En Algérie, le Hirak a débuté le 16 février 2019 en protestation contre la candidature du président Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. Il s’est ensuite transformé en lame de fond contre le « Système » qui a fait main basse sur le pays depuis l’indépendance de 1962. Or, si le Covid-19 a mis un terme (provisoire) aux immenses manifestations populaires, la crise politique, sociale et morale demeure sur fond d’épuisement de la rente pétrolière et donc de naufrage économique...
L’Algérie a connu son pic pétrolier entre 2005 et 2007 avec 2 millions de barils/jour, puis, la courbe décroissante s’amorça. Jusqu’en 2014, la baisse de production fut voilée par l’envolée des prix, mais, depuis le 3e trimestre 2018, le ralentissement se fait dans des proportions inquiétantes. Cette année-là, la production algérienne a ainsi baissé de 70 000 barils/jour avec une production d’un peu moins de 1 million de b/j (966 000) alors que les chiffres officiels étaient de 1,2 million b/j.
Le choc est donc double, avec à la fois baisse du prix et épuisement des nappes. En effet, non seulement les gisements actuellement en activité déclinent, mais, encore plus grave, aucune découverte majeure susceptible de redresser le volume des productions n’a été faite.
La situation du gaz n’est guère meilleure. La production moyenne de gaz algérien est d’environ 130 milliards de mètres cubes. Or, comme 30 à 40 % de cette production sont réinjectés dans les puits pour qu’ils puissent demeurer actifs, le pays ne dispose en réalité que d’environ 86 milliards de mètres cubes de production commercialisable. De plus, sur ces 86 milliards de mètres cubes, environ 35 à 40 milliards de mètres cubes sont consommés localement pour la fabrication d’électricité. Dans l’état actuel de la production, il ne reste donc qu’une quarantaine de milliards de mètres cubes pour les exportations.
Comme pour le pétrole, les exportations algériennes de gaz sont en baisse. Elles sont ainsi passées de 64 milliards de mètres cubes en 2005, à 51 milliards en en 2018, puis à 48 milliards en 2019 et enfin à 41 milliards en 2020. Selon M. Abdelhamadjid Attar, actuel ministre de l’Énergie, en 2025, les exportations devraient atteindre environ 25 milliards de mètres cubes, soit moitié moins qu’en 2005...
Ces quelques chiffres illustrent le drame algérien. En effet, les hydrocarbures fournissent, bon an mal an, entre 95 et 98 % des exportations et environ 75 % des recettes budgétaires algériennes, ce qui permet, puisque le pays ne produit rien, d’acheter à l’étranger de quoi nourrir, habiller, soigner et équiper la population. Or, avec l’effondrement de la rente des hydrocarbures, comment l’Algérie pourra-t-elle encore satisfaire les besoins élémentaires de sa population ? Au mois de janvier 2021, l’Algérie comptait ainsi plus de 44 millions d’habitants avec un taux d’accroissement annuel de 2,15 % et un excédent de plus de 900 000 habitants chaque année.
La leçon des crises des années 1986, 1990 et 1994 n’ayant donc pas été retenue par le « Système », l’économie algérienne ne s’est pas diversifiée et elle a continué à vivre sur la rente des hydrocarbures. D’où l’impasse actuelle.
Pour tenter de calmer la révolte populaire qui gronde, les dirigeants algériens utiliseront donc leur joker habituel, à savoir la dénonciation de l’héritage colonial français. Mais ils l’ont tant de fois abattu que le Peuple va finir par ne plus être dupe…