Au moment où la presse se réjouit de voir 100 000 noms de collaborateurs dévoilés au grand public, histoire de bien relancer une nouvelle guerre interfrançaise, le magazine de mode Vanity Fair sort un sujet sur les personnalités françaises qui ont flirté, au sens propre et au sens figuré, avec l’occupant de 1940 à 1944.
Les petits curieux taperont « Vanity Fair », puis « Alexander Libermann », puis « Samuel Irving Newhouse Jr », né « Epstein », les décideur et patron successifs du groupe Condé Nast qui possède 137 magazines de par le monde, y compris Vanity Fair dans sa version française.
Les autres trouveront normal d’exhumer un passé déjà mille fois déterré pour monter les Français les uns contre les autres et entretenir un fascisme de pacotille destiné à faire oublier le vrai fascisme qui, il est vrai, n’est pas blond et ne parle pas allemand. C’est même le contraire.
Alors que les troupes nazies s’étaient établies dans Paris en 1940, artistes et autres célérités ont dû choisir dans quel camp se ranger… Parfois, le mauvais. Si la postérité a plus ou moins oublié qu’ils s’étaient bien accommodés de l’occupant, « Vanity Fair » rétablit une certaine vérité.
Coco Chanel ou l’espionne engagée
Durant l’Occupation, Coco Chanel connaît la belle vie, sans souci, sans problème… Dès 1941, elle tombe dans les bras du baron Hans Günther von Dinklage, un ambassadeur allemand et espion nazi, connu sous le nom de code de « Spatz ». La créatrice se laisse alors prendre au jeu de l’espionnage et – devenue l’agent F-7124 – fomente les opérations « Westminster » et « Chapeau de couture » qui échoueront.
Complètement acquise aux idéaux d’Hitler – qu’elle considère alors comme « un grand Européen » – elle tente même de profiter de l’antisémitisme ambiant pour récupérer l’ensemble du capital de son N°5, dont une grande partie appartenait à une famille juive, les Wertheimer. Mais Gabrielle Chanel n’avait pas senti le vent tourner et n’avait pas imaginé un seul instant que les Allemands pouvaient perdre cette guerre. Malgré tout, elle ne sera pas poursuivie très longtemps par la justice : la Grande Mademoiselle avait assez de relations pour se sortir de tous les mauvais pas.
Jean Genet ou le poète obsédé
Dans sa littérature du mal – explorant tous les vices et les démons de l’humanité – Jean Genet traduisait autant son dégoût des Juifs qu’il sanctifiait la figure d’un Hitler qu’il admirait. Amoureux des corps virils et musclés, l’écrivain s’était réjoui de l’entrée des troupes nazies dans Paris. On lui prête d’ailleurs quelques aventures avec des officiers, avec lesquels il cabotinait dans les cabarets. Il s’amouracha même de l’un d’eux, un SS, un certain Erik, pour lequel il était prêt à tout quitter.
Quand ce dernier périt sur le front russe, Genet le fit revivre sous les traits du héros de ses Pompes funèbres : véritable fantasme aux « mollets de fer » et aux « lourdes bourses ». Même dans la France libérée, l’auteur continuait de puiser dans la mythologie nazie pour nourrir ses œuvres. En 1949, dans L’Enfant criminel, il « tire son chapeau » devant les « peaux tatouées, tannées pour des abat-jours » retrouvées dans les camps de concentration.
Magda Schneider ou la maîtresse du Führer
Alors que son nom brillait au firmament du 7e Art allemand des années 1930, le nom de Magda Schneider n’évoque aujourd’hui que celui de sa célèbre fille, Romy Schneider, dont elle était la mère jusque sur grand écran. La Mamili de Sissi – dans la saga d’Ernst Marischka –, c’est elle. Dès 1953, alors que Romy n’a que 15 ans, Magda Schneider la pousse sous les projecteurs, pour en faire la vedette qu’elle ne peut plus être.
À la fin de la dernière guerre, plus aucun réalisateur ne veut en effet l’engager. La réputation de Magda n’a alors plus la même aura, trop entachée par les relations douteuses qu’elle a entretenues durant le Troisième Reich. Elle était de toutes les garden parties et soirées de gala chez Adolf Hitler, qui ne manquait jamais de l’inviter à demeurer dans son « nid d’aigle », sa villa sur les hauteurs des Alpes bavaroises. Très amie avec Martin Bormann, grande figure du nazisme, elle n’en était pas moins proche du Führer lui-même. Des décennies plus tard, Romy Schneider – qui a donc passé plusieurs vacances de son enfance au plus près de la terreur – affirmera d’ailleurs être persuadée que sa mère entretenait une liaison avec le dictateur, dans le dos d’Eva Braun. Chamboulée par la chute d’un régime qui lui offrait bon nombre de privilèges, Magda ne s’en relèvera jamais.
Lire la suite de l’article délateur sur vanityfair.fr
Les arts et les artistes sous l’occupation, une émission de radio (Kurtoisie) de 2014 :