En condamnant le meurtre du bébé palestinien Ali Dawabsheh perpétré vendredi dernier par des colons, le gouvernement israélien voudrait nous faire croire qu’il est déterminé à lutter contre la violence des colons. Le gouvernement cherche ainsi à dissimuler la culpabilité fondamentale de l’État dans la promotion d’un environnement qui encourage une telle violence.
Un terme résume le mieux la cause de ces agissements : l’impunité. Cette impunité est nourrie par le favoritisme de l’État à l’égard des colons dans tous les aspects de la vie. Ils se voient proposer d’innombrables avantages pour vivre dans les territoires occupés, sur la base du postulat que le terrain n’appartient pas en quelque sorte à ses habitants autochtones.
Ils se voient octroyer la part du lion des ressources naturelles des Palestiniens. Ils disposent de leurs propres réseaux routiers que les Palestiniens ne peuvent emprunter. Ils sont protégés par des forces de sécurité qui ferment trop souvent les yeux sur la violence des colons, voire qui soutiennent et encouragent cette forme de criminalité dans certains cas, et qui arrêtent les victimes plutôt que les criminels.
Selon un rapport de l’ONU publié en octobre 2013, « de janvier à août 2013, le nombre de morts causées par les forces de sécurité israéliennes a plus que quadruplé par rapport à la même période en 2012, les forces de sécurité intervenant dans des attaques perpétrées par des colons ou dans les affrontements entre colons et Palestiniens qui s’ensuivent pour disperser les Palestiniens plutôt que pour les protéger contre les attaques des colons ».
Un rapport daté de 2013 de la Mission internationale d’établissement des faits des Nations unies chargée d’étudier les effets des colonies est parvenu à la « conclusion claire qu’il existe une discrimination institutionnalisée contre le peuple palestinien lorsqu’il s’agit de lutter contre la violence. »
Les colons disposent d’un système « judiciaire » distinct de celui des Palestiniens dans les territoires occupés. Les rares cas où des colons sont jugés ont lieu dans des tribunaux civils régis par le système judiciaire israélien, ce qui leur donne des libertés et des garanties juridiques refusées aux Palestiniens, qui eux comparaissent devant des tribunaux militaires.
« Le pouvoir d’arrêter un individu, la période maximale de détention avant d’être traduit devant un juge, le droit de rencontrer un avocat, les protections disponibles pour les prévenus lors du procès, la peine maximale autorisée par la loi et la libération des prisonniers avant la fin de leur peine diffèrent grandement dans les deux systèmes de droit, le système israélien accordant beaucoup plus de protections au suspect et au prévenu », indique l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem.
« Ainsi, des systèmes juridiques différents sont appliqués à deux populations résidant dans la même zone et la nationalité de l’individu détermine le système juridique et la cour devant lesquels il comparaît. Cette situation est contraire au principe de l’égalité devant la loi, en particulier compte tenu de la disparité entre les deux systèmes. Elle constitue également une violation du principe de territorialité, principe conventionnel des approches juridiques modernes qui veut qu’un seul système juridique soit appliqué à toutes les personnes vivant sur le même territoire. »
Ainsi, les peines infligées aux Palestiniens seraient impensables pour les colons. Par exemple, ces derniers ne seraient jamais soumis à la torture et ne verraient jamais leur maison être démolie. En outre, Israël répond souvent aux attaques commises par des Palestiniens en procédant à des arrestations de masse, ce qui n’est pas le cas lors d’attaques perpétrées par des Israéliens.
Par contre, une nouvelle loi expose par exemple les Palestiniens à une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement pour un jet de pierre. Une autre nouvelle loi prévoit le droit de nourrir de force les grévistes de la faim palestiniens qui ne font que protester contre les violations de leurs droits. Et ce, malgré l’opposition de l’Association médicale israélienne, qui affirme que cette pratique constitue un acte de torture.
Ces lois ne devraient pas surprendre, étant donné que la ministre de la « Justice » est Ayelet Shaked, politicienne d’extrême droite dont le fait d’armes le plus notoire est sans doute une publication sur Facebook dans laquelle elle affirme que « la totalité du peuple palestinien est l’ennemi » et appelle à son anéantissement, « y compris ses personnes âgées et ses femmes, ses villes et ses villages, ses propriétés et ses infrastructures ».
Ce dimanche, Israël a bel et bien approuvé la détention sans procès de citoyens israéliens soupçonnés de violences contre des Palestiniens, mais cette pratique devrait être employée dans des cas exceptionnels. En revanche, des milliers de Palestiniens sont détenus sans jugement pendant des mois voire des années, sans être informés des charges retenues contre eux et sans que leur avocat soit autorisé à examiner les preuves (B’Tselem évalue à 5 442 le nombre de Palestiniens en détention sans jugement au mois de juin). Il est très peu probable de voir des citoyens israéliens subir un traitement aussi sévère.
Selon un rapport publié en mai dernier par l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme Yesh Din, « les chances qu’une plainte déposée par un Palestinien auprès de la police israélienne entraîne une enquête effective, la localisation d’un suspect, des poursuites et une condamnation finale sont de seulement 1,9 % ».
« Sans application de la loi, il ne peut y avoir de dissuasion, a ajouté Yesh Din. L’État envoie ainsi un message aux délinquants, leur indiquant qu’il ne prend pas leurs actes au sérieux, et peut-être même que mettre fin à ces actes ne l’intéresse pas. »
Les mesures juridiques visant à lutter contre la violence des colons n’iront pas bien loin ; le seul moyen d’y mettre un terme est qu’Israël abolisse son projet colonial. Aucun des gouvernements d’Israël n’a souhaité envisager cela, notamment parce qu’il n’a pas subi la pression devant nécessairement être exercée par ses alliés et par la communauté internationale dans son ensemble, lesquels ne font que prononcer des mots dénués de sens, sans mesures punitives.
C’est pourquoi les efforts populaires, à l’instar du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui est de plus en plus efficace, doivent être davantage soutenus et galvanisés pour qu’une pression soit exercée afin de mettre fin à l’impunité d’Israël, à la complicité de ses alliés et à l’inaction de la communauté internationale.