En règle générale, j’essaie de toujours voir mon verre à moitié plein, et je laisse à d’autres le soin de le considérer à moitié vide. Et voici quelques bonnes raisons pour un éternel optimiste de s’en tenir à un angle positif.
L’été a fini par arriver jusque dans le Nord. Le ciel est bleu, l’herbe est tendre et verte, les fleurs s’ouvrent, bref aucune raison de se lamenter. Si Dieu nous comble de ses merveilles, dans sa grâce généreuse, il ne nous abandonnera pas. L’été, il est bien plus difficile de se sentir laissé pour compte que sous une pluie tenace. Que Dieu siège là-haut et tout ira bien ici-bas.
Et avec le beau temps, voilà que c’est tout l’édifice néo-libéral qui s’effondre. Avec l’élection de Trump, je vous avais dit que le « siècle juif » (selon les termes de Slezkine) était sur sa fin. C’est bien le cas, même si la nuit n’est jamais plus noire que juste avant l’aube.
Vous vous sentiez écrasés par le politiquement correct, à juste titre. Vous avez le droit d’appeler un chat un chat, mais pas un juif un juif. Parce qu’ils n’aiment pas ça, et ne perdent pas de temps pour faire savoir que cela leur déplaît. C’est ce qu’a vécu Jeff Sessions, le Procureur général, qui avait mentionné « l’AIPAC juif ». Cela ne prête pourtant pas à controverse. Que peut-il y avoir de plus juif que le Comité pour les Affaires publiques américano-israéliennes, ou lobby israélien, ou encore lobby juif ? Cette organisation est membre de la Conférence des organisations juives. Ceux qui y participent sont des juifs ou des politiciens et des activistes qui espèrent obtenir de généreuses gratifications juives. Et pourtant Jeff Sessions s’est fait traiter d’antisémite et de sympathisant du Ku Kux Klan.
Mais cela n’a pas eu l’impact que vous pourriez supposer. Pas d’excuses, pas de désarroi voyant. Un tweet d’Andrew Joyce amplement relayé disait : « Jeff Sessions traité d’antisémite pour le crime d’avoir suggéré que l’AIPAC est juif. Les juifs sont en mode panique. »
Pourquoi la panique ? Une part notable de la force juive est due à leur goût pour l’action furtive. On ne les repère pas, ils essaient de rester invisibles, et y arrivent souvent. Si un savant obtient le prix Nobel, ou une actrice un trophée, et qu’ils sont juifs, vous serez mis au courant. Si c’est un fils de bouseux, vous n’en saurez rien. L’AIPAC agit dans la pénombre : c’est un outil inestimable, mais qui a une réputation aussi puante que le Gengis Khan du Capitole. Si les gens le qualifient de juif, comme Sessions, qui sait ce qu’ils vont trouver de juif demain ? Le New York Times, peut-être ?
Et nous arrivons à la seconde raison, capitale, de la panique juive. Le système des Maîtres du Discours (médias, grandes gueules, faiseurs d’opinion) est en panne. Ils ne sont pas arrivés à couronner leur premier choix Hillary, ils n’ont pas réussi à stopper l’ascension de Jeremy Corbyn. L’establishment britannique a tout fait pour l’éjecter, les journaux ont prophétisé qu’il allait subir la plus grande défaite de toute l’histoire des travaillistes. Ce garçon tempéré a été présenté comme l’ennemi archétypique des juifs ; on n’arrête pas de rappeler qu’il fricote avec le Hamas et avec d’autres Palestiniens. Ils ont exigé des excuses, il fallait qu’il prouve qu’il n’était pas antisémite. Et ses pires ennemis étaient dans son propre parti. Le Guardian l’a attaqué sans répit. Les socialistes juifs voulaient l’écorcher vif. Les députés juifs travaillistes étaient vivement hostiles à Corbyn. Ils ont pris part à une tentative de putsch, quand ils lui ont refusé un vote de confiance. Corbyn en a appelé aux masses, et il a gagné.
