Interrogée par Pierre Haski de Rue89, l’actrice française césarisée Yolande Moreau explique la genèse de son documentaire sur la « jungle » de Calais.
« Si je peux tout à coup aussi faire quelque chose pour se réveiller face à une Europe qui devient noire, et par rapport à un gouvernement de gauche qui ne fait rien, je me suis dit, faisons une petite chose, faisons une petite chose. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la motivation artistique n’est pas intellectuelle, ou politique. Ou ne semble pas politique. Yolande Moreau a accepté le projet proposé par Arte, qu’elle a tourné à sa façon. Elle a voulu éviter le voyeurisme, le documentaire classique, les images choc, le commentaire donneur de leçons, et elle a fait ça à sa façon, plus « personnelle ».
Un chien et une cause (à la mode)
Nous ne sommes pas ici pour critiquer les initiatives généreuses ou humanistes, personnelles ou collectives, mais il semble que la gauche culturelle d’aujourd’hui est en mal de cause(s). Les grandes causes de années 70 (la pauvreté, la faim dans le monde, le Biafra, le Vietnam, Cuba, les femmes) sont visiblement passées de mode, car il y a des tendances dans la gauche humaniste, comme il y en a pour les chiens (actuellement le bouledogue à la robe « bringé clair » a la cote). On est même prêts à parier que des représentants de cette gauche kouchnérienne – car tout vient de là – possèdent les chiens qu’il faut.
Mais qu’est-ce qui oblige des gens qui ont tout (job en or, pognon, notoriété, capital sympathie) à s’engager pour des pauvres, car derrière toute cause il y a des pauvres ? La culpabilité. C’est ce qui distingue en dernier lieu la gauche de la droite : le gauchiste d’en haut souffre de sa situation de dominance, ou de non-souffrance, tandis que le bourgeois de droite s’en fout. L’un va chez le psy, l’autre (plus trop) chez le curé.
À l’arrivée, on voit des clampins déconnectés de la vie réelle qui viennent régler leurs problèmes psychologiques personnels et donner des leçons aux Français dans le dur, qui ont autre chose à faire qu’à aider des gens qui les prennent pour des billes. Certes, il y a de vrais réfugiés, parmi les migrants, mais on n’est pas sûrs qu’ils viennent par amour de la France. Ici comme ailleurs, il faut gagner sa croûte, et même si la vie en Irak ou en Syrie est dure, et on ne l’ignore pas, le Français de base qui en chie ne peut pas prendre une charge sociale supplémentaire. C’est pour ça que les médias le culpabilisent à mort, mais ça prend de moins en moins. Le chantage humaniste a du mal à passer en période moyennement faste. Dans les années 70, où l’on pouvait nourrir une famille avec un smic, il y avait encore de quoi, en fin de mois, choisir sa cause, et la soutenir.
En 2016, les Français dits moyens sont devenus leur propre cause. On attend encore les stars qui vont soutenir cette cause inattendue, pas très exotique, et un peu trop nationale...