Pour tenter de répondre à cette question délicate, qui est toujours d’actualité, nous allons commencer par une illustration sociologique de très haut niveau. Elle est tirée – oups – d’une émission de service public, donc très pédagogique, voire propagandiste, qui date de 2018.
On sent très bien, derrière les politesses et les grands mots, que tout le monde n’en pense pas moins : le dragueur sait qu’il est sous surveillance, les draguées jouent aux tolérantes, et la vieille Caroline Diament, la sympathique sioniste à gros seins lancée par Ruquier à la radio, donne le point de vue le moins hypocrite : « passé un certain âge, ça arrive moins souvent ». Elle ajoute, au cas où on la draguerait encore, « en plus je dis toujours oui, quand on me demande ». Tout le monde rigole, personne ne prend sa remarque au sérieux, pourtant, nous sommes au cœur du sujet.
Certaines femmes plus que d’autres subissent les assauts des mâles dans la rue. Il y a trois camps : les gentils ou les timides, qui n’osent pas, les agressifs, qui foncent dans le tas (gros ou pas), et les malins, qui maîtrisent le jeu. Le harcèlement concerne la seconde catégorie, celle des racailles et des lourdingues (une racaille étant forcément lourdingue), le plus souvent frustrés ou suffisamment idiots pour ne pas adapter leur langage ou leur comportement à la cible. Le lourd, c’est celui qui ne fait pas de différence : un cul est un cul, telle est sa loi. Son cerveau primitif lui dit de foncer, il fonce. En général il se prend une taule, mais il recommence, comme le pachycéphalosaure, qui défonce tous les obstacles devant lui :
Aujourd’hui, après la vague « #Me Too » et « Balance ton porc », les contraintes qui pèsent sur le dragueur de rue sont plus dures. Mais les contraintes sont faites pour être absorbées, détournées et dépassées. Le dragueur malin s’en sortira toujours, avec du bagou, tandis que le lourd tombera dans les filets de la Schiappa ou de ses poursuivantes. Quant au gentil, il sera encore plus tétanisé. Déjà que la drague n’était pas un sport facile, mais avec des amendes, la réprobation générale et la perspective de la taule, le moindre mot adressé à une fille frise le viol.
Toute cette évolution féministe favorise donc les lourdingues et les malins, car les lourdingues continueront à rester lourds et les malins trouveront toujours une solution. Seuls les gentils, disons les hommes respectueux ou féministes, par choix ou par peur, seront punis. Le féminisme se tire donc un balle dans le cul, pour parler trivialement, mais ce ne sera pas la première fois.
Voyons maintenant un point de vue féminin, celui de Lula. La jolie brune de la vidéo, pas le président brésilien écarté par le pouvoir profond étasunien.
Lula est moins hypocrite que les féministes de France 2 : elle énonce que les femmes n’ont pas envie de ne pas être draguées, c’est juste un problème de forme. En gros, un bon dragueur, d’accord, un mauvais, non. On n’entrera pas dans les complications du type « et si Brad Pitt te drague mal ou te met une main au cul, tu réagis comment ? » Même la Schiappa serait dérangée mentalement par la question. Mais ne donnons pas mal à la tête à nos amies féministes, qui sont par définition indraguables.
C’est le prix à payer : le respect total de la femme, c’est son isolement social et sexuel. Certes, il y a des féministes qui ont des maris, des amants ou des copains, mais si c’est pour inverser la relations de domination, il y a toujours un gagnant et un perdant. Le catalogue Ikéa fournit chaque année une exceptionnelle illustration de ce basculement, avec un homme à la cuisine ou au ménage et une femme qui domine dans le salon, sans parler des migrants qui apparaissent ici et là, et des bébés qui changent de couleur.
- Saynète reconstituée à partir d’images du dernier catalogue Ikéa (ou Nikéa ?)
Respecter les femmes ou tuer le désir hétérosexuel ?
« Alors certains hommes se posent aujourd’hui la question : a-t-on encore le droit de draguer dans la rue ? Pour Fiona Schmidt, il s’agit surtout de connaître les limites à ne pas franchir. La journaliste encourage par exemple les hommes à ne pas interrompre une femme lorsqu’elle est occupée, qu’elle soit au téléphone, en train de courir ou en train de lire un livre. “Une femme qui a l’air renfrognée, occupée, n’a pas envie qu’on vienne lui parler, même pour lui faire des compliments”, poursuit-elle. Une règle qui peut sembler basique, mais qui n’est pas comprise par tous les hommes, selon elle. “Le droit à la tranquillité, c’est accepter que les femmes ont le droit d’être dans l’espace public sans être dérangées. Elles ne sont pas à disposition de tous comme des canapés Ikéa et n’ont pas à répondre aimablement, même quand on leur dit simplement bonjour”, analyse -t-elle.
Cette question du “droit à la tranquillité” suscite de nombreuses critiques, en particulier de la part de ceux qui y voient une entrave à la liberté de draguer. Une position que continue de tenir l’écrivaine Catherine Millet, signataire de la tribune sur le droit d’importuner. “On voudrait réguler le moindre geste de désir, de séduction : une main posée sur un genou dans le train, un corps qui se colle au vôtre dans le métro... On se dirige vers une société apocalyptique”, a-t-elle confié à Télérama. Une réaction qui témoigne d’une profonde rupture entre les multiples courants féministes. » (usbeketrica.com)
Attention toutefois à ce que le droit à la tranquillité ne se termine pas en extinction de l’espèce humaine.