Michael Foster est un typique juif-contre-Corbyn. C’est un multimillionnaire, sponsor de Blair, qui a rendu possible la guerre en Irak, son nom est indissociable de la corruption politique et des menées subversives dans le parti travailliste au temps de Blair. Il a publié une attaque féroce contre Corbyn dans le Mail puis dans Haaretz, traitant le nouveau dirigeant de « brute fatale pour la démocratie, pour la Grande-Bretagne et pour les juifs britanniques ».
Il s’en est pris à Corbyn parce qu’il rajeunissait le parti. « Voilà qu’ils démocratisent, disent-ils, le parti travailliste en noyant la vieille garde sous un afflux de supporteurs des classes moyennes et travailleuses, anti-establishment, plus verts et plus socialistes. Ils répandent un credo socialiste reposant sur le secteur public dont nous avons tous soupé, et qui a été complètement discrédité dans les sombres années 1970. »
Mais ces histoires de discrédit n’impressionnent plus les gens. C’est le contraire, tout ce qu’ils détestent, tout ce qu’ils condamnent, c’est ce pour quoi les gens votent. Il y a les objectifs véritables de Corbyn, pour commencer. Il ne s’agit pas vaguement de « redonner sa grandeur à la Grande-Bretagne », mais de sa décision terre à terre d’en finir avec l’austérité, de revenir à l’inscription gratuite dans les universités, de garantir des logements pour les jeunes, de renationaliser les chemins de fer, la Sécurité sociale et d’autres outils. De prendre de l’argent sur le budget de la Défense et de le donner au peuple. Voilà ce que veut la population, et c’est ce que Corbyn leur a promis, alors que les conservateurs ont promis plus d’austérité pour tous, et moins d’impôts pour les riches.
Trump ferait bien de s’inspirer des recettes de Corbyn : il a organisé ses supporteurs dans un parti interne, le Momentum, quelque chose qui ressemble fort à l’idée que Lénine se faisait du parti. Ils s’en sont pris aux équivalents de McCain, aux traîtres au sein du parti travailliste. Et ils ont si bien réussi que Michael Foster les a traités de « section d’assaut nazi », malgré le fait que leur chef est Jon Lansman, qui a grandi dans une famille juive orthodoxe, qui a vécu un temps dans un kibboutz israélien, et qui a de la sympathie pour la gauche israélienne. (Un fieffé antisémite, pour tout dire ; en fait un juif sincère est toujours bienvenu, dans toutes les mouvances, par opposition à ceux qui cherchent toujours à prendre pied dans les deux camps, pour garder le contrôle de l’opposition. Même Joseph Staline, qui n’a pas la réputation d’un philosémite, avait des camarades juifs à des positions clés dans le gouvernement et dans le parti, et ils lui sont restés loyaux alors que les autres trahissaient sa mémoire.)
Vous pensez peut-être que les juifs détestent Corbyn pour ses positions sur la Palestine ? C’est ce qu’ils voudraient que vous croyiez. Ils aiment être vus comme des patriotes israéliens, mais l’Israël n’est qu’un écran de fumée pour cacher leurs véritables intérêts. Ils sont contre les travailleurs et pour eux-mêmes, pour les propriétaires terriens et les valises bien garnies. Ils ont une bien meilleure raison de détester Corbyn que le Moyen-Orient. La question israélo-palestinienne n’est après tout qu’un indicateur politique.
Effectivement, Corbyn a appelé à la réquisition des maisons vides pour loger les survivants de l’horrible incendie du North Kensington. Il y a au moins 1500 maisons vides dans le coin, que les propriétaires ne veulent pas louer pour les vendre avec une belle marge le moment venu. Il y a aussi bien des logements vides qui appartiennent à des banques et à des sociétés d’investissement.
Voilà pourquoi les loyers sont si chers à Londres, avec des listes d’attente pour les HLM, et les Anglais de souche qui ne peuvent pas trouver à se loger dans le centre. Ce sont les gens qui peuvent payer des loyers exorbitants qui occupent les appartements, ou ceux qui sont prêts à vivre dans des boîtes à chaussures, comme la Grenfell Tower. Dans les deux cas, les propriétaires ne sont probablement pas anglais, mais très tentés de détester Jeremy Corbyn.
