Amedy Coulibaly avait une caméra lors de l’attaque de la supérette de la Porte de Vincennes, relate la presse française lundi matin. Un des otages a livré ce détail au milieu de bien d’autres dans son témoignage apporté à Libération. Selon Le Monde, les services spéciaux auraient mis la main sur des enregistrements et ceux-ci seraient examinés.
Quelques jours qu’ils ont vécu l’horreur et qu’ils ont eu le temps de réaliser à qui et à quoi ils ont échappé. Au surlendemain de leurs dépositions, les témoins des prises d’otages se confient peu à peu à la presse. L’un d’entre eux, qui était à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes en compagnie de sa femme quand Amedy Coulibaly a commis sa prise d’otages meurtrière, raconte les détails de cette détention de quelques heures.
« Qu’ils remontent ou je descends tout le monde »"
Il explique que ce sont d’abord environ dix personnes qui ont fui vers le sous-sol pour se cacher du tireur. Mais Coulibaly a compris le subterfuge. Il envoie une employée de la supérette leur dire que s’ils continuent à se cacher en bas, il abattra tous les otages restés à l’étage du magasin. Là, le témoin, sa compagne et un jeune remontent parmi les autres otages. De nombreux autres restent cachés dans la chambre froide, notamment une Belge en compagnie de son petit garçon de onze mois. Le terroriste ne descendra jamais voir si d’autres personnes sont restées cachées en bas, sans doute de peur d’être piégé au sous-sol.
Négligence apparente
Étonnamment, le témoin explique à Libé que Coulibaly les surveillait très peu. Après avoir d’emblée abattu de sang-froid plusieurs personnes en s’introduisant dans le magasin, il profite de ce premier crime pour intimider les autres. Mais son apparente nonchalance se meut rapidement en coups de feu si quiconque tente quelque chose contre lui. Un jeune remonté dans la boutique essaiera de s’emparer d’une kalachnikov laissée par Coulibaly. Le terroriste sera plus rapide et tirera sur lui sans état d’âme devant ses condisciples pétrifiés. Il proposera même à ces derniers, choqués par les gémissements du jeune homme, de « l’achever ». Son agonie durera une demi-heure.
« Je n’ai rien contre les Juifs »
À partir de là, malgré les allées et venues de Coulibaly sur un ordinateur, plus personne n’osera toucher aux armes de peur d’être à son tour exécuté. L’islamiste radical déambule dans le magasin, se fait un sandwich, propose aux clients de se servir à leur tour. Il communique avec eux avec aisance, leur explique ses motifs. « Il nous a dit qu’il n’avait rien contre les juifs mais qu’on payait nos impôts à l’État français et que donc on le cautionnait », se souvient le témoin. Amedy Coulibaly leur fait part de son lien avec les Kouachi qui sévissaient au même moment à Dammartin, de son appartenance à l’État islamique.
Un terroriste connecté
Le témoin affirme avoir tenté de sympathiser avec le preneur d’otages, invoquant leur enfance similaire. Il relate une atmosphère assez libre parmi les otages dont certains ont discrètement mais aisément renseigné les forces de l’ordre par messages tout au long de leur captivité. Il souligne que le terroriste était très intéressé par les informations relayées par BFM TV. Il fait également état d’un détail qui a son importance : « Je me suis rendu compte qu’il avait une caméra GoPro sur lui et un ordinateur : il a sorti la carte mémoire de la caméra, l’a mise sur l’ordinateur et a semblé manipuler ses images sur l’écran ». L’histoire ne dit pas encore de quelles images il s’agissait. Elles seraient actuellement examinées. Amedy Coulibaly a-t-il filmé ses crimes pour envoyer ensuite des preuves à sa « hiérarchie » ? Ou laissait-il des images et déclarations destinées aux autorités après sa mort certaine ?
Les témoins n’en sauront pas plus. Alors que Coulibaly chipote à ses explosifs puis fait sa prière, ils communiquent l’information aux autorités. C’est là que le RAID donnera l’assaut final.