèche », de « faire évoluer les mentalités ». C’est fait. Une brèche a été ouverte, en tout cas. Pour les mentalités, j’ai des doutes. Personne n’a envie de mourir, personne n’a envie de souffrir : tel est, me semble-t-il, l’« état des mentalités », depuis quelques millénaires tout du moins.
Houellebecq centre son sujet sur la notion de dignité, qui peut servir dans tous les sens : on peut éteindre quelqu’un par respect pour sa dignité, si l’on estime qu’il souffre trop ou que la maladie l’a dégradé à un point... inhumain (dans ce cas qui juge de la frontière entre l’humain et l’inhumain ?), mais on peut aussi, par respect pour sa dignité ou sa vie, au choix, conserver – presque éternellement avec les moyens scientifiques – une personne en état d’extinction prolongée.
Une vie végétative doit-elle être éliminée parce qu’elle n’aurait pas de conscience ? Mais qui sait quoi de la conscience d’un être en apparence éteint ? On ne le sait même pas pour les animaux... La loi est une chose, la vie en est une autre. Qu’on se rappelle les mots du Christ : la loi est faite pour l’homme, pas l’homme pour la loi.
Le Monde nous invite à comprendre l’affaire Lambert :
Après cette prise de position de Houellebecq, qui ne la ramène pas souvent sur une affaire d’éthique, voici un documentaire plus conséquent que le résumé du Monde et consacré au cas Vincent Lambert. Nous reproduisons ici les mots de l’auteur : « Ce documentaire concentre toute la vérité autour de la loi Leonetti/Claeys qui a conduit à la mise à mort de Vincent Lambert ». Et le communiqué qui va avec :
La rédaction du Choc de l’Info tient à se joindre au combat mené par les parents de Vincent Lambert et s’associe à toutes les personnes de bonne volonté en qui demeure la détermination de faire éclater la vérité sur les circonstances tout autant que sur les enjeux de sa mise à mort.
Au-delà de la portée de la loi Leonetti/Claeys en matière d’officialisation de la pratique de l’euthanasie, il convient de s’intéresser plus précisément aux dessous de l’élaboration de cette loi à caractère mortifère.
C’est la raison pour laquelle l’enquête menée par le Choc de l’Info révèle les véritables initiateurs de cette loi ainsi que les modalités par lesquelles le parlement français l’a entériné. Le Choc de l’Info par l’entremise de ce documentaire entend interpeller le spectateur en posant plusieurs questions :
1) Souvent avancé dans les médias le drame vécu par les deux parties de la famille Lambert constitue-t-il une justification valable pour conduire le corps médical à l’arrêt des soins prodigués à Vincent ou au contraire existe-il un motif soigneusement dissimulé ?
2) Comment, sous prétexte de mettre fin à un acharnement thérapeutique, la vie d’une personne handicapée ne présentant aucun signe d’agonie et ne pouvant être qualifiée de mourante a-t-elle pu être interrompue ?
3) Qui a intérêt à vouloir la mort de Vincent Lambert et pourquoi ?
4) Derrière la pratique de l’euthanasie se cachent des enjeux peu avouables. Toutefois les temps semblent mûrs pour l’avènement de ces enjeux. Quels sont-ils ?
Chapitres du documentaire
1. ONU : comprendre l’avis rendu par le CIDPH (08:39)
2. La loi Leonetti/Claeys expliquée par Jean Leonetti (13:24)
3. Qui sont les initiateurs de la loi Leonetti/Claeys ? (17:44)
4. L’euthanasie expliquée par Jacques Attali (39:15)
5. Les agents médiatiques au service de la culture de mort (43:47)
6. Épilogue : la mise à mort de Vincent Lambert – juillet 2019 – (1:01:33)