Il y a des rencontres, dans le sens de tamponnage, qu’on ne peut pas inventer. 44 ans après sa rencontre avec le réalisateur controversé, l’ancien mannequin Valentine Monnier accuse Roman Polanski de viol, et pas n’importe lequel. Elle témoigne dans un article du Parisien :
« En 1975, j’ai été violée par Roman Polanski. Je n’avais aucun lien avec lui, ni personnel ni professionnel, et le connaissais à peine. Ce fut d’une extrême violence, après une descente de ski, à Gstaad (Suisse). Il me frappa, roua de coups jusqu’à ma reddition puis me viola en me faisant subir toutes les vicissitudes. Je venais d’avoir 18 ans. »
Le réalisateur, qui violera deux ans plus tard, en 1977, une fille de 13 ans aux États-Unis, toujours protégé par la socioculture française (mais pas américaine), est en pleine campagne de promotion pour son film sur l’affaire Dreyfus.
Le Parisien a retrouvé deux témoins de l’époque qui ont corroboré les faits. Contacté, le réalisateur a nié l’accusation via son avocat Hervé Temime qui « déplore gravement la parution à la veille de la sortie du film de telles accusations ». On n’est pas loin du complot anti-Polanski, là, voire du complot antisémite, puisque Polanski est juif et que son film traite de l’antisémitisme en France. Mais pour Valentine, l’intouchabilité des stars doit cesser, car elle sont « exemplaires » dans les affaires de viol :
« Je dénonce un crime, sachant qu’il ne peut y avoir de châtiment, pour tenter d’en finir avec les exceptions, l’impunité. Les personnes publiques font figure d’exemples. En sacralisant des coupables, on empêche d’autres de mesurer la gravité de leurs actes. »
Polanski, accusé de crime, est pourtant toujours soutenu par le milieu du cinéma français. Est-ce parce qu’il est un grand réalisateur ? Parce qu’il a souffert de la Shoah ? Parce qu’il fait partie d’un milieu favorisé, protégé par les médias et les politiques ? Parce qu’on ne touche pas impunément à un VIP, very important people ? Parce qu’il a des connexions et des protections en haut lieu ? Probablement un peu de tout ça.
Justement, dans sa longue confession au journal, Valentine démonte l’idée selon laquelle il faut séparer l’œuvre de l’homme. Or, cela n’a pas été fait pour Céline, dont les écrits éblouissent tous les connaisseurs et les amoureux de la littérature, mais qui est toujours présenté comme un salaud et un antisémite par la socioculture. Il faudrait alors s’interroger : d’où viennent les oukases de la socioculture, qui décide de la vie et de la mort médiatique d’une personne et en vertu de quelles lois ou de quels critères ?
Sur l’homme et l’œuvre, donc, Valentine a une réflexion et des mots lucides :
« “Il faut séparer l’homme et l’œuvre”, a-t-on pu entendre dans un récent passé, mais Polanski lui-même se transpose à répétition dans ce film qu’il essaie de monter depuis des années, rapprochant son affaire de celle de Dreyfus, poussant la comparaison jusqu’à se poser en victime du même acharnement mensonger des tribunaux et des médias ! »
On appelle ça une inversion accusatoire et cette méthode de défense est très utilisée dans le show-biz, la politique, les médias, par ceux qui ont fauté et qui renvoient la culpabilité sur un ailleurs très nébuleux. Ce qui a été interdit à Céline est autorisé à Polanski, deux poids, deux mesures, comprenne qui voudra.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait La Fontaine, et Blaise Pascal parlait de « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». On voit qu’en France il y a une ligne de démarcation entre les accusables et les intouchables, entre les protégés et les sans protection.
Quand on pense que les Gilets jaunes ont, en un an de luttes, connu 10 000 gardes à vue et plus de 3000 condamnations, alors qu’ils n’ont violé personne. Sinon la sacro-sainte impunité de l’oligarchie. Les salauds qui se cachent dans le pouvoir profond (qui n’est pas composé que de salauds) payeront-ils un jour ?