Dans un roman satirique, qui a fait scandale aux États-Unis, Tova Reich dénonce la marchandisation de l’Holocauste. Alain Finkielkraut a lu cette œuvre explosive.
On pense à votre livre Le Juif imaginaire (1981) à la lecture de Mon Holocauste.
Le Juif imaginaire, c’était moi et aussi tous les baby-boomers ashkénazes qui se prenaient pour des rescapés honoraires. Nés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nous voulions, inassouvissable désir, avoir été des déportés, avoir été des résistants. Les non-Juifs n’étaient pas indemnes de cette obsession, comme en témoigne le célèbre slogan de 68 « CRS = SS ». Nous courions éperdument après l’aura du héros ou celle du martyr. Le Juif imaginaire, publié en 1981, était une tentative de désintoxication. J’ai essayé de séparer mémoire et captation de l’événement. Je ne me suis pas attaqué à l’Holocauste, mais à sa profanation par l’article possessif. [...]
Peut-on rire de tout ?
Non. Et toute hilarité n’est pas respectable. Le rire est d’abord le propre du barbare. Des films comme Les Damnés nous ont fait oublier que les nazis riaient à gorge déployée. Ils riaient de l’altérité des juifs en caftan, de leur barbe et de leurs papillotes, ils s’esclaffaient devant leur faiblesse. [...]
Tova Reich ne prend-elle pas le risque de faire le jeu des négationnistes ?
Les négationnistes remettent en circulation le rire barbare, comme on le voit dans la dernière vidéo de Dieudonné, Feu Foley. La décapitation du journaliste américain par les « Beatles » du califat est présentée comme un progrès de la civilisation. Et les parents de la victime sont invités à se détendre. Les faurissoniens boute-en-train chercheront-ils à récupérer Mon Holocauste ?