Pourquoi la presse ressort-elle l’antisémitisme de Marx aujourd’hui, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance ?
C’est bien simple, cela va dans le sens de l’attaque oligarchique contre ce qu’il reste de gauche antisioniste, dite aussi islamo-gauchiste.
Pour l’oligarchie, ou le pouvoir profond, il faut désantisémitiser la gauche, vu que pour la droite le job est fait. De la droite française il ne reste plus qu’un reliquat d’insoumission nationale.
La gauche, traditionnellement antisioniste ou antisémite par anticapitalisme, a plus de mal à se plier aux oukases de la dominance. Marx lui-même ne pouvait pas éviter d’être un peu antisémite en étant anticapitaliste, la finance et la Banque étant au XIXe siècle dans les mains des potentats juifs d’Europe et d’Amérique.
Cet article du site libéral Contrepoints illustre à merveille l’opération en cours. De la même façon que Taguieff accuse Céline des crimes qui seront commis en France suite à ses écrits (une intention « mortifère »), Contrepoints met en partie les massacres du XXe siècle sur le dos de Marx.
« On peut relire Marx, en débattre, mais cela n’autorise pas à le glorifier en dépit de ses positions antisémites et de l’influence mortifère de sa pensée sur des régimes politiques les plus meurtriers du siècle passé. »
Qu’on ne s’y trompe pas : l’enjeu n’est pas les morts d’hier, mais bien le pouvoir d’aujourd’hui, exactement comme avec la Shoah.
- Le capitalisme peut maintenant exploiter tranquille
Le deux poids deux mesures a encore de beaux jours devant lui en matière d’extrémisme politique, et malgré une barque plus que chargée Karl Marx bénéficie toujours d’une fascination de la part d’une partie de nos élites intellectuelles et politiques. À une époque où l’Union Européenne juge bon de « fêter » les 200 ans de Marx, il est toujours bon de relire Marx dans le texte. Les appels à l’élimination physique de ses cibles politiques ne sont même pas déguisés, et le Marx adepte de la dictature politique ne semble pas éclabousser le Marx philosophe ou économiste. S’il est faux de dire que Marx est responsable des dizaines de millions de morts des dictatures communistes, il est tout aussi naïf et factuellement erroné d’affirmer que ses écrits n’ont eu aucune influence sur ces massacres.
Toutefois ces aspects sont bien connus, sans doute beaucoup plus qu’un autre aspect peu reluisant de l’oeuvre de Karl Marx : son antisémitisme sans bornes. Dan Hannan l’évoquait dans un précédent billet, que j’aimerais compléter par quelques morceaux choisis d’un article publié par Marx le 4 janvier 1856 dans le New-York Daily Tribune. Comme on peut s’en douter cet article est souvent discrètement évincé des florilèges marxistes, mais avec quelques efforts on en retrouve la trace sur la toile.
Pour que le lecteur comprenne mieux le contexte des phrases suivantes, précisons que Karl Marx dénonce dans cet article le rôle joué par les financiers juifs de plusieurs pays européens dans la vente d’emprunts russes émis par le Tsar pour financer la Guerre de Crimée. Il s’en prend tour à tour à plusieurs familles juives impliquées dans l’industrie bancaire : Stern, Stieglitz, Rothschild, etc. pour dire tout le mal qu’il en pense. Les passages traduits ici sont les considérations plus générales sur les Juifs.
L’antisémitisme de Marx
« Il y a un Juif derrière chaque tyran, tout comme il y a un Jésuite derrière chaque Pape. En réalité, les espoirs des oppresseurs seraient vains et la guerre pratiquement impossible s’il ne se trouvait quelque Jésuite pour endormir les consciences et quelque Juif pour faire les poches.
(…)
Hope inspirant le respect des plus éminents marchands de son époque, et Stieglitz faisant partie de la franc-maçonnerie juive, qui a toujours existé, ces deux pouvoirs combinés pour influencer tout à la fois les marchands les plus haut placés et les plus petits travailleurs, ont été mis au plus grand profit de la Russie.
(…)
Ne nous croyons pas trop sévères envers cette gent de financiers. Le fait qu’il y a 1855 ans le Christ a chassé les marchands du Temple, et que les marchands contemporains engagés du côté de la tyrannie se trouvent être ces mêmes Juifs n’est peut-être rien de plus qu’une coïncidence historique. Les financiers juifs font seulement à une échelle plus large et plus insupportable ce que d’autres font à un niveau moins significatif. Mais c’est seulement parce que les Juifs sont si puissants qu’il est plus que temps de mettre à jour et de dénoncer leur organisation. »
[...]
Marx et ses amalgames douteux
On pourrait objecter que Marx s’attaque ici aux Juifs non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils font. Cependant pour le lecteur attentif il est impossible d’ignorer que nulle part la distinction n’est établie, l’article étant à l’image de la pensée marxiste une suite de généralisations grossières et d’amalgames douteux. Au détour d’une phrase on devine que Marx tient particulièrement en horreur la religion (juive, en l’occurrence) qu’il reproche à certains financiers de pratiquer de manière très ostensible. Mais au total c’est bien à l’activité économique supposée de toute une catégorie de population qu’il s’en prend, sans jamais envisager l’idée que tous les Juifs de son époque ne sont pas des financiers, petits ou grands.
Lire l’article entier sur contrepoints.org
Pour prolonger la réflexion, écouter l’émission Karl Marx, 200 ans de lutte de classes.