Rédaction – Le débat du jour,
Philippe Lecaplin.
Philippe Lecaplin – L’autre
semaine, à l’Assemblée nationale, pour une fois, il y avait
unanimité entre députés de droite et de gauche. Ils ont tous voté
à main levée en faveur d’une résolution, une résolution
réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de
prostitution. Il s’agissait d’une déclaration de principe qui
n’a aucune valeur contraignante. Mais tout de même, il y a débat,
d’autant que lorsque Leslie Carretero a préparé ce débat, elle a
essuyé des refus quand les uns ont appris que d’autres étaient
également invités. Bref, le sujet passionne et divise. Alors,
faut-il interdire la prostitution sachant qu’environ 20 000
personnes se prostituent en France ?
(…)
Et nous sommes en ligne avec Alain
Soral, bonsoir Monsieur.
Alain Soral – Bonsoir.
Philippe Lecaplin – Essayiste dont
le dernier livre a pour titre Comprendre l’Empire aux
Éditions Blanche. Vous avez des opinions tranchées sur des sujets
de société. Sur celui-ci, est-ce également le cas ?
Alain Soral – Moi, j’essaye
de comprendre la polémique à partir d’une vision globale sur des
sujets comme la mondialisation, la chute des frontières, puisqu’on
voit, en fait, que l’aggravation des conditions de la prostitution
sont liées beaucoup à l’immigration clandestine, Afrique, pays de
l’Est. Voilà, donc, j’essaye de resituer ça dans un contexte
beaucoup plus global, social, politique, économique, que sur le plan
moral où ça n’a pas beaucoup de sens. Parce que vouloir, par
exemple, interdire la prostitution, ça serait presque comme vouloir
interdire l’hiver, par exemple.
Philippe Lecaplin – À propos de
cette résolution votée donc par l’Assemblée nationale, à terme,
elle prévoit d’aboutir à une société sans prostitution. Alors,
est-ce que ce n’est pas trop généreux pour être vrai, sachant
que l’on dit que la prostitution serait « le plus vieux
métier du monde ». Est-ce que métier, est-ce que ce
métier est une fatalité justement, Alain Soral ?
Alain Soral – Je crois que
la sexualité est au cœur même de l’humanité puisque c’est
l’enjeu de la reproduction, de la perpétuation de l’espèce, et
que la sexualité est intrinsèquement perverse. Donc, elle a besoin
d’être, je dirais, de tout temps endiguée par ce qu’on appelle
la civilisation, c’est-à-dire par l’amour, c’est-à-dire la
sentimentalité et aussi la culpabilité, c’est-à-dire le sens de la
loi et de l’interdit. Et quand ces catégories s’effondrent à
cause de la déferlante libérale qui est un processus à la fois
philosophique et économique, forcément ça a des incidences. Et
moi, je crois que c’est comme ça qu’il faut voir le problème,
c’est-à-dire non pas par ses effets mais par ses causes.
(…)
Philippe Lecaplin – Alain Soral,
est-ce que vous, quelle est votre réflexion quand je pose cette
question : la prostitution est-elle un droit féministe ?
Alain Soral – Moi, je pense
que c’est une question qui est mal posée.
Philippe Lecaplin – Je vous
remercie.
Alain Soral – Parce que
c’est d’abord, on va dire, effectivement, une fatalité de la
misère, une violence effectivement qui s’exerce – effectivement
elle est masculine, ça c’est certain – à travers quand même
quelque chose d’autre qui a à voir avec le banditisme. Et
aujourd’hui, si on se pose la question de la prostitution si
violemment, c’est qu’il y a une explosion de la prostitution à
cause, je dirais aussi, de la montée en puissance de réseaux de
banditisme liés notamment à l’espace Schengen. On peut parler
notamment des mafias spécialistes du trafic d’êtres humains,
comme les mafias albanaises, etc.
Et c’est parce que la situation
s’aggrave sur le terrain qu’on se pose cette question. Et là, je
montrerai les contradictions de l’élu local écologiste. C’est
qu’on ne peut pas être à la fois pour l’écroulement des
frontières et la régularisation des sans-papiers, c’est-à-dire
faire venir des immigrés clandestins dans tous les sens, et ne pas
s’étonner après qu’il y ait une explosion de la prostitution
avec une violence accrue, notamment sur les femmes misérables issues
de l’Afrique subsaharienne et les femmes misérables issues de
l’ancien glacis soviétique, parce que c’est ça le drame.
C’est que tant qu’on était dans
une prostitution, je dirais franco-française « à
l’ancienne », y’avait un côté films d’Audiard.
Jacques
Boutault – Tout allait bien, oui, c’est ça.
Alain Soral –
Effectivement, on pouvait. Pas « tout allait bien », mais
on pouvait imaginer.
Jacques
Boutault – Les prostitués ne souffraient pas, y’avait pas
de maladies sexuellement transmissibles !? Le monde était
merveilleux. C’est ça ?!
Alain Soral – C’était
moins grave. Ne me coupez pas la parole. C’était moins grave.
C’est-à-dire que là, il y a un changement d’échelle.
Jacques
Boutault – Vous racontez n’importe quoi, permettez-moi de
vous le dire.
Alain Soral – Il y a un
changement d’échelle, il y a une explosion. Il suffit d’aller
sur les maraîchers, etc., de voir. Il y a une explosion et un saut
qualitatif. Et les raisons sont plutôt politiques, je dirais,
politiques, économiques. C’est plutôt lié notamment à la
dérégulation, à la déréglementation libérale de la société.
