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Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

« Une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui, ou du moins ce qu’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C’est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. »

« Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous-prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. »

« Je ne perçois aucune contradiction entre cette vision marxiste et le concept fondamental de l’amour chrétien. Le problème naît plutôt du fait que l’Église, dans le monde d’aujourd’hui, est essentiellement non chrétienne au sens originel. (…) Le grand adversaire du Christ, ce n’est pas le matérialisme communiste, mais le matérialisme bourgeois. »

« Nul doute que la télévision soit autoritaire et répressive comme jamais aucun moyen d’information ne l’a été. Le journal fasciste et les inscriptions de slogans mussoliniens sur les fermes font rire à coté. »

« Pécher n’est pas faire le mal. Le vrai péché, c’est de ne pas faire le bien. »

Né le 5 mars 1922 à Bologne et assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur la plage d’Ostie (près de Rome), Pier Paolo Pasolini restera comme l’un des plus grands réalisateurs italiens du XXe siècle, à la fois mystique, poétique et politique. Également écrivain, poète, peintre, journaliste et scénariste, Pier Paolo Pasolini fut un révolutionnaire visionnaire qui dénonça dès 1970 le fascisme de la société de consommation et l’hypocrisie des antifascistes professionnels. Son œuvre immortelle est continuellement à redécouvrir.

 

Pier Paolo Pasolini : « Le vrai fascisme, c’est le pouvoir de cette société de consommation »

 

 

La bande-annonce de Mamma Roma (1962)

 

La bande-annonce de L’Évangile selon saint Matthieu (1964)

 

La bande-annonce de Théorème (1968)

 

La bande-annonce de Salò ou les 120 Journées de Sodome (1975)

 

Centenaire de la naissance de Pasolini : un cinéaste visionnaire

 

Poète, écrivain et cinéaste, Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans le 5 mars. Il est l’auteur d’une œuvre qui n’aura eu de cesse de faire scandale, à droite comme à gauche, tant elle bouscule les Églises, secoue les conformismes et remet en question les certitudes.

 

Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 mourait assassiné, à l’âge de 53 ans, Pier Paolo Pasolini. Son corps fut découvert sur une plage d’Ostie, méconnaissable tant il avait été martyrisé. Un jeune homme de 17 ans, Pino Pelosi, racolé par Pasolini pour des « prestations sexuelles » reconnut sa culpabilité. La tentation fut alors grande de lire cette mort tragique à l’aune de son œuvre. Pasolini n’avait-il pas mis en scène dans son premier film, Accattone, le fatal passage à tabac d’une prostituée dans un terrain vague ?

Aujourd’hui, la thèse d’un « suicide par procuration » est largement réfutée. « C’est quelqu’un qui voulait vivre, comme en attestent ses nombreux travaux en cours, le scénario d’un prochain film, Porno-Théo-Kolossal et son roman Pétrole », assure Hervé Joubert-Laurencin (auteur du Grand Chant. Pasolini poète et cinéaste, Macula, mai 2022).

Ce professeur à l’université Paris-Nanterre, traducteur et spécialiste de Pasolini, pointe du doigt la piste d’un « crime commandité ». De fait, en 2005, Pino Pelosi se rétracta et accusa trois individus, descendus d’une Fiat et qui auraient frappé leur victime aux cris de « Sale communiste ». L’Italie traversait alors ses « années de plomb », où groupuscules d’extrême gauche et d’extrême droite s’affrontaient sur fond de manipulations policières.

Quarante-sept ans plus tard, le mystère demeure. C’est Pasolini tout entier qui ne cesse, sinon d’être une énigme, du moins de questionner et de déjouer les étiquettes. D’obédience marxiste et athée, il a eu à cœur d’inviter la figure du Christ dans son cinéma. En quête de sacré, il ne répugne ni au comique ni au blasphème. Ses films plus d’une fois déroutent, interrogent, voire scandalisent. Penseur et artiste prophétique, moderne tout en se déclarant une « force du passé », il jettera un regard critique sur Mai 68 et la libération sexuelle.

Figure célèbre, poète, romancier, chroniqueur, cinéaste, il n’en fut pas moins honni, calomnié, objet de campagnes de presse haineuse, parce que communiste et ouvertement homosexuel. « Je n’incarnais pas seulement une contestation contre le système capitaliste bourgeois. Mon existence même était une contestation », n’a pas manqué de souligner Pasolini lui-même.

