La semaine dernière, à Nice, ont eu lieu deux conférences-débats sur la Syrie. Heureuses initiatives organisées par l’antenne local du « réseau des cafés-citoyens », le « Cercle Valmy », le « CNR » – Comité pour une Nouvelle Résistance – ainsi que par une aile locale « hétérodoxe » des amis du monde diplomatique.
Ce fut l’occasion d’y entendre Mme Ayssar Midani, une franco-syrienne, militante laïque et progressiste depuis de nombreuses années. Présidente de l’association Afamia, une association euro-syrienne pour le soutien et le développement de la culture en Syrie, elle fut ainsi longtemps tenue en suspicion par le régime de Bachar Al-Assad de par son opposition politique. Ayssar Midani milite aujourd’hui pour une Syrie souveraine, unie, laïque et démocratique et soutient le régime de Bachar Al-Assad malgré ses défauts bien réels. Seul rempart selon elle, contre les ingérences étrangères et le fanatisme salafiste manipulé de l’étranger.
Sa passionnante conférence et le « café-citoyen » auquel elle a participé à Nice ont été l’occasion pour nous de l’interroger sur sa vision de la situation actuelle en Syrie. Elle pose ainsi un regard clairement non-aligné sur la tragédie réelle que la Syrie est en train de vivre. Celle d’un pays en train d’être attaqué par de multiples ennemis qui tentent à tout prix de le démembrer afin de s’emparer de ses ressources énergétiques et de redessiner ainsi toute la géopolitique régionale. Voire même continentale, si l’on déplace notre regard du Moyen-Orient à l’affrontement Occident/Eurasie en cours. Ainsi ce que l’on nous présente en Occident et dans ses colonies européennes (qui n’ont plus d’Europe que le nom) comme un soulèvement populaire intensif s’avère être en fait l’instrumentation par l’étranger d’une majorité de « djihadistes » non-syriens pour la plupart. Djihadistes aiguillonnant une minorité d’opposants syriens au régime de Bachar Al-Assad vers une impasse et un bain de sang.
Derrière les évènements en cours en Syrie c’est rien moins que le projet de redécoupage du Moyen-Orient qui se dessine sous nos yeux.
La Syrie résistera-t-elle à l’ingérence de l’Empire allié à la barbarie salafiste ? C’est bien de sa survie en tant que nation dont il est ici question. Une nation clef dans la géopolitique mondiale et un trésor civilisationnel de la mémoire humaine.
Ayssar rappelle ici certaines des raisons clefs de l’attaque actuelle contre la Syrie. Telles que : la non-reconnaissance par la Syrie de l’État d’Israël, sa croissance économique, sa forte démographie, son sous-sol regorgeant de ressources énergétiques, ou encore son régime laïque. Régime laïque mais non antireligieux où chaque confession est protégée par l’État. État certes autoritaire et sécuritaire qu’il convient de réformer, mais un État sûrement plus humain que les monarchies pétrolières du Qatar ou d’Arabie Saoudite que l’Occident protège et promeut de toutes ses forces. Mais surtout : son absence de dette… Eh oui !
La Syrie, un État-nation à la population jeune et dynamique non encore minée par le nihilisme occidental mais sachant séparer le politique du religieux tout en respectant les religions et leur place centrale dans la sphère publique : voilà bien de quoi en faire une cible privilégié de l’ordre des multinationales. Si en plus cet État développe son propre modèle économique et refuse le système de la dette, il se place de lui-même en tête dans le camp du Mal !
Pour nous autres, habitants de notre belle Europe soumise aveuglément et honteusement aux visées de l’Empire occidental, la manipulation la plus cynique apparaît clairement être celle qui consiste à nous coaliser de force dans des guerres qui ne sont pas les nôtres au nom de la lutte contre l’islamisme et le terrorisme tout en armant et soutenant par tous les moyens les islamistes en Libye et en Syrie. On pourra très clairement user ici de l’appellation géopolitique utilisée en son temps par le Général Gallois : celle d’ « Islamérique ». Face, donc, à cette « Islaméricanisation » de tout le Moyen-Orient, la « riposte laïque » de Bachar Al-Assad apparaît bien comme le dernier rempart à la régression communautariste salafiste.
Une certaine cohérence politique voudrait que tous les croisés de papier qui chez nous dénoncent avec raison les reculs de la République et de l’État face aux islamistes et autres barbus pathologiques, soutiennent aussi le combat de la Syrie laïque et patriotique face aux menées islamistes. Ceux qui dénoncent avec raison l’islamisation de l’Europe chez nous feraient bien d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe réellement en Syrie. Malheureusement comme ceux-ci ont souvent choisi de s’allier à l’État d’Israël, qui est l’une des sources premières de la tentative actuelle de démantèlement de la Syrie, il leur sera difficile de soutenir le combat des patriotes syriens de toutes confessions contre cet islamisme qui n’est pas l’Islam et qui menace aujourd’hui de tout emporter dans les pays arabes. Ce que vivent aujourd’hui les Syriens, les Yougoslaves d’hier l’ont vécu [1]. Et demain ? La France ?
La Syrie est l’une des sources pérennes des civilisations de la Méditerranée. Ancienne province de Rome, le christianisme y est presque né avec saint Paul avant de se répandre dans tout l’Empire. À l’époque contemporaine elle fut l’un des berceaux du nationalisme arabe. Nationalisme qui voulait allier le passé et la mémoire des peuples arabes avec les nécessités et les promesses de l’avenir. Aujourd’hui les forces antihumaines les plus régressives et sombres se massent à ses frontières et plus largement veulent enfoncer ce pilier du non-alignement face à l’empire américano-sioniste. L’Europe et la France libres se défendent aussi à Damas, aujourd’hui comme hier.
C’est aux Syriens de réformer leur régime politique, pas aux Occidentaux de s’ingérer dans les affaires d’un peuple qui doit rester souverain et qui risque de devenir définitivement esclave si les menées actuelles parviennent à leur but. Il s’agit de bien comprendre que ce qui a lieu en Syrie actuellement c’est une guerre menée depuis l’étranger contre le peuple syrien et son État. Et non pas une révolution populaire contre le régime actuel comme on tente de nous le faire croire depuis des mois en Occident.
Ayssar Midani est une voie dissidente indispensable face à la séquence en cours de « médiamensonges » sur la Syrie. Ceux qui veulent organiser des conférences ou débats avec elle peuvent nous contacter, nous lui transmettrons vos demandes.
Les Non-Alignés
Entretien avec Ayssar Midani sur la situation en Syrie :
Conférence du 30 janvier 2013 avec Ayssar Midani, et questions du public :
Café citoyen avec Ayssar Midani :
Rappel : synthèse sur le nationalisme arabe :