J’ai acheté et lu hier Le Système Soral. Enquête sur un facho business, de R. D’Angelo et M. Molard.
Ce n’est qu’un ramassis de ragots, vrai ou faux, je n’en sais rien, n’étant pas familier de ce qu’ils appellent la « fachosphère », mais sans le début du commencement d’un argument concernant les idées de Soral ou de son entourage ou même de gens comme Clouscard, sociologue marxiste qui aurait influencé Soral et qui s’était distancé de celui-ci.
C’est une accumulation de faits et de bouts de phrases tirées de leur contexte, qui valent condamnation, sans discussion. Exactement comme le livre antérieur (2011) La Galaxie Dieudonné de Briganti, Déchaut et Gauthier.
Pour le peu que je puisse vérifier, leurs propos sont excessifs : l’UPR n’est pas un groupuscule et Asselineau n’est pas « complotiste » (à moins qu’il soit illégitime d’exhiber des documents officiels américains) (p.133). Les propos de Nicolas Bourgoin sont déformés (p. 128) – il ne parle pas d’implication de services français et israéliens dans l’attentat du musée juif de Bruxelles mais, à propos du terroriste, d’« allié objectif de la diplomatie française », ce qui, vrai ou faux, n’est pas la même chose.
Dire que Vincent Lapierre, admirateur de Chavez et proche d’Égalité & Réconciliation, perturbe les rassemblements de la gauche radicale (p. 80) est un peu réducteur : ce que les vidéos montrent, c’est qu’il pose aux trotskistes du NPA des questions sur la contradiction entre leur « internationalisme » c’est-à-dire leur anti-souverainisme radical, et leur soutien apparent à Chavez, qui tient un discours à la fois religieux et enraciné dans la réalité de son pays, ce pour quoi il finit par se faire taper dessus.
Pour le reste, c’est-à-dire le plus gros du livre, je ne peux pas juger des faits. Mais il n’y a aucune discussion sur les idées : le concept de « libéral-libertaire » a-t-il un sens ? Alors que même la presse américaine « mainstream » parle ouvertement de la défaite du lobby pro-israélien dans l’affaire de l’accord avec l’Iran (ce qui suppose que ce lobby avait remporté des victoires auparavant), peut-on se demander si un tel lobby existe en France ? Il semble que le simple fait que Soral en parle prouve son inexistence.
Quand les auteurs mentionnent un livre, un spectacle, une réunion interdits (et il y en a pas mal), ou même une peine de prison pour pur délit d’opinion (dans le cas de Vincent Reynouard), ils ne se posent jamais la question de la légitimité de ces interdictions ni de la possibilité que ces interdictions puissent porter atteinte à la liberté d’expression.
On peut aussi se demander comment les auteurs ont eu accès à certaines informations – par exemple, sur les revenus de M. Soral – qui, dans un état de droit, devraient rester confidentielles.
Ce livre illustre une réalité plutôt regrettable : ce qui se fait passer pour antiraciste et antifasciste en France a atteint le degré zéro de la pensée.
La question ici n’est pas de « défendre Soral » ; il le fait très bien lui-même et ne fera qu’une bouchée du livre s’il daigne en parler. Il s’agit plutôt de défendre le droit de discuter sérieusement de certaines questions comme le rôle du lobby pro-israélien, la censure, ou la souveraineté nationale sans reductio ad hitlerum ou ad soralum.
Illustration : Mathieu Molard (à gauche) et Robin d’Angelo (à droite).