Tous les bailleurs anglais ne sont pas juifs, loin de là. Mais les juifs parlent pour eux et les soutiennent. La majorité des juifs anglais votent pour les conservateurs, et plus de 70 députés conservateurs sont des propriétaires terriens. Ils sont fiers que les électeurs juifs aient empêché Corbyn de devenir Premier ministre, contre la volonté du peuple britannique.
Corbyn appartient au parti travailliste traditionnel des années 1970. En ce temps-là j’habitais à Londres, je travaillais pour la BBC. Londres et l’Angleterre m’influençaient beaucoup. Mon écrivain préféré est Wodehouse, pas Dostoïevski. Mon fleuve préféré est la Tamise, pas la Volga ou le Jourdain. J’ai une vive nostalgie pour cette Angleterre travailliste. Cette ville magnifique pleine de vie était abordable même pour un jeune journaliste. Nous avions pu, ma femme et moi, acheter un appartement de taille convenable à Kensington, et payions des traites très raisonnables. Le logement était abordable parce que les travaillistes donnaient la priorité aux locataires, non aux bailleurs. Les gens à la rue ou simplement les jeunes nomades squattaient des propriétés luxueuses de millionnaires étrangers qui étaient vides. Et ils ne pouvaient pas expulser leurs locataires ou augmenter les loyers librement, et ils finissaient par vendre leurs propriétés à leurs locataires. Ce n’était vraiment pas enviable, d’être propriétaire dans l’Angleterre travailliste. Les propriétaires-occupants étaient devenus la majorité des habitants de Londres. À cette glorieuse époque, les financiers étaient lourdement taxés, tandis que les mineurs de charbon recevaient des aides. C’était avant que la méchante sorcière Thatcher ferme les mines et fasse de l’Angleterre des ouvriers le paradis des financiers, avant qu’ils inventent le réchauffement climatique pour tuer le charbon. Et c’est l’Angleterre à laquelle veut revenir Jeremy Corbyn. C’est pour cela que les juifs britanniques le détestent si passionnément.
Et les juifs ne seraient pas juifs s’ils soutenaient un seul parti. Ils les soutiennent tous et les rendent semblables entre eux. Ils ont soutenu les travaillistes, et ce sont devenus des conservateurs, voués aux banquiers et contre les travailleurs ; ils ont soutenu les conservateurs, et ceux-ci ont renoncé à leurs idées conservatrices, pour s’acoquiner avec les juifs et le politiquement correct, et ils ont amené des étrangers du tiers monde et de l’Europe de l’Est par chargements entiers. Et voilà que Corbyn arrive, réinvente le travaillisme de jadis, mettant à mal tous leurs efforts pour embourgeoiser le parti.
Le parti de Corbyn n’a pas gagné franchement si l’on en croit les sondages, mais il y a de fortes chances qu’il le fasse d’ici un an peut-être. Les rédacteurs juifs comme Nick Cohen (scoop : il a essayé de me démolir pour ma collaboration avec Julian Assange et Wikileaks) vont manger leur chapeau ; ils avaient prévu la déroute de Corbyn, et c’est eux qui sont en panne.
