Pour ceux qui s’intéressent aux processus de déracinement des paysans, je suis tombé sur ce passage en lisant Tess D’Urberville de Thomas Hardy écrit à la fin du 19eme :
C’était la veille de la bonne dame d’Avril et le monde agricole se trouvait en proie à une fièvre de mouvement qui se remarque seulement à cette date de l’année, car en ce jour, les engagements pris à la Chandeleur pour les travaux des champs de l’année suivant sont mis à exécution et les cultivateurs qui veulent changer de place se transportent dans de nouvelles fermes.
Ces migrations annuelles devenaient toujours plus nombreuses. Quand la mère de Tess était enfant, la majorité des travailleurs de Marlott et des environs restaient toute leur vie dans la même ferme où avaient demeuré leurs pères et leurs grands peres. Mais à présent, le desir d’un changement annuel de domicile allait en grandissant. Les jeunes familles surtout y trouvaient une surexcitation agréable et en espéraient les avantages. L’Egypte des unes semblait de loin aux autres une Terre Promise qui devenait leur Egypte quand elles y étaient arrivées ; et l’on changeait, changeait encore. En même temps, une partie de la population du village disparaissait. Autrefois, à coté des cultivateurs, ils existait une classe intéressante et plus instruite, d’un rang supérieur, comprenant : le charpentier, le forgeron, le cordonnier, le revendeur,et tous les travailleurs autres que les journaliers des fermes, qui devaient une certaine stabilité d’idées et de conduite au fait d’être propriétaire à vie. Mais à mesure que les longs baux expiraient, ils étaient rarement renouvelés au même locataires, et les maisons étaient démolies, à moins qu’elles ne fussent requises par le fermier pour ses ouvriers. Les vieilles familles, qui étaient les dépositaires des traditions locales, étaient donc obligées de trouver un refuge dans les grands centres, ce que les statisticiens expliquent plaisamment par la "tendance des populations rurales à se diriger vers les villes", et qui est la tendance de l’eau à monter quand elle y est forcée par des machines.
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