Georges Sorel (1847-1922) est un philosophe et sociologue français. Polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, il publie différentes études sur des questions de météorologie, d’architecture, de physique, mais aussi d’histoire politique et religieuse. Ce n’est qu’assez tardivement, à 46 ans, que, démissionnant de son poste à Perpignan, il s’installe à Paris et que, prenant appui sur ses lectures de Proudhon, Marx et Bergson dont il suit les cours au Collège de France, il affirme son engagement socialiste et marxiste.
Dans son Introduction à l’économie moderne, édité pour la première fois en 1903, Georges Sorel s’arrête sur différentes thèses, présente les penseurs et précurseurs de la science économique, prend parti dans leurs controverses, livre ses réflexions. Il ne s’agit donc pas tant d’une simple introduction à l’économie que d’une introduction commentée à l’économie moderne.
Sorel s’interroge sur les interactions entre le droit et la propriété, de ces dernières avec la liberté, la constitution de la famille ou l’héritage. Ces questions fondamentales s’articulent avec celles concernant les rapports de la production et de la consommation : coopératives paysannes ou coalitions commerciales, mais aussi caisses de secours et de retraite. Surtout, au-delà des considérations économiques, il pose la question de la place de l’homme : « ce n’est point pour les artisans que cette socialisation est faite, mais pour les forces de travail, pour des abstractions d’hommes. »
ll faut, nous dit-il « séparer la production et tout ce qui se rapporte à l’échange » car sinon, « au lieu de changer l’organisme vivant on se borne à améliorer l’appareil mécanique dont il se sert ; - on passe de la transformation par le changement du principe fondamental au perfectionnement empirique de ce qui est étranger au principe de la société. »
Il ne peut se résoudre à ce dévoiement et fustige les philanthropes qui ne cessent de répéter « qu’il faut rendre à la consommation son pouvoir directeur ; de pareils sentiments sont naturels chez ces personnes qui, recevant des rentes, des traitements ou des honoraires, vivent en dehors du pouvoir productif ; elles ont pour idéal la vie de l’oisif lettré. Tout autre est l’idéal socialiste. »
Plus d’un siècle après lui nous pourrions dire de même, à une nuance près : par cette logique de la consommation, l’oisif est devenu illettré.