La Commission européenne envisage la levée des barrières économiques de l’Europe aux produits chinois. Pour François Fillon, des centaines de milliers d’emplois européens sont en jeu. Olivier Delamarche analyse cette opinion et les autres risques.
Olivier Delamarche est associé stratégiste chez Platinium Gestion. Il est également membre-fondateur des Éconoclastes.
RT France : Aujourd’hui, la Commission européenne a débattu de l’opportunité d’accorder à la Chine le statut d’économie de marché. Pour François Fillon par exemple, cela signifie la destruction des défenses économiques de l’Europe face au géant chinois. Est-ce qu’il existe vraiment un danger dans le cas où l’on accorde à la Chine le statut d’économie de marché et si les règles du commerce avec la Chine sont libéralisées ?
Olivier Delamarche : Si c’est le cas, oui – c’est encore une admirable connerie de l’Europe. Si cela aboutit à une porte ouverte totale aux produits chinois, c’est une aberration.
Si ce danger existe vraiment, pourquoi la Commission européenne ouvre-t-elle ce débat ?
Ce que fait la Commission européenne, c’est aberrant de toute façon. C’est comme le traité avec les États-Unis, le TTIP – c’est exactement le même principe, c’est une aberration, c’est une connerie monstrueuse, puisqu’en gros ça veut dire qu’on laisse rentrer les produits américains, mais dans l’autre sens ça va être beaucoup plus compliqué, comme d’habitude. Donc les conneries de l’Europe ne m’étonnent plus, on n’est plus à ça près. Pour cette histoire avec la Chine, il faudrait voir de plus près quelles seraient les conséquences, mais j’estime que si elles sont telles comme on les décrit, ce sera une connerie de plus de l’Europe.
Mais l’économie européenne dépend déjà beaucoup de la Chine, l’Europe a-t-elle vraiment une chance de s’opposer à cette influence ?
On dépend tous de l’économie chinoise, et elle dépend de nous. Qui sont les clients et qui sont les fournisseurs ? Pour le moment, il ne faut pas se planter, l’Occident est le client et le fournisseur est la Chine – ça ne va pas dans l’autre sens. C’est-à-dire que lorsqu’on indique que le moteur de la Chine est sa consommation interne, c’est une blague. On le voit bien, d’ailleurs. Aujourd’hui, pourquoi la Chine ralentit fortement ? Parce qu’il n’y a pas de demande. Pas de demande des États-Unis, de l’Europe, et c’est pour ça que ça ralentit en Chine. Il ne faut pas se planter dans le sens des échanges. Les Chinois ont besoin de la demande occidentale pour fonctionner.
Quelle devrait alors être la position économique de l’Europe envers la Chine ?
Aujourd’hui, malheureusement, on a une économie qui est absolument mondialisée. On a un vrai problème de mondialisation et de concurrence. En Europe vous ne pouvez pas, quoi que vous fassiez, avec les couts de production actuels, rivaliser avec la Chine. C’est totalement impossible. Et quand les coûts augmentent en Chine, les sociétés vont là où c’est pas cher, à côté, au Vietnam ou ailleurs.
Alors maintenant est-ce que la bonne réponse c’est d’aller coller des barrières douanières ? Je ne sais pas. Mais de toute façon, c’est ce qui va se passer. Plusieurs pays ont déjà commencé à mettre en place des barrières douanières, puisque aujourd’hui ça va mal dans tous les pays. On va tout droit vers une récession mondiale et forte. Il ne faut pas se faire d’illusions : tous les pays vont avoir des réflexes protectionnistes et vont augmenter les barrières douanières. Ils vont essayer de faire en sorte de se protéger. On le voit, on commence à le voir un petit peu partout. Et si l’Europe fait exactement l’inverse, ça aura des conséquences – on sera les premiers à plonger.
Quand vous parlez de barrières, parlez-vous des barrières au niveau du grand marché européen ou plutôt aux niveau national ?
Les barrières, il faut que vous les mettiez au niveau européen, pas au niveau des pays, puisque sinon ça rentrera forcément. Les gens qui sont en face sont malins, donc ils les feront passer par des pays qui n’ont pas mis de barrières douanières – et ensuite ça se diffusera en Europe. Donc forcément vous les mettez à la frontière de l’Europe si l’Europe accepte ça. Mais aujourd’hui, économiquement on est géré par des guignols. Que l’on ouvre la marche pleinement à un moment où la Chine est en difficulté, l’Europe est en difficulté, les États-Unis sont au bord de la récession – je trouve ça pas très malin.