L’ancienne mondaine britannique Ghislaine Maxwell a été déclarée coupable mercredi par un tribunal de New York d’une série de crimes sexuels, en particulier le plus grave : le trafic de jeunes filles mineures au bénéfice de l’ex-financier américain Jeffrey Epstein.
Mme Maxwell, 60 ans, qui encourt des dizaines d’années de prison, comparaissait depuis fin novembre devant le tribunal fédéral de Manhattan, notamment pour avoir fourni des mineures à son ancien compagnon pour qu’il en abuse sexuellement de 1994 à 2004. Epstein est mort en prison en 2019.
Poursuivie pour six chefs d’accusation de crimes sexuels, elle a été reconnue coupable pour cinq d’entre eux. « Très déçue par le verdict », son avocate Bobbi Sternheim a annoncé à la presse son intention de faire appel.
Après 40 heures de délibérations étalées sur cinq jours, « un jury à l’unanimité a reconnu Ghislaine Maxwell coupable de l’un des pires crimes que l’on puisse imaginer – faciliter et prendre part à l’agression sexuelle d’enfants », a tonné le procureur fédéral du tribunal de Manhattan, Damian Williams.
Il a dénoncé des « crimes perpétrés avec son partenaire et complice de toujours, Jeffrey Epstein », lequel s’est suicidé dans une prison de New York en août 2019, avant même d’être jugé pour crimes sexuels.
Aucune date n’a encore été fixée pour le prononcé de la peine de Ghislaine Maxwell.
« Courage des filles »
Regrettant que la « justice ait pris trop de temps », le procureur a salué le « courage des jeunes filles, devenues des femmes », quatre victimes qui ont témoigné contre Mme Maxwell.
« Jane », « Kate », « Carolyn » et Annie Farmer, 42 ans, la seule à s’exprimer sans pseudonyme, ont dévoilé une partie de leurs vies abîmées par des relations sexuelles forcées avec Epstein — notamment des massages sexuels — alors qu’elles avaient entre 14 et 17 ans, souvent en présence de Maxwell.
À l’énoncé du verdict, Ghislaine Maxwell — fille préférée du magnat britannique de la presse Robert Maxwell (mort en 1991) et qui a évolué dans des milieux hyperprivilégiés en Europe et aux États-Unis — était entourée de son frère Kevin et ses sœurs Isabel et Christine.
Elle est sortie la tête basse de la salle d’audience, flanquée d’agents de sécurité.
Ses avocats ont simplement demandé à la juge Alison Nathan de s’assurer que la sexagénaire recevrait une troisième dose de vaccin contre la Covid-19 dans sa prison de Brooklyn.
Ghislaine Maxwell, qui a eu 60 ans le jour de Noël et qui est à la fois britannique, française et américaine, est incarcérée depuis son arrestation à l’été 2020 dans le nord-est des États-Unis, un an après le suicide d’Epstein.
Après trois semaines de débats, le jury-six femmes et six hommes-a eu toutes les peines du monde à s’entendre à l’unanimité sur un verdict. À tel point que les spéculations sont allées bon train sur un possible acquittement, voire un nouveau procès.
La juge Nathan a même dû mettre la pression sur le jury en s’alarmant du « pic astronomique » des contaminations au variant Omicron à New York qui aurait pu repousser l’issue du procès au-delà du Nouvel An si l’une des parties au procès était tombée malade.
L’accusation a dépeint Mme Maxwell en « prédatrice sophistiquée » qui agissait en toute connaissance de cause pour attirer et séduire à l’époque des jeunes filles, parfois de 14 ans, et les livrer à Epstein dans ses résidences de Floride, de Manhattan ou du Nouveau-Mexique.
L’ombre de célébrités
L’accusée, elle, a plaidé non coupable et ne s’est exprimée qu’une seule fois au procès pour réaffirmer qu’elle était innocente. Elle a paru souvent plutôt détendue, conversant avec ses avocats qui n’ont eu de cesse de dire au jury que leur cliente n’était jugée que parce qu’Epstein était décédé.
Outre ce multimillionnaire mort à 66 ans, figure de la jet-set financière new-yorkaise, les ombres d’autres célébrités ont plané sur ce procès : le prince britannique Andrew, un proche d’Epstein, fait l’objet d’une plainte à New York pour « agressions sexuelles » il y a 20 ans, déposée par une Américaine aujourd’hui quadragénaire, Virginia Giuffre.
Saluant le verdict, Mme Giuffre a rappelé « avoir vécu l’horreur des agressions de Maxwell » et a rendu hommage à « toutes les autres filles et jeunes femmes qui ont souffert entre ses mains et dont elle a détruit les vies ».
Elle a dit espérer que d’autres que Maxwell « rendent des comptes ».
Les noms des anciens présidents américains Bill Clinton et Donald Trump ont également été évoqués en raison de leur présence à des fêtes avec le couple Epstein-Maxwell à New York ou en Floride, dans les années 1990, photos à l’appui.
Enfin, côté français, l’ex-agent de mannequins Jean-Luc Brunel, ami d’Epstein, a été inculpé et écroué à Paris en décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles.