La crise des déchets s’est aggravée dimanche à Beyrouth où des affrontements ont à nouveau éclaté entre la police et des manifestants, faisant plus de 70 blessés et accentuant la pression sur un gouvernement libanais paralysé par de profondes divisions.
Au lendemain de heurts ayant fait au moins 16 blessés, de nouvelles violences ont eu lieu en fin de journée lors d’un rassemblement dénonçant l’impéritie du gouvernement à trouver une issue à la crise des ordures ménagères qui envahissent les rues depuis des semaines.
Selon le secrétaire général de la Croix-Rouge, Georges Kétané, 43 manifestants ont été hospitalisés pour suffocation ou fractures. Deux cents autres ont été incommodés et pris en charge sur place.
Par ailleurs, 30 membres des forces de l’ordre ont été blessés, dont un grièvement, selon une source de sécurité.
Les échauffourées se poursuivaient vers 20 h, mais avec moins d’intensité.
Le rassemblement était de nouveau organisé à l’appel du mouvement citoyen « Vous puez », qui s’est désolidarisé des heurts et a insisté sur le caractère pacifique de la protestation.
Les violences, dans l’élégant centre de Beyrouth, ont été déclenchées par quelque 200 jeunes, dont certains avaient le visage couvert. Ils ont jeté des projectiles — pierres et bouteilles remplies de sable — sur les forces de l’ordre et tenté de retirer les barbelés derrière lesquels étaient massés les policiers. Certains ont mis le feu à une moto et essayé de constituer une mini-barricade avec des tables et panneaux en bois.
La police a alors fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Des tirs ont également été entendus.
Droit à la propreté
« Nous n’avons rien à faire avec ce groupe et cette violence », a affirmé à l’AFP un porte-parole du collectif « Vous puez », Joey Ayoub.
Dans l’après-midi, des milliers de personnes, des jeunes en majorité, s’étaient réunies dans une atmosphère bon enfant près du Sérail, le siège du premier ministre. Des gens de tous milieux et de toutes confessions, fustigeant l’incompétence du gouvernement, scandaient notamment « Liberté » ou « Le peuple veut la chute du régime », mot d’ordre associé aux manifestations du début de la révolution en Syrie en 2011.
« Nos parents se sont fait la guerre, mais ici nous sommes des Libanais, chrétiens et musulmans, manifestant tous ensemble pacifiquement pour demander nos droits », a déclaré à l’AFP Alexandra al-Hajj, 20 ans.
Les ministres doivent « régler le problème des déchets, de l’eau, de l’électricité. Ce sont nos droits élémentaires », réclamait Gemma Souleimane, une mère de famille de 40 ans d’Abra (sud).
En première ligne dans cette crise, le premier ministre, Tammam Salam, avait appelé, plus tôt dimanche, au calme et tendu la main aux manifestants. « Je suis disposé à vous écouter et à m’asseoir avec vous », avait-il lancé lors d’une conférence de presse.
M. Salam a reconnu que le problème des ordures était la goutte d’eau ayant fait déborder la colère de l’opinion. « Mais la question est beaucoup plus importante que cette goutte d’eau. C’est la question des ordures politiques dans ce pays », a lancé le premier ministre, considéré comme un modéré adepte du compromis.
Il a appelé le Conseil des ministres à se réunir rapidement pour trouver une solution à la crise, dénonçant les divisions politiques paralysant les institutions.
M. Salam a par ailleurs estimé qu’une « force excessive contre la société civile et contre le peuple » avait été employée pour disperser la manifestation de samedi et souhaité que les responsables soient « punis ».
« Notre demande la plus urgente est que les policiers et les soldats rendent des comptes », avait affirmé pour sa part M. Ayoub.
Samedi soir, la manifestation avait dégénéré quand un groupe de protestataires avait lancé des projectiles sur les forces de sécurité qui avaient fait usage de grenades lacrymogènes et de canons à eau.
Sur des vidéos postées par des manifestants, on voit des membres des forces de sécurité tirer en l’air et battre des protestataires.
Crise gouvernementale
Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), le Liban est sans chef de l’État depuis plus d’un an. Le Parlement est paralysé par les divisions, elles-mêmes exacerbées par les dissensions sur la guerre en Syrie.
Le pays est écartelé entre la coalition menée par le puissant Hezbollah chiite et soutenue par Damas et Téhéran, et celle dirigée par l’ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, appuyée par les États-Unis et l’Arabie saoudite.