Que ce soit sur TF1 ou sur France 2, sur Canal ou sur RT, la télévision est vraiment une machine à lisser les opinions. Tout ce qui peut déranger le Système y est soit ignoré, soit stérilisé. Frédéric Taddeï, auréolé de la gloire d’avoir été écarté d’un service public aussi censeur que moribond, n’échappe pas à la règle : sur RT, il avait l’occasion de ruer dans les brancards. Au lieu de ça, on a droit à des débats ronflants, même quand il invite Alain de Benoist. Décidément, pour faire respecter la promesse du titre, ça va être à nous de produire et de réaliser Interdit d’interdire.
- Alain Duhamel présente
On sait bien qu’il n’est pas facile de trouver un thème intéressant par jour ouvré et des invités qui mettent le feu en plateau. Mais dans ce cas, on fait une hebdo, pas une quotidienne. IDI promettait beaucoup, et a donné peu. On s’est fait allumer par une jolie fille en boîte ; le lendemain matin était nettement plus fade.
L’émission du 13 mai 2019 dont le thème était « le clivage droite/gauche est-il encore opérationnel ? », a mis aux prises les personnes suivantes (quatre hommes blancs !) :
Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards,
Lenny Benbara, fondateur du média Le Vent Se Lève,
Alain de Benoist, philosophe,
Stéphane Rozès, président de Cap et enseignant à Sciences Po et HEC.
On a regardé, pour la forme, et on s’est ennuyés ferme, comme chez Arlette Chabot, Alain Duhamel ou Léa Salamé, ces grands noyeurs de débats dans la même purée bien-pensante. On ne va pas faire une crise de jalousie mais à la place de Lenny Benbara, complètement inconnu au bataillon (mais ne déméritant pas pour autant), un Pierre de Brague parti de la gauche et arrivé chez E&R aurait été plus adapté : l’expérience du cercle Proudhon aurait dû être le cœur du débat.
Hasard ou nécessité, on voit fleurir des « Branco » partout...
Au fait, qui est Lenny, du média Le vent se lève ? Eh bien un jeune gaucho « antilibéral », qui sur son site éponyme invite Delphine Batho à parler du « mépris des enjeux écologiques » qui « est un mépris des pauvres ». Pour donner une idée du site, la perspective de l’entrée de l’extrême droite au gouvernement après les élections en Espagne a généré le titre « l’Espagne respire, dans l’attente des prochaines turbulences ».
Voilà un site antifasciste qui fleure bon la nouvelle gauche... toujours pro-Système. Avec Branco et Glucksmann, le Système nous propose un lifting de la trahison de classe. La vieille gauche socialo-sioniste est passée sur le billard, son visage est jeune et lisse, mais elle a des mains de sorcière !
En revanche, on ne présente plus Alain de Benoist, l’homme aux 100 livres qui n’a de cesse de tendre la main à la gauche anti-Système mais qui se fait inévitablement taxer d’intellectuel de la Nouvelle Droite, ou d’extrême droite.
L’extrême droite mène à tout, à condition d’en sortir, mais on n’en sort jamais car c’est pas nous qui décidons ! Ce sont les autorités du CRIF, voyez les mésaventures de Marine Le Pen, qui a donné tous les gages, jusqu’au « meurtre » du père – tu quoque, filia mea – et qui a été écartée de toute possibilité de pouvoir par le principe du cordon sanitaire : l’interdiction de faire alliance avec le FN/RN imposée à tous les autres partis, qu’ils soient de droite moins nationale ou de gauche populiste.
- Rozès est à gauche
(sur la photo, parce qu’en vrai...)
On ne présente pas non plus Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards, la revue de gauche compatible avec le libéralisme, puisque Jacquemain a été le conseiller de Myriam El Khomri, la beurgeoise qui a servi de couverture à la destruction des lois du travail sous Hollande.