 

« Un poète profondément attaché aux images »

Romanesque en diable, sa vie fut marquée par la mort. Mort, avant sa naissance, d’un premier frère, né alors que ses parents – mère institutrice et père officier – ne sont pas encore mariés. Mort ensuite de son cadet engagé dans la Résistance. « Le malheur a été d’autant plus fort qu’il a été tué par des communistes », raconte Hervé Joubert-Laurencin. Ce qui fera écrire à Pasolini, dans son recueil de poèmes publié en 1957, Les Cendres de Gramsci (philosophe et leader du Parti communiste) : « Je suis avec toi et contre toi ». « Avec toi dans la raison, contre toi dans mon cœur », explique Hervé Joubert-Laurencin.

L’adhésion de Pasolini au PCI sera toutefois de courte durée. Il prend sa carte en 1948, mais en est exclu l’année suivante pour « indignité morale ». En octobre 1949, il a en effet été dénoncé pour avoir eu des relations sexuelles avec des adolescents. Il doit quitter l’école où il travaillait avec sa mère, fuir cette campagne du Frioul qu’il a tant chantée et se réfugier à Rome. C’est là, dans une banlieue romaine pauvre, qu’il « découvre un univers social, sexuel et linguistique qui le fascine », relève René de Ceccatty (Le Christ selon Pasolini, Bayard).

Ce quart-monde, c’est celui des faubourgs de la capitale, des bidonvilles et des borgate, maisonnettes ne possédant ni eau courante, gaz ou électricité. Il va le mettre en scène dans ses romans Les Ragazzi et Une vie violente, puis, en 1961 dans Accattone, son premier long métrage.

« Pasolini est un poète profondément attaché aux images », note Hervé Joubert-Laurencin. « Il a reçu une formation en histoire de l’art. Il est un fin connaisseur de la peinture médiévale. » Quant au septième art, c’est une passion déjà ancienne : « Dès l’âge de 16 ans, Pasolini participe à un concours de scénario, il est assidu aux ciné-clubs de la jeunesse universitaire fasciste, à son arrivée à Rome il s’inscrit à Cinecitta pour être figurant. Surtout, entre 1954 et 1960, il vit de son travail de scénariste, collaborant à 48 films, dont les Nuits de Cabiria et la Dolce Vita de Fellini ».

 

Des films à polémiques et procès

Pour Accattone, à l’instar du néoréalisme, Pasolini travaille avec des acteurs non-professionnels et rend à son tour visible une population absente des écrans, un peuple de misérables, de petites frappes et de prostituées. Mais son style est radicalement autre.

L’histoire est celle de Vittorio, dit Accattone, un proxénète qui va connaître la rédemption à travers l’amour. Pasolini hisse le récit au rang de passion, convoque la musique de Bach, fait de son personnage, des plus minables, une figure christique qui marche vers une forme de martyre. « Tout y est incroyablement beau, noble et sacré », souligne Hervé Joubert-Laurencin.

Cette « sacralisation d’un sous-prolétariat », ce désir de conjuguer beauté et pauvreté, cette transfiguration du réel par un regard poétique, va se retrouver de film en film. Non sans agacer, voire choquer. Non seulement une bourgeoise bien-pensante, mais aussi une gauche qui lui reproche une représentation irréaliste des pauvres. Sans compter ceux qui se revendiquent de l’avant-garde, décontenancés par un Pasolini qui « dit ne pas être intéressé par la Nouvelle Vague », tout en se déclarant « plus moderne que les modernes », comme le rappelle Hervé Joubert-Laurencin.

Pas un film de Pasolini qui ne déclenche polémique ou procès. En 1962, son deuxième long métrage, Mamma Roma, une pietà cette fois autour de la figure d’une ancienne prostituée et de son fils, vaut à Pasolini d’être agressé par des jeunes néofascistes. Scandale encore avec La Ricotta, moyen métrage tourné l’année suivante. Orson Welles y joue un metteur en scène qui tourne une passion du Christ. Le film est « saisi pour “offense à la religion d’État” dès sa première projection à Rome le 1er mars 1963 », écrit René de Ceccatty. «  L’idée même qu’il pût faire un film à la fois comique et sacré était contestée. » En cause, notamment, « l’acteur qui incarne le Christ pouffe de rire entre deux prises » et le rot du pauvre qui joue un des deux larrons, pendant la crucifixion... Condamné à quatre mois de prison avec sursis, Pasolini gagnera son procès, comme les suivants.

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  • #2919513
    Le 5 mars 2022 à 14:37 par Ducegabbana
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Du talent certes. De grands films.. mais quel homme plein de vices, ne pensant qu’au sexe avec des garçons des faubourgs de Rome issus du lumpen prolétariat, les fameux Ragazzi di vita qu’il accostait au volant de son Alfa-roméo décapotable. Qui l’a assassiné ? Le jeune prostitué embarqué dans son Alfa ? La mafia ? Les neo fascistes ? Les communistes ? Ce qui est certain c’est que le jeune homme rencontré dans le quartier de Termini a servi d’appât…la question reste posée : Qui ?

