Le colon d’Hébron Bentzion Gopstein (photo ci-contre) dirige Lehava. Ce mouvement d’extrême droite s’est spécialisé dans l’attaque de villages palestiniens. Personne ne sait combien de membres compte l’organisation, encore moins qui finance ses activités
« Qu’est-ce qu’on me reproche, finalement ? De défendre le peuple juif. » Voix éraillée, ventre proéminent et grosse kippa tricotée sur la tête, Bentzion Gopstein, 46 ans, est sur tous les fronts depuis quelques années. Présentés comme « l’extrême droite de l’extrême droite israélienne », lui et les militants du mouvement Lehava (La Flamme) qu’il dirige sont partout. À Jérusalem-Ouest (la partie juive de la ville), dans les quartiers défavorisés de Tel-Aviv et dans les petites cités du sud de l’État hébreu.
Officiellement, Bentzion Gopstein, que ses amis surnomment « Bentzi », s’est donné pour mission de « lutter contre l’assimilation » en convainquant les jeunes filles juives de ne pas fréquenter d’Arabes. Et a fortiori de ne pas en épouser. « Parce que ces malheureuses n’imaginent pas le sort funeste qui les attend » et parce que « chaque mariage mixte participe à l’affaiblissement du peuple juif ».
En réalité, ce colon de Kyriat Arba (Hébron), l’une des colonies les plus radicales de Cisjordanie, et ses supporters sont soupçonnés de se livrer clandestinement à des violences. De malmener régulièrement des ecclésiastiques chrétiens vaquant à leurs occupations dans la vieille ville de Jérusalem et de participer au « Prix à payer », ce courant né dans la foulée de l’évacuation des colonies juives de Gaza (2005) et qui s’est spécialisé dans l’attaque de villages palestiniens.
Certes, le mouvement Lehava n’est pas accusé de participation à l’attentat du 31 juillet au cours duquel une famille du village palestinien de Douma (Cisjordanie) a été décimée par le jet d’un cocktail Molotov dans son salon (deux morts, dont un bébé brûlé vif). Mais plusieurs de ses sympathisants se seraient livrés à des déprédations visant les propriétés d’Arabes israéliens ainsi qu’à celles visant le monastère cistercien de Latroun (Israël) en mai 2013.
À la même période, Bentzion Gopstein et les troupes de choc de son mouvement ont en tout cas pris part aux manifestations organisées par les habitants des quartiers sud de Tel-Aviv qui dénonçaient la présence dans leurs rues d’immigrants clandestins subsahariens. Durant l’opération « Bordure protectrice » de l’armée israélienne dans la bande de Gaza durant l’été 2014, les mêmes ont également perturbé les petites manifestations pacifistes organisées dans le centre de Tel-Aviv. « Les traîtres à Gaza, les patriotes en Israël », scandaient-ils en balançant des mégots de cigarette incandescents sur les « gauchistes » qu’ils raillaient.
Arrêté en décembre 2014 dans le cadre de l’enquête sur l’incendie d’une école judéo-arabe de Jérusalem, Bentzion Gopstein a rapidement été relâché faute de preuve. « Je suis ciblé par le Shabak [la Sûreté générale], mais le dossier est vide », proclamait-il alors. Ce qui n’empêche pas le ministre de la Défense, Moshe Yaalon, de songer à faire interdire Lehava, mais son entourage le lui déconseille. Parce que « Bentzi » Gopstein recréerait aussitôt une nouvelle structure sous un autre nom. Et parce que le Shabak affirme « ne pas posséder assez d’éléments » pour étayer la décision d’un point de vue légal.
Pourtant, le vent risque de tourner, car une semaine après l’attentat de Douma, la presse israélienne a publié l’enregistrement d’une conférence sur la loi juive à laquelle participait le colon de Kyriat Arba. Un événement organisé par les cercles nationalistes-religieux dans lequel il se sentait en confiance. Trop peut-être puisqu’il a reconnu être favorable aux incendies d’églises tels qu’on les pratiquait dans la région au XIIe siècle. Ce qui a valu le dépôt quelques jours plus tard d’une plainte en bonne et due forme émanant de l’Assemblée des ordinaires en Terre sainte (églises catholiques).
Sous son aspect pataud, Bentzion Gopstein est un dur. Il a été formé par Meir Kahane, un rabbin fascisant d’origine américaine qui s’était fait élire à la Knesset en 1984 en prônant l’expulsion ou l’élimination physique des Palestiniens. Élection invalidée en raison de son racisme avéré. Il était ensuite retourné à New York, où un islamiste l’a assassiné en novembre 1990.
Vingt-cinq ans plus tard, le kahanisme reste en tout cas présent en Israël et le leader de Lehava en est l’un des représentants les plus flamboyants. Le problème, c’est que son organisation n’a jamais déposé de statuts et qu’elle n’est pas inscrite au registre ad hoc. Ses militants sont certes visibles sur le terrain avec leur t-shirt bordeaux frappé du slogan « Juif, n’aie pas peur ! », mais personne ne sait combien ils sont. Encore moins qui finance leurs activités.
Les services de sécurité israéliens ont relâché la dizaine d’individus arrêtée dimanche dans l’enquête sur la mort d’un bébé palestinien et de son père dans un incendie attribué à des extrémistes juifs. Trois extrémistes juifs, dont Meïr Ettinger, restent placés en détention administrative, c’est-à-dire sans inculpation et pour six mois renouvelables.