« Il était sur le point d’aller se coucher, mais il a eu “mauvaise conscience”. Alors il s’est rhabillé, a enfilé un anorak et pédalé jusqu’à la place du marché. Vingt minutes de vélo à travers les rues glaciales et désertes de Halle (Saxe-Anhalt), juste pour déposer une bougie en mémoire des deux morts et des deux blessés de la fusillade qui, mercredi 9 octobre, a plongé dans l’horreur cette ville de 235 000 habitants située au centre de l’Allemagne, d’ordinaire si tranquille.
“Si je n’étais pas venu, je crois qu’en me levant, demain, j’aurais vraiment eu honte, confie Sven, 43 ans, employé de banque. Imaginez un peu : ne pas bouger de chez soi après un attentat contre une synagogue, le jour de Yom Kippour, qui plus est en Allemagne, quatre-vingts ans après la Seconde Guerre mondiale ? ” » (Le Monde)
Halle, dans l’est de l’Allemagne, jeudi 9 octobre 2019, un homme de 27 ans tire avec un fusil trois fois dans la porte d’une synagogue, puis abat deux personnes et en blesse deux autres dans les rues avoisinantes. Comme il est de rigueur avec les attentats new age, l’auteur des tirs s’est filmé avec une GoPro et a diffusé son exploit en direct. C’est la génération quart d’heure de célébrité à la Andy Warhol.
Ces tueries à petite échelle surgissent depuis quatre ans sur le sol européen, jusque-là préservé des tueries à grande échelle américaines. De notre côté de l’Atlantique, à qui profite le crime ? À ceux qui veulent instiller une psychose dans la population ou régner par le chaos en cas de crise sociale trop grave. Il s’agit de détourner la colère populaire vers des cibles-boucliers de l’oligarchie.
De l’autre côté de l’océan, la rencontre entre la vente presque libre d’armes de guerre et des individus désocialisés et en mal-être total produit des envies de destruction explosives. Ça fusille dans les entreprises, dans les fast-foods, les lycées... partout où il y a du monde, où le carton et la renommée sont assurés. Comprendre que les tueries américaines sont le fait de malades mentaux isolés et que les tueries européennes sont le fait de personnalités fragiles plus ou moins manipulées, c’est-à-dire avec une arrière-pensée politique. Le crime de masse américain n’est pas exploitable, le nôtre l’est. Il déclenche un raffermissement de la surveillance et un durcissement de la répression tous azimuts... sauf contre les individus susceptibles de passer à l’acte, et qui sont pourtant bien fichés par le renseignement.
Ainsi la France, patrie théorique des droits de l’homme et de la liberté d’expression, est-elle devenue « le premier pays d’Europe à utiliser la reconnaissance faciale comme preuve d’identité » nous explique Courrier international :
« Dès novembre, et non à Noël comme prévu initialement, le gouvernement d’Emmanuel Macron devrait déployer un programme d’identification baptisé “Alicem”, au terme d’une période d’expérimentation de six mois. Alicem, pour “authentification en ligne certifiée sur mobile”, est une application qui “permet à tout particulier qui décide de l’utiliser de prouver son identité sur Internet de manière sécurisée”, dixit le ministère de l’Intérieur. Chargée sur le smartphone, elle scanne la puce d’un passeport électronique et vérifie l’identité de la personne en comparant sa photo biométrique à son visage via la caméra du téléphone, grâce à une technologie de reconnaissance faciale. Une fois son identité vérifiée par Alicem, l’usager peut accéder à une foule de services publics sans aucun contrôle supplémentaire. »
La bonne blague de l’accès « à une foule de services publics »...
Mais revenons en Allemagne, où un attentat, a fortiori antisémite (même si aucun juif n’a été tué, ouf !) prend une toute autre dimension qu’en France : pour ceux qui ne sont pas au courant, beaucoup de juifs ont été tués par les Allemands entre 1933 et 1945 dans les pays de l’Est (Pologne et Union soviétique principalement). Depuis, peu de juifs sont revenus vivre en Allemagne mais des petites colonies se reforment, notamment dans les grandes villes, où refleurissent les synagogues, qui avaient toutes été détruites par les nazis.
À Berlin par exemple, la communauté juive locale veut faire revenir les juifs, mais ces derniers ne sont pas très chauds. Officiellement, ils seraient au nombre de 117 000 dans la nouvelle Grande Allemagne, qui s’est réunifiée depuis 1989. C’est peu par rapport aux États-unis où ils sont carrément aussi nombreux qu’en Israël (5 700 000 contre 5 800 000, même si d’autres comptages donnent 10 millions de juifs aux USA).
Tout ça pour dire que le contexte historique surmultiplie l’écho médiatique de tout assassinat de juif en Allemagne. On peut dire sans exagération qu’un juif qui meurt aujourd’hui en Allemagne est presque compté dans les morts de la Shoah. En tout cas, les responsables de la communauté juive allemande crient au nazisme au moindre bruit, au moindre mot rappelant l’antisémitisme.
