La France et le Japon signeront en mars un accord portant sur le co-développement d’équipements militaires ainsi que sur la transparence des politiques d’exportation, a affirmé mercredi en « une » le quotidien économique japonais de référence Nihon Keizai Shinbun (Nikkei).
La signature d’un accord aura lieu « en mars à l’occasion d’une réunion dite 2+2 », a précisé le journal, sans citer ses sources, rapporte l’Agence France Presse.
Relations au beau fixe
Sur le plan militaire, les relations franco-japonaises sont au beau fixe.
Des discussions avaient eu lieu entre le Premier ministre nippon Shinzo Abe et le président français François Hollande en mai 2014 à Paris. Mais on a pu mesurer lors d’une visite officielle du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian à Tokyo en juillet 2014, le bon état de ces relations, visite durant laquelle il a discuté avec son homologue nippon, Itsunori Onodera. En janvier 2014, les deux hommes s’étaient déjà rencontrés à Paris, dans le cadre du partenariat dit « 2+2 » – c’est-à-dire qu’il réunit aussi les chefs de la diplomatie et de la défense des deux pays -.
Les deux ministres ont en effet signé une déclaration d’intention relative à la coopération et aux échanges de défense, ce qui devrait aboutir, avant la fin de cette année, à un accord intergouvernemental qui constituera « la base juridique et technique » de ce partenariat.
« Cet accord devrait permettre une gestion appropriée du transfert d’équipements de défense, dans le cadre de projets concrets de coopération, notamment en matière de systèmes de drones, identifiés comme sujets d’intérêts communs par le comité sur la coopération en matière d’équipements de défense entre le Japon et la France, mis en place en janvier 2014 », explique un communiqué conjoint, diffusé le 29 juillet.
Robotique militaire et drones
« ll y a des besoins communs et nous sommes prêts à partager nos compétences », a fait valoir M. Le Drian. « La France semble intéressée par le développement de la robotique militaire ainsi que par les systèmes pilotés à distance comme les drones sous-marins », a expliqué M. Onodera.
Le communiqué conjoint précise que « compte tenu des progrès réalisés ces dernières années entre les deux pays en matière de coopération et d’échanges de défense, les deux ministres ont également signé une déclaration d’intention relative à la coopération et aux échanges de défense ».
Sur le plan opérationnel, il est question d’une « coordination accrue entre les forces françaises et japonaises présentes en République de Djibouti » ainsi que la participation japonaise à des exercices d’aide humanitaire et l’échange d’informations, en particulier sur « l’analyse de la menace et des risques dans les zones où les deux pays ont des intérêts communs ».
Période d’opportunités
Le déclin du budget de la défense japonais a été stoppé à partir de l’année 2012-2013, donc tout récemment. Même si le budget d’acquisition et d’équipement reste 20 % inférieur à ce qu’il était il y a 20 ans, selon le RIETI – Research Institute of Economy Trade and Industry -, le marché de la défense, représentait toutefois environ 20 milliards de dollars en 2011. S’il reste encore très fermé, il y a des opportunités.
Le Japan’s Technical Research and Development Institute (TRDI) du ministère de la défense a mis récemment la priorité sur les systèmes aériens, les missiles, les avions de combat et les systèmes radars.
Si cela n’est pas surprenant, vu l’expertise japonaise en matière d’électronique, d’autres domaines sont sous-développés. Malgré le fait que le Japon soit le leader des robots industriels, le pays a jusqu’à présent fait peu d’efforts pour développer les robots militaires. Il existe, certes, quelques programmes comme le Hand-deployed Scout Robot et le Urban Movement Robot, mais ils sont peu financés comparés aux financements de programmes similaires aux États-Unis par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA).
La technologie des drones devrait aussi être un domaine de pointe mais le TRDI n’a demandé qu’un modeste 3 milliards de yens pour un drone capable de détecter les missiles, dont il espère qu’il sera opérationnel d’ici à 2020 et il semble surtout compter sur le Global Hawk américain pour ses besoins avec une introduction prévue en 2015. La région Asie-Pacifique est devenue le deuxième marché après les États-Unis pour les drones avec 590 millions de dollars d’achats en 2011, un chiffre qui devrait monter à 1,4 milliard de dollars d’ici à 2017 !
Légère avance britannique, mais présence française
En octobre 2013, le Royaume-Uni et le Japon ont signé un accord sur le partage de renseignements, les efforts anti-terroristes et la sécurité maritime. En avril 2014, les deux pays ont convenu que leurs militaires pouvaient échanger les fournitures et la logistique. Londres et Tokyo se sont déjà mis d’accord sur des projets communs de technologie sur les vêtements protecteurs et la technologie des missiles.
Cependant l’industrie de défense française est déjà présente au Japon. Ainsi, par exemple, Thales permet la production sous licence de mortiers de 120mm (précision TB : fabriqués par sa filiale TDA Armements) à l’industrie japonaise pour les Forces d’autodéfense terrestres. Thales est un fournisseur de systèmes de sonars, des radars et de mâts optroniques pour les sous-marins de la Force d’autodéfense maritime du Japon. Thales fournit l’avionique et des systèmes de communication pour les Forces d’autodéfense aériennes.
« Tokyo songe aussi à remplacer près de 150 hélicoptères de ses forces d’autodéfense et envisage une coopération avec Airbus Helicopters, Bell et Kawasaki. Le projet coûterait au moins 2 milliards de dollars sur dix ans. Et pour rattraper son retard, l’archipel va créer une agence, comparable à la Direction générale de l’armement française, pour coordonner ses ventes, achats et recherches. Tokyo passe à l’offensive ».
Assouplissement des restrictions pesant sur l’industrie japonaise
Rompant avec une auto-interdiction de près d’un demi-siècle, le Japon a décidé après le retour au pouvoir de M. Abe fin 2012 de lever l’interdiction de vendre des moyens militaires à l’étranger qu’il s’était imposé en 1967, souligne l’Agence France Presse mercredi. Il peut ainsi se joindre à des programmes conjoints de développement dans l’armement et renforcer son industrie de défense. Des accords de coopération existent déjà, notamment avec le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie.