Un film primé au festival de Sundance en pleine trumpmania ne peut être que de gauche, et de gauche bien-pensante, sa branche libérale-libertaire. Nous n’allons pas dévoiler l’intrigue du film qui fait fureur dans l’intelligentsia des deux côtés de l’Atlantique, mais analyser la problématique qu’il transporte : l’école à la maison.
Captain Fantastic ? Sous ce nom aux faux airs de blockbuster à superhéros américano-sionistes gonflés aux hormones, l’histoire d’une famille américaine qui vit en forêt, éloignée de la civilisation, et encore plus de la barbarie. C’est le premier paradoxe, et il y en a d’autres. On apprend vite, avec un père complet, aussi bien cérébralement que physiquement, qui pousse ses enfants vers plus d’information, de connaissances, de lucidité, de courage, physique et mental. On grimpe en courant à flanc de montagne, en pleine forêt, on s’arrache en escalade niveau 6a ou 6b sous une pluie diluvienne, on sirote les grands philosophes, on déguste l’Histoire, gobe les Sciences, on fait pousser des plantes, on maîtrise le feu, bref, des hommes des bois 2.0, une approche intelligente de la nature et de ses êtres. La permaculture étendue aux enfants !
À 8 ans, un enfant est capable de raisonner, de damer le pion à des adultes formatés, car la petite famille va traverser les États-Unis du nord au sud pour raisons « familiales », et se retrouver confrontée à l’autre civilisation, celle que beaucoup rêvent de fuir, mais au centre gravitationnel surpuissant. Difficile de s’écarter du Système.
Ceux qui ont testé l’école à la maison savent : ils savent que les mômes apprennent à une vitesse supersonique, une fois qu’on ôte de leur esprit la maladie de la compétition (tuer l’autre) et la peur d’échouer (« je suis nul »), qui en est le corollaire. Les pires cancres montrent des capacités insoupçonnées, et ce n’est pas un rêve de 68tard à la noix. Le problème de l’école publique est qu’elle impose à une masse d’enfants complètement différents, un format idéologique qui a fait les preuves de son insuccès. Revenir à l’école d’antan ? Bullshit. Trop d’eau informationnelle a coulé sous les ponts. Il s’agit de retrouver le plaisir d’apprendre, parallèlement au plaisir d’enseigner, en prenant en compte la construction cérébrale des enfants contemporains. Une instruction dynamique en famille est possible, au prix d’une coupure sociale. Or à l’école, les enfants apprennent autant des profs que des autres. Les comportements se forment, se déforment et se reforment pendant les 12 années d’apprentissage, de la 6e au bac.
Si l’école à la maison est plus efficace du point de vue de l’acquisition des connaissances que l’école à l’école, comment régler le problème de la désocialisation des enfants sortis du système scolaire ?
C’est ici qu’intervient l’école du futur, un mélange entre classe classique et enseignement à domicile. À n’en pas douter, des petites structures interfamiliales vont se créer dans un avenir proche pour réparer le passage très menacé des connaissances d’une génération à la suivante. La nature (humaine) ayant horreur du vide, des structures cognitives de quartier, autogérées, avec parents-profs tournants vont se former. Vu le niveau demandé à certains profs aujourd’hui (il manque des dizaines de milliers d’enseignants), ce n’est pas une utopie. Certes, un parent passionné ne remplacera pas un titulaire du Capes ou de l’agrégation, mais on fait avec ce qu’on a.
Le problème suivant – la résolution d’un problème débouche immanquablement sur un nouveau problème – sera de ne pas laisser dans un service public en perdition les couches de populations qui ne peuvent pas en sortir. C’est ce qui se profile actuellement, avec la fuite des petits cerveaux vers l’école privée. Non pas que les « attachés » au service public, qui sont encore la majorité, seraient plus bêtes que les partants, mais ils ne disposent pas des mêmes chances. C’est un fait, que personne ne conteste, à droite ou à gauche. Rétablir l’autorité ne changera pas grand chose aux programmes, en voie de désossage, d’allègement, au moment (école primaire et collège) où la curiosité des enfants est à son maximum !
Captain Fantastic a le mérite de poser une partie de ces problèmes en termes forts, voire caricaturaux. On n’évite pas le sempiternel manichéisme US, pour une fois inversé : ce sont les enfants formatés des classes moyennes qui sont les « méchants », tandis que les marginaux se retrouvent à la pointe de l’Évolution. Certaines prises de position – du réalisateur Matt Ross – feront bondir les lecteurs d’E&R : les chrétiens y sont présentés comme des crétins, le trouble Noam Chomsky y est adulé comme un dieu (le Noam Chomsky Day remplace Noël), et il y a même un clin d’œil aussi lourd que subreptice à la Shoah... Encore un vulgaire placement de produit par la Sion Inc. !
De toute façon, l’école à la maison a déjà commencé : combien de parents pallient la baisse de niveau programmée par l’oligarchie de l’Éducation nationale en faisant travailler eux-mêmes leurs enfants après la classe, et en payant des officines privées pour que leur progéniture ne sombre pas, comme on le voit ici ?