C’est avec un très grand déplaisir que j’ai découvert une affiche de la CGT ce matin lors du trajet séparant mon domicile de mon lieu de travail.
Que voit-on sur cette affiche ? Une ravissante jeune métisse souriante. Et sous ce joli minois, on lit ceci : "Est-ce que j’ai une tête de syndiquée ?".
Bien. Mais qu’y a-t-il de déplaisant dans une "tête de syndiqué" camarade Bernard ? Si tant est qu’une "tête de syndiqué" puisse exister, ce dont tu me permettras de douter.
En fait, je crois avoir malheureusement trop bien compris ce que signifie "une tête de syndiqué" dans ton esprit et dans celui des responsables de cette campagne d’affichage. Campagne d’affichage, qui peut-être n’est guère récente, mais grâce en soit rendu au Ciel, à laquelle j’avais pu échapper par bonheur jusqu’à ce matin.
Donc une "tête de syndiqué" c’est quoi camarade Bernard ? Une caissière d’une cinquantaine d’années le visage grimaçant à cause d’un dos perclus de douleurs, un ouvrier licencié de chez Continental, un sidérurgiste abîmé par la vie ? Tout cela n’est pas très glamour, c’est cela camarade Bernard ?
Ce n’est pas assez cool, c’est trop démobilisateur, trop déprimant... c’est ça ? J’y suis camarade Bernard ? J’ai bon ?
Camarade Bernard décidément tu n’en loupes jamais une.
Après avoir appelé en loucedé à voter "Oui" à la Constitution Giscard (heureusement tu fus débordé par la base et dus t’incliner), après n’avoir pas remis en cause la décision de ton prédécesseur Louis Viannet d’intégrer la CGT à la très blairiste Confédération européenne des syndicats (CES), après avoir transformé quelque peu la Confédération en une centrale syndicale d’accompagnement avec ton document d’orientation confédérale, désormais tu optes pour le mépris le plus complet à l’égard des travailleurs français. Libre à toi et à tes sbires de suivre ce chemin.
Finalement tout ceci s’inscrit dans cette démarche, également suivie par le PCF, que vous aviez résumée ainsi : "les jeunes, les femmes, les immigrés".
"Ouvriers, fonctionnaires, salariés, chômeurs, retraités", n’aurait-il pas été un slogan préférable camarade Bernard ?
La colère monte dans tes rangs. Nous sommes quelques uns à ne pas avoir oublié ce terrible aveu d’Alain Minc, et passé étrangement sous silence dans le monde médiatique : "On assiste à une co-gestion de la crise entre l’Elysée et la porte de Montreuil". Ouahhh ! Et comme si cela ne suffisait pas, Minc n’a jamais de mots assez doux pour dire à quel point tu es un homme génial.
Et pour couronner le tout : le scandale Fabien Engelmann. Du nom de ce camarade, candidat FN aux élections cantonales, que tu as décidé d’évincer comme l’aurait fait un patron souhaitant se débarrasser du syndicaliste gêneur de sa boîte pour mieux étouffer les revendications de ses employés.
Le Droit est de ton côté dans cette sinistre affaire camarade Bernard. La Justice te donnera probablement raison. Mais sur le plan de la morale, de la légitimité et de l’éthique c’est beaucoup plus discutable.
Qu’une chose pareille se déroule à FO n’a rien d’étonnant. Effectivement, que peut-on attendre de bien d’un syndicat créé par la CIA pour contrer la CGT...
Mais que cela se produise également au sein de la Confédération est tout simplement insupportable. Prends garde camarade Bernard, il serait triste pour toi, lorsque démarrera la Grande Explication que tu termines comme un vulgaire Nicolas Strauss-Kahn ou un minable Dominique Sarkozy. Parce qu’on t’aime bien au fond...