Je vais vous donner un autre exemple de l’effondrement du politiquement correct qui a lieu en Europe. En Suède, merveilleux pays frappé par une abnégation collective quasi suicidaire, se pose la question des « mineurs non accompagnés » parmi les réfugiés. Ce sont en général des gaillards afghans ou syriens qui arrivent en Suède et qui revendiquent le statut de mineurs non accompagnés. On les accueille et on leur fournit tout le confort minimal. Même s’ils commettent un crime, on les traite avec bonté, s’agissant de mineurs. Ils ressemblent souvent à des jeunes de vingt ou trente ans. Et c’est vrai qu’il peut être difficile de déterminer l’âge d’une personne qui vient d’ailleurs, les Orientaux ont souvent l’air plus âgés que les gens du Nord. En général, ces « enfants » n’ont pas de papiers fiables. Jusqu’à maintenant c’était considéré comme de la haine raciste de mettre en doute leurs déclarations. Quand un journaliste écrivait qu’ils avaient une bonne vingtaine d’années, il était stigmatisé comme nazi, et perdait son boulot. Des journalistes sérieux, dans des journaux sérieux, parlaient à ce propos de « légende urbaine ». Et puis il y a eu un changement d’attitude. Les « démocrates suédois », le parti nationaliste d’extrême droite, jumeau suédois du FN français, est devenu, selon les sondages récents, le deuxième parti du pays. Et les libéraux ont compris que leurs idées ne pouvaient plus être bannies ou marginalisées, que l’allusion aux nazis ne fait plus peur à personne, que ça ne marche plus.
On a assisté alors à un changement de paradigme. Le journal libéral qui donne le la, celui-là même qui stigmatisait les opposants comme nazis, a publié un édito affirmant que les enfants non accompagnés n’en sont nullement, que 80 ou 85% d’entre eux ont plus de vingt ans. Ce n’est plus une légende urbaine, comme ils disaient auparavant, mais la réalité. Et ils ont proposé d’éliminer la catégorie des enfants réfugiés selon leurs déclarations. C’était une réclamation nazie jusqu’alors, les braves gens étaient censés croire ce que disaient ces jeunes gens. Et puis voilà que soudain les choses ont changé. Les braves gens ont le droit de croire ce qu’ils voient, et d’envoyer un gaillard chez le docteur pour déterminer son âge véritable. Donc la bataille contre les gens dont les stratèges du gouvernement mondial se servent pour favoriser le grand remplacement des populations a porté ses fruits.
Cela veut-il dire que les démocrates suédois peuvent gagner les élections ? J’en doute, parce qu’ils n’ont pas de réponse sur d’autres questions, en dehors de l’immigration. Est-ce que la Suède doit rester dans l’UE ou la quitter ? Est-ce que les ouvriers suédois devraient avoir la sécurité de l’emploi, ou rester abonnés à la précarité ? Ils n’ont pas de réponse, et pour cette raison, on a du mal à croire qu’ils puissent gagner. Mais ils ont déjà fait un excellent travail en sabotant le politiquement correct et en permettant le libre échange d’idées.
On peut tromper beaucoup de gens un temps, mais pas tout le monde tout le temps. La grande invention juive du politiquement correct et leurs médias n’impressionnent plus personne.
S’il en est ainsi, me direz-vous, pourquoi est-ce que l’opposition n’a pas gagné en France ? C’est parce que l’extrême droite, le FN, avait certaines bonnes idées, mais ne se bat pas pour les questions de fond : l’austérité, les salaires, les loyers, la sécurité de l’emploi. C’est très bien d’être contre l’immigration, mais ce n’est pas la question la plus urgente pour laquelle les gens veulent des réponses. Corbyn a promis d’en finir avec les CDD et de revenir aux CDI, mais Marine ne l’a pas fait. Aux US c’est très différent. Même si les jeunes sont coincés dans des contrats courts et peuvent être virés en cinq minutes, même s’il faut payer des milliers de dollars pour les études et les soins médicaux, on y est habitué et on trouve ça naturel. Il n’y a jamais eu de démocratie sociale, les syndicats n’existent pas. Pour eux la gauche ce sont ceux qui défendent les juifs et les noirs, pas ceux qui vous défendent vous. Un vrai militant de gauche, quelqu’un qui se bat pour les travailleurs, finirait probablement lynché en tant que rouge, là-bas.
Quoi qu’il en soit, prenons conscience qu’un vent nouveau se lève, désormais, le vent du changement. On peut voir cela comme un retour aux années 1970, après des décennies de néo-libéralisme nourri par la CIA. Comme les US ont toujours été différents de l’Europe, ils trouveront aussi des chemins bien à eux.