« Je pense qu’en tant que femme on ne peut pas rester indifférente devant le sort de cette femme qui aujourd’hui mais déjà à l’époque pour moi représentait toutes les femmes dans la même condition... Une femme sur 10 se confronte à la violence conjugale, 225 000 femmes sont réellement touchées par ça, et ces chiffres affreux, pour lesquels d’ailleurs je vais me battre, nous nous battons, nous allons nous battre, tous ensemble j’espère, c’est 150 femmes par an qui meurent, une tous les trois jours. »
Pour @MurielRobinCOM, #JacquelineSauvage est-elle victime ou coupable ? #TPMP pic.twitter.com/BQ6zWOT6cI
— TPMP (@TPMP) 2 octobre 2018
Muriel Robin, après son interprétation de Jacqueline Sauvage dans le téléfilm dédié sur TF1, qui a connu un grand succès avec 10 millions de téléspectateurs, est l’invitée de Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste mardi 2 octobre 2018. Elle y déroule la parole du Bien, celles des femmes qui souffrent de la violence des hommes, thème central de la fiction, c’est le cas de le dire, de la première chaîne.
On se demande en passant pourquoi Muriel Robin, lesbienne assumée, joue le rôle de défenseur des femmes battues. Quelle est sa légitimité, vu qu’elle ne vit pas avec un homme et qu’elle n’est pas battue ? Question importante, puisque le téléfilm de TF1 laisse lourdement penser à une injustice faite à Jacqueline Sauvage, lorsqu’elle a été condamnée à 10 ans de prison pour le meurtre de son mari le 10 septembre 2012.
Car l’histoire de Jacqueline Sauvage, graciée par François Hollande le 28 décembre 2016, n’est pas aussi noir et blanc. Il y a des zones grises, et même sacrément nébuleuses dans sa propre fiction, celle qu’elle a servie aux jurés lors de son procès. Par deux fois, la justice l’a condamnée, et a confirmé qu’elle avait tué de sang-froid et non en légitime défense, ce qui aurait forgé des circonstances atténuantes pour son crime. Ne nous étonnons pas qu’une comédienne, peu au fait des complexités de la justice et des complexités encore plus grandes de la psychologie humaine, se soit fourvoyée dans une fiction qui induit le téléspectateur en erreur. Mais le féminisme avait besoin d’une victoire, d’une Charlie...
- Soutien Sauvage en décembre 2016
Toute l’affaire, du procès de Jacqueline Sauvage à la fiction de TF1 en passant par la grâce du président de la République, est une affaire politique sociétale, une victoire du féminisme victimaire sur la vérité. La vérité sort diminuée de cette séquence, et un François Hollande, renseigné par la hiérarchie de la Justice, ne pouvait pas l’ignorer. Mais à ce moment-là, il avait besoin de soigner sa popularité dans le public bien-pensant, qui est aussi sous-pensant. Et les stars, dont Muriel Robin, qui ont écrit à Hollande pour obtenir la libération de la criminelle sont tombées dans le panneau et du féminisme, et de Jacqueline Sauvage.
Ce n’est pas nous qui le disons, mais Frédéric Chevallier, l’avocat général lors du procès – le vrai, pas le bidon avec Muriel Robin – de Jacqueline Sauvage. Voici des extraits de sa tribune dans Le Monde, diffusée le 2 octobre. Mais d’abord, l’introduction du quotidien :
« Mais avant de devenir, dans les médias et maintenant sur écran, ce personnage emblématique des victimes de violences conjugales, Jacqueline Sauvage a été une accusée jugée par deux cours d’assises pour avoir abattu son mari, Norbert Marot, de trois coups de fusil, dans le dos, le 10 septembre 2012. En première instance, après un débat au cours duquel l’accusée et les témoins ont été entendus, où l’accusation et la défense se sont exprimées et ont débattu de leurs arguments publiquement, six jurés citoyens et trois magistrats professionnels ont condamné Jacqueline Sauvage à dix ans d’emprisonnement. En appel devant la cour d’assises de Loir-et-Cher, neuf autres jurés citoyens et trois autres magistrats professionnels ont confirmé ce verdict, en suivant les réquisitions de l’avocat général, Frédéric Chevallier. Dans la tribune qu’il nous a adressée, “Lettre à Jacqueline Sauvage”, Frédéric Chevallier dresse d’elle un portrait plus complexe... »
« La vérité judiciaire établit que Madame Sauvage est une meurtrière aggravée. Elle encourait perpétuité pour avoir tué son mari. La cour d’assises, après avoir étudié, analysé, évalué l’ensemble de cette affaire l’a déclarée coupable et l’a condamnée à 10 ans. Madame Sauvage était d’accord avec ce verdict. Elle ne voulait pas faire appel. Et puis surgissent deux avocates qui vont faire appel. » (Chevallier à francetvinfo)
Ou l’intrusion du politique dans un fait divers. Cela rappelle le procès Ilan Halimi dans lequel le politique, aiguillonné par les lobbies, a durci les condamnations.