C’est une des conséquences de ça.
Jacques
Boutault – Oui, là-dessus on est d’accord, pas sur
l’immigration humaine.
Alain Soral – Ben voilà.
(…)
Philippe Lecaplin – Alain Soral.
Alain Soral – Ce qui est
marrant, c’est qu’on oppose, en ce moment, un modèle qui est le
modèle, en fait, protestant. C’est-à-dire que, finalement, il y a
toujours un lien entre le logiciel féministe et le protestantisme,
le puritanisme. Et nous sommes dans un pays latin, catholique.
Et vouloir transposer le modèle
nordique protestant est assez naïf, je dirais, d’un point de vue
sociologique et anthropologique. Et ce qui est bizarre, c’est que
le puritanisme, finalement, marche toujours de pair avec le
banditisme.
C’est-à-dire qu’il y a un
discours moralisant assez naïf et assez négateur de la complexité,
que par contre le catholicisme, lui, admet très bien. Et puis en
plus, derrière, en fait, on l’a très bien dit pour la Suède, un
banditisme qui est caché. Et cette espèce de tandem
puritanisme-banditisme qui est le système américain de domination
américain typique, finalement, les féministes nous le propose
souvent comme modèle, de façon assez naïve, par opposition à
notre modèle classique latin.
Philippe Lecaplin – Alors, pour
revenir en France. Juste après le vote de la résolution à
l’Assemblée nationale, a été déposée sur le bureau de
l’Assemblée une proposition de loi visant à pénaliser le client,
là aussi, afin de voir diminuer la prostitution. Aucune date n’a
été fixée pour l’examen de ce texte, je le précise.
Alain Soral – C’est très
puritain, ça, voyez. C’est très américain.
Philippe Lecaplin – Roselyne
Bachelot, la ministre des Solidarités s’est dite favorable à la
sanction des clients. Alors, il est question d’un projet, une peine
allant jusqu’à deux mois d’emprisonnement et 3700 euros d’amende
pour le client qui irait voir une prostituée.
(…)
Jacques
Boutault – (…) Mais la prostitution n’est pas un
problème féministe. Un tiers des prostitués sont des hommes.
Michèle
Vianès – Mais bien sûr. Je n’ai jamais dit que c’était
un problème féministe. Je parle de dignité humaine.
Jacques
Boutault – Donc, il faut bien sûr travailler à l’égalité
hommes-femmes. Mais il y a l’éducation des petits garçons
notamment, pour ne pas en faire des dominants sur les petites filles,
systématiquement.
Michèle
Vianès – Ben oui, c’est le moins qu’on puisse dire !
Ben oui, voilà.
Jacques
Boutault – On est complètement d’accord avec vous.
Alain Soral – Oui, enfin,
attention à la naïveté de l’égalité symbolique. Il y a quand
même la réalité de la dissymétrie des sexes, la réalité du
phallus, etc.
Jacques
Boutault – Ce qui est dissymétrique est supérieur !?
Michèle
Vianès – Le droit à la différence n’est pas la
différence des droits, cher monsieur.
Alain Soral – Et
l’égalitarisme politique qui se transpose dans le symbolique,
c’est très dangereux, c’est totalitaire et c’est stupide.
Michèle
Vianès – Ah ! ben oui ! D’accord.
Alain Soral – La sexualité
masculine n’est pas comparable à la sexualité féminine pour des
raisons de différences organiques.
Michèle
Vianès – Où il a appris ça, lui ?
Alain Soral – Et qui
induisent du psychologique et du symbolique.
Michèle
Vianès – Ah ! d’accord.
Alain Soral – Il ne faut
pas tout mélanger. Voilà.
Michèle
Vianès – C’est vous qui mélangez.
Alain Soral – Sinon, c’est
du n’importe quoi. Et tout ça me rappelle la prohibition. Qui a
induit la prohibition aux États-Unis ? Et qu’est-ce que ça a
donné ? C’est les féministes américaines qui ont voulu la
prohibition, et ça a donné Al Capone. On est sur le même
schéma délirant.
Jacques
Boutault – Mais vous parlez d’autre chose, là.
Alain Soral – Non, c’est
la même chose.
Jacques
Boutault – La prohibition de l’alcool, ce n’est pas tout
à fait la même chose.
Michèle
Vianès – Mais l’alcool, ce n’est pas le corps humain !
Alain Soral – C’est sur
le même schéma délirant où mène le puritanisme anglo-saxon. Il
amène toujours, en général, au contraire de ce qu’il voulait
obtenir. Voilà.
Cathy
– Je vous interpelle
[Michèle Vianès]. Que va-t-on devenir
si vous gagnez ? si cette loi passe ? Je veux savoir ce que
les femmes et les hommes de ce pays qui ont entre quarante et
soixante-cinq ans, qui se prostituent depuis des années, vont
devenir ? Moi, je vous pose la question, Madame ?
Qu’allons-nous devenir ? Nous avons devant nous, à peu près,
un an d’économies pour vivre.
Michèle
Vianès – Je veux bien vous répondre.
Cathy
– Après, nous
n’avons plus rien. Qu’allons-nous devenir ?
Philippe Lecaplin – Votre
réponse.
Michèle
Vianès – Alors, je réponds très rapidement. Nous, nous
souhaitons qu’il y ait une aide précise pour permettre aux
personnes qui le souhaitent de sortir du système prostitutionnel.
(…)
Philippe Lecaplin – Merci aux uns
et aux autres d’avoir participé à ce débat qui, on le voit,
suscite toujours autant de passion et de polémiques.