Graciée par le chef de l’Etat après une campagne médiatique, Jacqueline Sauvage avait été pourtant condamnée par deux cours d’assises à dix ans de réclusion du fait notamment de sa personnalité trouble et de forts doutes sur sa version des faits, qu’elle a même présentés en mai dernier devant un psychologue comme… involontaires ! Crocs publie des documents inédits de ce dossier emblématique.
Une femme « sous emprise », maltraitée pendant 47 ans par un monstre qui abuse de deux de ses enfants et finit par s’en libérer en légitime défense en lui tirant dessus, sous l’emprise de médicaments et « les yeux fermés » : c’est l’histoire soutenue par les avocates de Jacqueline Sauvage et ses filles, qui a fini par porter ses fruits.
Le président François Hollande a fait usage de son droit de grâce à deux reprises, d’abord partiellement en janvier dernier, puis totalement ce mercredi 28 décembre. Jacqueline Sauvage est sortie de prison ce même mercredi après avoir purgé un peu plus de trois ans et demi de détention sur les dix prononcés à son encontre (12 septembre 2012-3 avril 2014, puis 28 octobre 2014-28 décembre 2016), une période exceptionnellement courte pour un homicide volontaire. Elle a tué son mari Norbert Marot le 10 septembre 2012 de trois coups de fusil de chasse.
Il lui est ainsi fait cadeau d’au moins un an et demi de détention supplémentaire , puisqu’elle était libérable en juillet 2018. Sur ce dossier très emblématique, il faut revenir aux faits et aller au-delà de l’émotion. Crocs vous propose donc d’examiner des éléments d’un document inédit, le dossier judiciaire constitué pour la demande de libération conditionnelle l’été dernier, très éclairant.
Qu’on se rassure, Crocs va faire les sous-titres. Nous allons évoquer les points factuels légaux et factuels saillants oubliés un peu par beaucoup de médias en cette période de trêve des confiseurs.
La décision de grâce présidentielle n’est pas motivée, cette prérogative d’essence monarchique prévue par l’article 17 de la Constitution, très laconique, ne le prévoyant pas. Il est cependant implicite que le chef de l’Etat, par ces deux décisions successives, déjuge d’abord les deux cours d’assises composées de jurés populaires et de magistrats qui ont prononcé à l’encontre de cette femme de 69 ans une peine identique de dix ans de réclusion criminelle, en 2014 et 2015. Surtout, François Hollande va à l’encontre des deux juridictions d’application des peines composées de magistrats professionnels qui ont refusé (après la première grâce partielle), en première instance comme en appel cette année, une libération conditionnelle immédiate.
C’est donc la version médiatique de l’affaire soutenue par le très actif comité de soutien à Jacqueline Sauvage qui a prévalu. Avaient pris place dans ce comité des personnalités politiques de tous horizons et des figures du spectacle comme Eva Darlan et Muriel Robin. Il s’agissait pour toutes ces personnes de s’associer à la présentation du cas de Jacqueline Sauvage comme celui d’une injustice qui serait révélatrice d’une certaine indifférence de la société au phénomène des violences conjugales. Les arrêts des cours d’assises exprimeraient cette indifférence supposée, selon le comité de soutien.
Le problème est que l’affaire Sauvage est bien plus complexe que ne le pensent ces personnalités, dont aucune n’a bien sûr assisté aux procès. Les questions que ce dossier soulève, si elles avaient été prises en compte, seraient bien plus utiles au traitement du phénomène des violences conjugales qu’un pardon accordé confusément et en deux fois par un président en fin de mandat à trois coups de fusil très problématiques.
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