Justement, dans la ville de Halle (235 000 habitants), située dans une région qui a vraiment souffert de la réunification (destruction du tissu industriel par le grand capital ouest-allemand) et du chômage qui en a résulté, le nationalisme et le rejet de l’immigration sont virulents. C’est l’objet de l’article du Monde qui revient sur le contexte de la tuerie non pas antisémite, puisqu’aucun juif n’a été tué, mais exploitée par la communauté juive allemande organisée.
Voici le titre suivi de l’intro du papier :
« À Halle, après l’attentat contre une synagogue et un restaurant turc : “Ici, l’extrême droite est super forte”
Stephan B., 27 ans, a tué deux personnes avant d’être interpellé, en se filmant dans une vidéo où il affirme que “l’Holocauste n’a jamais existé” et que “les juifs sont à l’origine de tous les problèmes”. »
Le terroriste voulait « tuer le plus possible d’anti-Blancs et de préférence des juifs » :
BREAKING : PDF document, appearing to be manifesto of #Halle #Germany attacker Stephan Balliet, emerges online, showing pictures of the weapons and ammunition he used and reference to his live stream. States objective to "kill as many anti-whites as possible, Jews preferred." pic.twitter.com/IpYqY75ywW
— Rita Katz (@Rita_Katz) October 9, 2019
Pour le CRIF local, qui crie à l’antisémitisme, Stephan coche toutes les cases. On dirait presque que s’il n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer : il vise une synagogue pleine de 70 à 80 croyants, ne tue aucun juif et s’en va tuer deux passants près d’un kebab turc. L’émotion est à son comble, le crime fait le tour de la Terre, car le Terrien moyen s’arrête aux mots-signaux « antisémitisme », « attentat » et « Allemagne », trois stimuli qui interagissent de manière automatique et spectaculaire pour les raisons que l’on sait.
La grosse chancelière, qui a promis « la tolérance zéro face à la haine », a aussitôt accouru montrer son allégeance à la communauté visée et au monde entier, afin de montrer qu’elle est bien antinazie malgré sa race allemande :
- Légende du Monde : Angela Merkel lors d’un hommage aux victimes de l’attentat de Halle, ici à la grande synagogue de Berlin, le 9 octobre
« Joseph Schuster, le président de la communauté juive allemande, [qui] a jugé “scandaleux” que la police n’ait prévu aucune protection le jour de Yom Kippour devant cette synagogue, où un “massacre bien plus grand” aurait été commis si les portes avaient cédé aux assauts du tireur. “À présent, nous avons besoin d’actes et plus seulement de paroles” pour protéger les lieux de culte, a déclaré de son côté le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder, dans un communiqué. Surtout, “nous devons constituer un front uni contre les néonazis et autres groupes extrémistes. Le fait qu’ils gagnent en influence en Allemagne soixante-quinze ans après l’Holocauste en dit long”, a-t-il ajouté. »
Cette demande de protection, aussitôt accordée à toutes les synagogues du pays, fait écho à la protection militaire obtenue par toutes les synagogues et associations juives françaises après l’attentat de l’Hyper Cacher (janvier 2015). Pour les églises, rien ou si peu, et pas longtemps.
« Le ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, a annoncé, fin septembre, la création de “quelques centaines” de postes au sein de l’Office fédéral de police criminelle (BKA) et de l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), le renseignement intérieur, afin de mieux lutter contre le terrorisme d’extrême droite, notamment sur Internet. On lui apprend également que la chancelière, Angela Merkel, a dénoncé un “attentat” et s’est rendue, dans la soirée, à la grande synagogue de Berlin en signe de solidarité avec les victimes. »
- Halle est située 40 km à l’est de la Thuringe
L’affaire prend une autre teinte quand on sait que le mouvement national allemand fait beaucoup de voix dans la région et que les élections en Thuringe auront lieu le... 27 octobre 2019. Un lecteur attentif nous a envoyé le tableau de l’évolution des intentions de vote dans le coin et le moins qu’on puisse dire, c’est que les autorités ont de quoi craindre un sursaut national :
Dans le 20 Heures qui a suivi l’attentat, sur la première chaîne publique, le lien entre l’attentat et la politique de l‘AfD a été fait immédiatement. Un amalgame osé, mais en la matière, les journalistes du Système ont besoin de créer des liens à la Kepel. On voit nettement que l’attentat a eu lieu à un moment opportun, celui du pic des intentions de vote pour le mouvement national. Nous verrons le 27 octobre si la dynamique nationale a été freinée par cet attentat prétendument antisémite.
En attendant, Björn Höcke, un des deux représentants de l’AfD en Thuringe, est considéré par les forces du bien comme un Hitler 2.0, car il ne fait pas dans la dentelle de droite molle : considéré comme un tenant de l’extrême droite la plus dure, il est taxé de racisme, de révisionnisme et d’antisémitisme. Son discours de Dresde en 2017 a fait sensation, nous vous en donnerons bientôt une traduction maison.
- Regardez-le bien et craignez-le,
c’est le nouveau Méchant