« Le pied marche avec la racine » dit un proverbe Kabyle.
Je pense qu’il faut saluer l’effort authentiquement antiraciste que font ces femmes en rappelant que les idéologies et les bonnes manières ne se transmettent pas par le sang.
Mais, “pour élever un peu le débat“, il me semble que le sens donné ici à « bounty » est loin de refléter la pensée, plus profonde, de ceux qui en font usage.
La vraie question est celle du pouvoir d’achat de la nouvelle génération d’enfants d’immigrés noirs et maghrébins, et de l’ascension sociale que celui-ci leur procure.
Lorsqu’un Kabyle se met à fréquenter des cours de danse de salon, ou que sa sœur, étudiante, devient militante pro-LGBTQI dans son université parisienne, ou encore qu’un/une noir intègre dans ses activités du week-end de fréquenter les théâtres, de visiter les musées, ou de s’asseoir aux terrasses ensoleillées des cafés, il me semble tout à fait légitime pour les familles de ces soi-disant « bounty/Laziza/Jean-Mouloud », de s’interroger sur les conséquences de ces nouveaux loisirs (de bobos pourrait-on dire), sur le risque d’infléchissement de leurs valeurs conservatrices, et par conséquent sur la force des liens qui unissent leurs membres, et ce encore plus en cas de mariage avec un individu étranger à la communauté ethnique.
Pour ces familles, s’assimiler de manière pleine et entière signifierait simplement se diluer dans un pays, qu’au fond, ils n’aiment pas autant que la terre qu’ils ont quittée ou dont ils savent qu’ils sont issus.
Bref, les questions de l’assimilation, et au-delà, du métissage, sous-jacent tout un mode de représentation de soi face au Français de souche, que l’on respecte, mais auquel on ne souhaite pas se mélanger, pour le bien de tous, y compris le sien.
Patriotes de toutes les patries opprimées (pour reprendre L. Matoub), et notamment de celle qui nous fait vivre, aussi bien physiquement qu’intellectuellement, il n’est pas pour autant stupide pour ces Français de branche de vouloir rester des branches, de ne pas vouloir prendre racine, l’espoir en eux que « leur pays se redresse » et qu’ils y retournent un jour pour s’y regreffer aux souches ancestrales que le capitalisme à tant de fois coupées à ras.
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