Egalité et Réconciliation
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100 migrants dans un village auvergnat de 400 âmes

De chance pour la France à "chance pour le monde rural"

Dans le village auvergnat de Saint-Beauzire, une centaine de migrants résident dans un ancien centre de vacances. Mais le fragile équilibre qui s’est installé avec les habitants pourrait être déstabilisé par la réforme du droit d’asile voulue par le gouvernement.

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Depuis quelques mois, une dizaine d’exilés du centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) de Saint-Beauzire, situé à quelques kilomètres de là, participent aux entraînements. « Ça fait du bien de sortir du centre, sinon on reste un peu isolés », glisse Grace Wunda, encore essoufflé. « Ici, ils progressent et ils s’intègrent », se félicite Pierre Frisch en serrant la main de Didier Robert, le maire de la commune, qui prête la salle. « On cherche à redynamiser le village, salue l’édile. Alors tout le monde est le bienvenu. »

 

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Pierre Frisch et Grace Wunda dans la salle polyvalente de Vézézoux (Haute-Loire), le 26 janvier 2023

 

Une fois les kimonos rangés, le maire jettera peut-être un œil, mercredi 1er février, sur le nouveau projet de loi sur l’immigration, présenté en Conseil des ministres. Le texte prévoit notamment de réformer la procédure d’asile et d’expulser plus vite les personnes déboutées de leur demande, lorsqu’elles sont placées en Cada, comme à Saint-Beauzire. Or, de nombreux territoires ruraux accueillent ces étrangers en quête du statut de réfugié.

 

« Vous allez avoir des emmerdes »

Dans le village altiligérien, cela fait sept ans qu’une centaine de demandeurs d’asile a trouvé refuge. À l’époque, l’État se met en quête de lieux pour accueillir les migrants, le temps des procédures administratives. La fédération Léo-Lagrange, une association d’éducation populaire, propose alors de mettre à disposition l’un de ses centres de vacances, perdu à la lisière d’une forêt de Haute-Loire. « On a eu très peur de la réaction des habitants, au début », se remémore Didier Luce, trésorier de l’association La Loco, qui accompagne les demandeurs d’asile. « En plus, ça tombait en pleines élections régionales et l’immigration était pointée du doigt. »

Dans le village, les rumeurs et les peurs se propagent à travers les vieilles maisons de pierre, éparpillées en hameaux. « Quand ils sont arrivés, des gens qui n’habitent pas ici ont dit : “Vous allez avoir des emmerdes”, se rappelle Fernando, devant sa camionnette. En réalité, rien du tout. »

 

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Le village de Saint-Beauzire

 

La première semaine, une vingtaine d’habitants du canton appellent l’association pour aider à accueillir les migrants. L’intégration de plusieurs dizaines d’entre eux reste un défi dans un village d’à peine 400 âmes. « On est loin de tout ici, c’est un vrai challenge », soupire Didier Luce. « C’est la jungle, il n’y a que des arbres autour », sourit Fénelon Lussala, originaire du Congo et résident du Cada depuis un an.

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Audrey Pailhes, cheffe de service du Cada de Saint-Beauzire

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« Une chance pour le monde rural »

Il suffit de sonner à quelques portes de là, non loin du centre d’accueil, pour constater la persistance de certains préjugés. « Ma mère a bossé toute sa vie et elle gagne moins qu’eux », affirme Pierre devant un gobelet de rosé. L’éleveur rumine encore une histoire vieille de cinq ans. Il accuse des demandeurs d’asile d’avoir dérobé des fraises dans son exploitation.

Le long de la rue des Pins, à quelques dizaines de mètres du Cada, toutes les maisons affichent un autocollant « voisin vigilant » sur leur portail. « Chacun vit de son côté », admet Jean-Paul sur le pas de sa porte. En cinq ans, le sexagénaire n’a jamais discuté avec les étrangers. « Ils ne parlent pas français et moi, je ne parle pas anglais », soupire-t-il. Colette, la voisine d’en face, affirme le contraire : « Ils parlent français et ils sont très courtois », salue-t-elle, emmitouflée dans un pull fuchsia. Les deux riverains s’accordent tout de même pour dire que « tout se passe bien » depuis leur arrivée.

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À travers les plaines gelées de Saint-Beauzire, les rencontres et les échanges entre migrants et habitants restent rares. « Les demandeurs d’asile sont une chance pour le monde rural, même si ce n’est pas la mentalité d’une majorité des habitants », clame sans détour Didier Luce, rappelant que le Rassemblement national a réuni ici plus de 57 % des voix au second tour de l’élection présidentielle de 2022. Ailleurs, comme dans le village de Callac, en Bretagne, l’arrivée des migrants a parfois provoqué des réactions hostiles, alimentées par des récupérations politiques.

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« Après la pandémie de Covid-19, on a eu une pénurie de joueurs, alors on a demandé s’il y avait des migrants motivés » pour enfiler les crampons, raconte Laurent Bazzara, coach du petit club d’Auzon. Il ne s’est pas trompé : une équipe entière de demandeurs d’asile a rapidement rappliqué aux entraînements. Pour la saison actuelle, près d’un tiers des licenciés viennent désormais du centre d’accueil. Deux d’entre eux ont même intégré l’équipe première, et un trophée de leurs exploits trône à l’accueil du Cada.

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