JPMorgan Chase est pour la première fois menacée de poursuites pénales aux États-Unis dans l’affaire des manipulations supposées des marchés de change, qui entache une nouvelle fois la réputation des géants bancaires mondiaux.
Le département de la Justice (DoJ) mène une enquête pénale sur les activités de courtage de changes au comptant ("spot") dont la date de règlement et de livraison sont décalées dans le temps, a annoncé lundi la banque dans un document boursier.
Le ministère examine également la solidité des contrôles mis en place par la banque sur ces activités.
Outre ce volet pénal, le superviseur américain des marchés des matières premières et des produits dérivés (CFTC), l’Autorité de conduite financière britannique (FCA) et d’autres régulateurs étrangers non identifiés mènent des enquêtes civiles sur ce dossier, selon JPMorgan.
La firme dirigée par Jamie Dimon affirme "coopérer" et dit être "actuellement en discussion avec le DoJ" et les autres régulateurs "pour régler ces différentes enquêtes".
JPMorgan Chase, qui a déjà payé des milliards de dollars pour régler des litiges liés à ses pratiques dans l’immobilier, prévient toutefois que ces négociations pourraient ne pas aboutir.
En attendant, elle a décidé d’augmenter de 1,3 milliard de dollars à 5,9 milliards de dollars, l’argent mis de côté pour régler les litiges en cours, contre 4,6 milliards fin juin.
Les régulateurs à travers le monde soupçonnent des traders de gros établissements financiers de s’être entendus via des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour manipuler les cours en leur faveur.
Le marché des changes représente 5 300 milliards de dollars de transactions par jour, dont 40% transitent par Londres.
Grosses amendes
Des grandes banques ont d’ores et déjà suspendu des traders dans cette affaire et certains courtiers sont poursuivis pénalement par les autorités.
Ces derniers jours, des négociations avec les régulateurs ont contraint des institutions financières à annoncer de grosses provisions en prévision de futures amendes.
L’américaine Citigroup a révisé à la baisse après coup ses bénéfices trimestriels, invoquant 600 millions de dollars de plus de provisions liées à des contentieux juridiques en cours.
La même voie a été suivie par les britanniques Barclays (800 millions de dollars), RBS (640 millions de dollars) et HSBC (1,7 milliard de dollars), l’allemande Deutsche Bank (894 millions d’euros) et la suisse UBS (1,5 milliard d’euros).
Six grandes banques - JPMorgan Chase, Citigroup, UBS, Barclays, RBS et HSBC - sont en train de négocier un accord avec les autorités britanniques et américaines, avaient indiqué à l’AFP début octobre des sources proches du dossier ayant requis l’anonymat.
Les contours de cet accord collectif sont déjà dessinés, avançaient-elles, indiquant que l’amende se chiffrerait en milliards de dollars.
La menace de poursuites pénales des autorités américaines contre JPMorgan intervient au moment où le DoJ est critiqué pour n’avoir pas réussi à traîner devant les tribunaux un seul grand nom de Wall Street, dont les errements sont pourtant à l’origine de la plus grosse crise financière depuis celle de 1929.
Mi-septembre, le ministre de la Justice Eric Holder a dit avoir entendu les critiques et promis des poursuites pénales contre de grands banquiers après avoir réussi, affirmait-il alors, à retourner certains d’entre-eux en "indics".
"Notre enquête en cours sur la manipulation des taux de change s’appuie sur ces techniques d’investigation qui impliquent des informateurs", avait-il notamment déclaré.
Depuis 2009, le DoJ a traité 60 dossiers liés à la crise de 2008 concernant des institutions financières et réussi à leur imposer des amendes d’un montant total de 85 milliards de dollars. Mais quasiment aucune action n’a été engagée au pénal.
Bank of America a écopé d’une pénalité financière record de 16,6 milliards de dollars, JPMorgan de 13 milliards et la française BNP Paribas de 8,9 milliards de dollars pour avoir enfreint des embargos américains.