Dans sa lettre au Monde, Chevallier se fait encore plus précis :
« Vous présenter comme soumise et sous l’emprise de ce “tyran” de Norbert, c’était nier totalement votre personnalité dont la réalité ne correspondait plus en rien à ce que vous avez été pendant quarante-sept ans. Je veux vous en parler de ces quarante-sept ans dont d’aucuns, journalistes, hommes et femmes politiques, artistes, intellectuels, de tout bord, de toute tendance se sont emparés sans en connaître la réalité autre que celle faussement véhiculée par ce gigantesque café du commerce que les réseaux sociaux fabriquent et entretiennent à dessein. Pour en faire un enfer.
Voyez-vous, Madame, ce que je trouve le plus regrettable et le plus dommageable dans cette construction des réseaux qui est devenue la vérité du « peuple virtuel » au détriment de la vérité judiciaire, c’est que cette construction nie et détruit tout ce que vous avez bâti, tout ce que vous avez conçu, tout ce que vous avez créé. Jusqu’à vous faire victime de faits de viol dont vous ne vous êtes jamais plainte. »
Le magistrat, qui se fonde sur une connaissance profonde des faits et de la vie de la criminelle, en vient à retoquer la « légitime défense » de Jacqueline :
« Je n’invente définitivement rien, Madame, lorsque j’évoque enfin la rencontre de Norbert avec Laurence. Cette relation extraconjugale, était-ce pour vous l’occasion de partir, de laisser votre mari aux bras d’une autre ? Manifestement non. Cette dame, vous l’avez harcelée, menacée verbalement et physiquement, frappée et violentée. Je ne vous juge pas pour ce comportement. Je m’interroge simplement pour comprendre ce qui vous a guidée dans cette attitude. Je crois avoir compris. Votre détermination. Madame Sauvage, en 1991, vingt-six ans après votre pari et votre choix de vie de vous lier avec Norbert Marot, vos conditions de vie, celles que vous vous êtes construites, celles que vous avez fondées, celle que vous avez bâtie, vos conditions de vie familiales, professionnelles, sociales vous ont paru devoir être protégées, peut-être avant votre propre personne. Moderne, vous avez pardonné à Norbert. Déterminée, vous ne l’avez pas laissé aux bras d’une autre. Alors, non, cet “enfer depuis quarante-sept ans” véhiculé, relayé, craché, asséné, cette image, ce slogan prompt à enflammer celles et ceux qui l’entretiennent sans savoir, sans même vouloir savoir, il n’est pas celui que la vérité judiciaire de votre histoire établit, Madame. Il n’est pas celui qui vous aurait permis de bénéficier d’un état de légitime défense, dans un acte proportionné, nécessaire et immédiat de riposte à une agression de votre mari. »
L’avocat général, complètement à contre-courant des people qui commandent leurs armées de réserve sur les réseaux sociaux et qui ne connaissaient de l’affaire que son écume médiatique, remet en question les « violences » que Jacqueline Sauvage aurait subies :
« Réduire votre funeste décision à un geste de survie, c’est nier le sens même de votre vie déterminée. Je vous l’ai dit en requérant devant vos juges : Norbert Marot, vous aurait-il frappée une fois, ne serait-ce qu’une seule fois, qu’il serait condamnable et qu’il aurait été condamné. “Quarante-sept ans de violence” : qu’en savons-nous Madame ? Je vous ai crue lorsque vous avez, à plusieurs reprises lors de l’instruction préparatoire, dit que votre mari se montrait violent à votre égard “une fois par mois” puis “plusieurs fois par mois à partir du début de l’année 2012” ; je vous ai encore crue lorsque, vous vous souvenez, je vous ai demandé lors des débats devant la cour si vos deux admissions au centre hospitalier d’Amilly le 25 mai 2005 et le 17 décembre 2007 étaient en rapport avec ces violences alléguées : vous m’aviez répondu “non”.
Alors que reste-t-il de ces violences et de leur existence ? Ce que vous nous en dites, ce que vos filles nous en disent, ce que ce huis clos familial ne peut nous révéler. Il n’y a pas à discuter de cette récurrence macabre ; une fois par jour, une fois par mois, une fois par an ? C’est une fois de trop, une fois inadmissible, une fois que je combats judiciairement tous les jours. Mais ce que vous avez vécu ne peut être cet “enfer” créé par celles et ceux qui vous ont enserrée dans cette image symbole placardée sur leur poitrine “Je suis Jacqueline”. »
On le voit, de Je suis Charlie à Je suis Jacqueline, il n’y a qu’un pas, et une énorme construction médiatique. La première pour raison d’État... profond, la seconde pour raison sociétale : il fallait que le féminisme ait sa martyre... et sa miraculée. Jacqueline, sauvée des griffes d’un patriarcat sanguinaire, est désormais libre. François Hollande, les moutons de Panurge des réseaux sociaux, Hanouna et TF1 ont gagné. La vérité a perdu.
Provisoirement, car la vérité a le temps avec elle.
Bonus : la composition grotesque de Muriel Robin
Dans son interview promotionnelle, Muriel Robin revient sur ce rôle « riche » et parle de Jacqueline comme d’une grande copine :