Nigel Farage, sorte de vis-à-vis britannique de Donald Trump, est de loin l’homme le plus important de la politique britannique. En l’espace de quelques semaines seulement, il a pris un énorme élan politique. Farage s’est opposé à tout l’establishment politique, y compris les médias et les élites commerciales, et a promis de changer une fois pour toutes la politique britannique. Jusqu’à présent, il semble qu’il gagne sur tous les fronts.
Comment se fait-il qu’une fois de plus, un populiste de droite ait gagné l’esprit et le cœur des travailleurs ? Comment est-il possible que Jeremy Corbyn, qui était perçu par beaucoup d’entre nous comme le plus grand espoir de la politique occidentale, ait réussi, en moins de trois ans, à se transformer en un accident passager sans importance ? Comment est-il possible que la droite l’emporte systématiquement alors que les conditions sont réunies pour une révolution socialiste exemplaire ?
Contrairement aux commentateurs politiques, mon explication de ce phénomène politique récurrent est de nature métaphysique.
La vision de la gauche de la temporalité est une structure linéaire du progrès historique qui évolue d’un « passé » à un « futur ». L’idéologie de gauche s’articule autour d’une ligne du temps en constante évolution. La gauche promet toujours d’améliorer les choses à l’avenir, de lutter contre l’austérité, de prendre soin du plus grand nombre et non du plus petit nombre, d’instaurer l’égalité et la tolérance, etc. Rien de tout cela n’est en train de se produire à l’heure actuelle. Il reste donc à la gauche la situation d’une promesse censée se réaliser dans un « demain » imaginaire.
Ce n’est pas ainsi que l’argument politique de la droite est structuré. En fait, l’argument de la droite et du fascisme est beaucoup plus sophistiqué d’un point de vue métaphysique. Dans mon récent livre, Being in Time, j’affirme que l’idéologue de droite suggère que, pour la classe ouvrière l’utopie est la « nostalgie ». Trump a gagné la confiance de ses électeurs en promettant de rendre l’Amérique grande à nouveau. Il a juré de réinstaller le passé dans le futur, en inversant l’évolution du temps. Il a promis de faire « reculer » [dans le temps] l’Amérique. Nigel Farage utilise la même tactique, faisant appel aux mêmes sentiments. Il promet de faire de la Grande-Bretagne un royaume et pas seulement une petite île dans un coin du vaste cadre mondialiste dysfonctionnel qu’est l’UE. Farage, c’est la nostalgie d’un passé meilleur. Corbyn a été une star politique uniquement parce qu’il est un personnage nostalgique, un vieux gauchiste. Pendant un certain temps, il a également inversé la ligne du temps, mais ni lui ni aucun de ses conseillers n’ont été assez intelligents pour saisir le secret derrière la « révolution Corbyn ». Ils ont laissé s’évaporer un moment magique de popularité. Corbyn est devenu un cliché. Son pourcentage d’approbation est de 25 %, ce qui n’est pas très prometteur pour un candidat au poste de Premier ministre.
Dans le contexte de la pensée de gauche, le passé, le présent et l’avenir sont chronologiques et se succèdent dans un ordre consécutif. Dans la philosophie de l’aile droite, les temps changent de position de façon irrégulière. Trump et Farage ont mis le « passé » dans le futur. Ils promettent de nous ramener en arrière [au « bon vieux temps »]. Ils font appel aux masses parce que l’esprit humain, dans sa recherche de l’unité, transcende les chronologies linéaires. L’idéologue de droite capitalise sur la recherche humaine de l’essence, des logos et de la transparence. À cet égard, les humains sont des créatures historiques. Ils sont capables de voir l’avenir dans le passé et vice versa.
La gauche, dans sa conception actuelle, peut-elle gagner la confiance du peuple ? Je pense que c’est peu probable. La gauche, comme je l’ai décrite plus haut, est détachée de l’esprit humain. Elle est dans une situation d’apesanteur, sans lien avec le réel. Pour que l’éthique, l’égalité et la tolérance l’emportent, nous avons besoin d’une étude approfondie de l’esprit humain et non de discussions boiteuses sur le matérialisme dialectique.