L’ancien ministre de la Santé entre 1988 et 1991, Claude Évin, déplore que la loi de Marisol Touraine ne porte aucune mesure choc contre l’alcool et le tabac. Il estime même qu’elle contourne sa loi, qui fête ce dimanche ses 25 ans.
La loi Santé détruit-elle la vôtre, qui encadre la publicité pour l’alcool ?
Sur l’alcool, responsable de 135 morts par jour en France, le combat est en train d’être perdu. Durant vingt-cinq ans, ce texte, qui réglemente la publicité pour l’alcool, a été sans cesse attaqué. Sous la pression des publicitaires et celle des viticulteurs qui dans cette affaire sont instrumentalisés, la publicité sur des affiches dans la rue a été rétablie trois ans après, celle sur Internet a été autorisée en 2009. Dire aujourd’hui qu’on ne peut diffuser la photographie d’un vignoble ou faire un article sur la Bourgogne est absurde. Ce qu’on ne peut accepter, c’est de présenter l’alcool, quel que soit le produit, de manière à inciter à la consommation, que ce soit sous la forme de visuels ou d’articles. La consommation excessive d’alcool tue, brise des familles (violence conjugale) et des vies (accidents de voiture), on ne peut donc pas en faire la promotion comme on le ferait par exemple d’un parfum.
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Après le problème de l’alcool, l’ancien ministre évoque le problème de la cigarette pour le site 20minutes.fr...
Avec la loi Veil, la loi Evin est sûrement l’une des rares lois nominatives que Monsieur Tout-le-monde peut citer sans faire un tour sur Wikipédia. Mais 25 ans après sa promulgation, c’est aussi l’une des moins bien appliquée. L’interdiction de fumer dans les lieux publics, la vente de cigarettes aux mineurs ou le contrôle de la publicité des produits du tabac, sont régulièrement bafoués.
Pour l’ancien ministre de la Santé (PS), en retrait de la vie politique depuis qu’il a repris ses fonctions dans un cabinet d’affaire, il est donc important de renouveler le message. Àl’heure où Marisol Touraine, reprend à son tour le sujet dans la dernière loi Santé.
Que manque-t-il aujourd’hui à votre loi pour qu’elle soit réellement efficace ?
Les outils législatifs n’ont globalement pas bougé depuis 25 ans. Le problème est de les faire respecter. Ce qui a changé c’est un décret de 2006 de Xavier Bertrand. En 1992, le décret pris par Bernard Kouchner était hypocrite puisqu’il suffisait de déplacer un chevalet sur une table de restaurant pour qu’on ait à arrêter la fumée. Aujourd’hui, l’interdiction de fumer dans les lieux publics n’est pas contrôlée. C’est un problème de mise en œuvre. Quand quelqu’un fume dans une brasserie qui a une terrasse extérieure permanente fermée par une bâche plastique, l’hiver sur les trottoirs, cette situation est contraire à la réglementation. Il y est interdit de fumer. Le non-respect de la loi mérite toute la vigilance des différentes administrations chargées de leur contrôle. La loi Santé ajoute quelques fonctionnaires pour contrôler, notamment la police municipale. Pourquoi pas. Mais si, déjà, les fonctionnaires étaient bien mandatés pour le faire aujourd’hui, ce serait bien. Il y a peu de contrôles en la matière et la loi n’est pas respectée.
Vous arrive-t-il de dire que votre loi n’est pas respectée quand vous vous trouvez dans ce genre de situation ?
Tout dépend du contexte mais il m’arrive de dire quelque chose, oui. La loi et le décret interdisent de fumer dans tout lieu couvert et fermé, même avec une bâche provisoire. Il peut m’arriver de le dire au patron. D’autant que c’est une situation préjudiciable pour les personnels. On a aussi des situations ubuesques. La régulation n’est pas précise concernant les gares. Mais quand, au haut-parleur, on annonce qu’il est interdit de fumer dans l’enceinte de la gare, y compris sur les quais, personne ne fait respecter cette annonce. On crée des situations contre-productives. Je pense qu’il serait préférable de ne rien dire.