Stéphane Rozès, lui, est un agent du libéralisme sociétal à gauche. Ce sondeur d’opinion de métier a notamment conseillé les hautes instances du PCF quand ce dernier battait de l’aile, pour finir par la perdre et ne plus jamais redécoller. Ce think tanker cultivé est partout, dans tous les coups du (re)formatage politique, du moment que ça sert les intérêts de la classe dominante (qui le rémunère) et que ça la protège des « extrêmes ». Un petit coup de Wikipédia pour ceux qui ne sont pas encore abonnés à Faits & Documents :
« Il intervient régulièrement dans les médias audiovisuels et papier sur les questions politiques, économiques, sociales et sociétales. Il a été éditorialiste à BFM Business, France Inter, Public Sénat et France Culture ("Le monde selon Stéphane Rozès"). Le 2 mars 1998, il est un membre fondateur de la fondation Marc-Bloch. Au même moment, il est actionnaire de Politique opinion, dirigé par Patrick Buisson et est chroniqueur dans son émission éponyme sur LCI. Il est depuis 2013 membre du Conseil d’orientation d’Aspen France et membre fondateur d’Anima Mundi. Il est membre du Cercle Montesquieu et du Forum au Collège des Bernardins à Paris. »
Bref, un parfait agent promoteur du Système, fabricant d’opinion plutôt qu’analyste d’opinion, qui a ses entrées partout dans le monde médiatico-politique. Pour ceux qui ignorent ce qu’est l’Institut Aspen, voici un extrait de Wikipédia :
« Les instituts Aspen forment un réseau international d’échanges et de réflexion à but non lucratif fondé en 1950 à Aspen dans le Colorado aux États-Unis. Ils se donnent pour but d’“encourager l’ouverture sur le monde, la prise d’initiative et l’exercice des responsabilités au service du bien commun”. Le réseau, composé d’associations indépendantes, est présent en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, en France, en Inde, en Italie, au Japon, en Roumanie et en République tchèque.
Le comité inclut Madeleine Albright, Sylvia Earle, Henry Louis Gates, Jacqueline Novogratz, David Gergen, David H. Koch, la reine Noor de Jordanie et Condoleezza Rice. Walter Isaacson est le président et directeur général (CEO). »
Dès qu’on gratte un peu, derrière chaque agent du Système, on trouve du lourd.
C’est donc avec tout ce petit monde bien comme il faut que Taddeï a lancé son débat sur la pertinence du concept droite/gauche en politique.
Conclusion
Un débat droite/gauche ou haut/bas, peuple/élite ou populistes/systémistes est intéressant, peu importe la thématique, s’il y a des mal-pensants dedans. À partir du moment où il n’y a que des démocrates, d’accord sur l’essentiel, le débat est mort, et l’intérêt du débat avec. On peut néanmoins se laisser aller à écouter la réponse de Rozès à Benoist à 40’40 quand le droitiste évoque le foirage du « ruissellement »...
La dernière tirade de Rozès est très érudite, mais le conseiller politique (un conseiller politique travaille toujours pour la dominance – car c’est elle qui a le pouvoir et l’argent –, il a pour charge d’expliquer à la dominance comment continuer à enfumer les dominés en minimisant le risque de retour de bâton, c’est-à-dire de révolte sociale, c’est pourquoi Rozès est doublement emmerdé par le mouvement des Gilets jaunes) voit dans le déchirement actuel entre le progrès économique et la régression sociale l’œuvre involontaire du néolibéralisme, c’est-à-dire du Marché, un effet naturel de notre destin économique à tous.
C’est refuser de voir qu’il y a des forces très puissantes en action pour déconstruire l’œuvre nationale à laquelle nous participons tous depuis mille ans et que nous appelons le modèle social français. C’est nier la puissance du système financier international, la corruption des élites qui doivent leur place à ces puissances et qui trompent les peuples avec de fausses réformes qui sont de vraies régressions, des abandons progressifs de souveraineté. Le progressisme, il est là ! Toute la politique actuelle – qu’on peut résumer par l’économisme – n’est pas fatale, c’est une volonté humaine, de ces « humains » qui forment la caste mondialiste.
Rozès ne voit aucun « complot » dans l’évolution actuelle, nous non plus : la destruction des nations est un plan à ciel ouvert qui se fait au su de tous. Il suffit pour faire passer la pilule d’inverser les termes, c’est l’astuce du Diable : la liberté pour la contrainte, l’amour pour la haine, le progrès pour la régression, la démocratie pour la dictature. Les mots sont importants.