Un article du New York Times de vendredi soulève de nombreuses questions sur l’apparente incapacité des agences de renseignement et du contre-terrorisme français à identifier Charlie Hebdo comme une cible probable de violences islamistes, et les frères Kouachi et Coulibaly comme des auteurs potentiels de telles violences. Tous trois étaient connus de la police, et deux d’entre eux, Cherif Kouachi et Ahmed Coulibaly, avaient écopé de peines de prison pour leurs liens avec des activités terroristes.
Le cas de Coulibaly est même plus étrange. Il avait rejoint les cercles islamistes à Paris après un séjour en prison suite à une condamnation en 2002 pour le braquage d’une banque. Mais en juillet 2009, il était l’un de dix jeunes travailleurs envoyés à l’Elysée pour une réunion avec le président Nicolas Sarkozy en personne, un coup de com’ qui tentait de donner à celui-ci une image moins raciste et moins anti-ouvrière. On peut se demander comment Coulibaly a pu franchir le filtrage de sécurité.
Quelques mois plus tard, Coulibaly a été arrêté puis mis en accusation pour le projet d’évasion d’un autre djihadiste présumé, Smain Ait Ali Belkacem, un membre du Groupe islamique armé (GIA) algérien. Condamné et emprisonné, il n’avait été relâché qu’en mars 2014. Cherif Kouachi avait été interrogé dans le cadre de la même affaire.
Les derniers événements de Paris sont donc conformes au modèle plus large des attentats de la « guerre contre la terreur ». Il s’avère que presque tous les individus liés aux attentats terroristes ayant eu lieu dans les grands pays impérialistes – depuis le 11 septembre, les attentats du métro de Londres et des gares de Madrid, jusqu’à ceux de Paris – ont eu des liens fréquents et inexplicables avec les services de sécurité de ces pays.
Ces attaques atroces se sont produites avec du moins une complicité passive des mêmes agences qui citent la menace du terrorisme pour justifier des attaques drastiques contre les droits démocratiques, des augmentations massives des crédits pour les forces de l’ordre, et la concentration d’énormes pouvoirs aux mains de l’appareil militaro-policier.
Le même processus est en cours à la suite du massacre à Charlie Hebdo et son dénouement sanglant. Andrew Parker, le directeur général du service de renseignement britannique MI5, a tenu jeudi dernier un discours étonnant au quartier général de MI5, avertissant de ce que des attaques semblables à celles de Paris se produiraient probablement aussi en Grande-Bretagne.