     

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    • #2919610
      Le Mars 2022 à 18:10 par Dino
      Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

      Je suis d’accord avec toi qu’il avait des pulsions sexuelles, comme pas mal d’hommes, mais ça ne remet ps en cause ce qu’il a pu apporter dans notre civilisation contemporaine.

       
    • #2919713
      Le Mars 2022 à 21:20 par PE
      Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

      tu confonds deux choses camarade :
      un homme ses faiblesses ses vices , bassesses et bref son humanité avec ce qu’elle a de mediocre parfois, meme lui, et l’esprit extraordinaire d’un artiste visionnaire et rare qui a éclaboussé le 20 eme siecle de son genie libre et insolent avec une puissance et une justesse incommensurable.

       
    • #2921587
      Le Mars 2022 à 07:22 par Pierre Paul Sadolini
      Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

      Quel pseudo DG... Tu as fait ta formation à Casa Pound ?

      Je plussoie à tes propos. PPP savait défendre les petites gens Il avait un discours juste quand il critiquait la télévision et son aspect intrinsèquement antidémocratique surtout quand on n’a pas les outils nécessaires, le bagage culturel...
      Mais ses frasques... Sa part sombre, une souillure... Il a bien profité des petits jeunes oisifs comme le pauvre Giuseppe Pelosi dit "La Grenouille". Il est mort en 2017.

       
  • #2919532
    Le 5 mars 2022 à 15:12 par Humanyze
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    La trilogie de la vie, quel choc, a ceux qui n’ont pas vu ces 3 films, faites l’effort c’est purement génial !

     

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  • #2919535
    Le 5 mars 2022 à 15:22 par L’Incorruptible
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Une immense figure de la dissidence, la vraie.
    Un immense essayiste, un immense cinéaste.
    Lisez les Ecrits Corsaires.

     

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  • #2919553
    Le 5 mars 2022 à 16:15 par m.ritchie
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    J’ai vu son film L’Évangile selon saint Matthieu .. A voir pour les plus jeunes ...

     

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  • #2919559
    Le 5 mars 2022 à 16:19 par lio
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Plus personne ne fait des films comme çà : la surface a effacé le fond, le business a tout pris et s’est chargé de contenter les bourrins, la masse. Ce n’était pas son boulot de l’élever.

     

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  • #2919575
    Le 5 mars 2022 à 16:44 par Lardenoy
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Retrouvé assassiné dans un mauvais lieu comme le peintre Le Caravage et dans des conditions similaires...
    La diffusion,à la télévision, de l’Évangile selon Saint Mathieu, vers 1975, fut le "choc" qui me permit, à 18 ans de retrouver la fierté de mon baptême et me conduisit à vraiment découvrir les Évangiles...
    Un homme torturé, tiraillé entre son amour du Christ et celui des "mauvais garçons"...

     

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    • #2919629
      Le Mars 2022 à 18:50 par Tic et Toc
      Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

      Persécuté par Éros et Thanatos, Pasolini aura été au terme de son chemin de croix à la manière d’un héros antique. Sa vision du monde, triste et désabusée, a produit une des plus grandes réflexions sur l’âme. Qu’il en soit remercié.

       
  • #2919993
    Le 6 mars 2022 à 12:40 par Nimbus
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    En complément de cet excellent article, je vous donne le lien vers Michel Brac qui nous parle des "Écrits corsaires" de Pier Paolo Pasolini", en vous souhaitant bonne écoute : https://youtu.be/NwtKhFb-E8U.

     

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  • #2920216
    Le 6 mars 2022 à 20:58 par Christophe
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Quels sont les films essentiels à voir de Pasolini ? Je n’ai vu que Mamma Roma et L’évangile pour le moment.

    Merci.

     

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  • #2920823
    Le 7 mars 2022 à 21:03 par Mr T
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    Paix à son âme grandissime
    Pour ses magistrales œuvres.
    Respect l’ ancêtre.

     

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  • #2921213
    Le 8 mars 2022 à 14:49 par Monsieur H
    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans aujourd’hui

    « Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé “la société de consommation”, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. Dans le film de Naldini, on voit que les jeunes étaient encadrés et en uniforme... Mais il y a une différence : en ce temps là, les jeunes, à peine enlevaient-ils leurs uniformes et reprenaient-ils la route vers leurs pays et leurs champs, qu’ils redevenaient les Italiens de cinquante ou de cent ans auparavant, comme avant le fascisme.

    Le fascisme avait en réalité fait d’eux des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de l’âme, dans leur façon d’être. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation, a profondément transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette “civilisation de consommation” est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot de “fascisme” signifie violence du pouvoir, la “société de consommation” a bien réalisé le fascisme. »

    Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires

     

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