Alors que la semaine de la langue française pourrait être l’occasion d’exalter ce qui nous fait grands, le ministère célèbre la diversité, dénonce Brighelli.
C’est donc aujourd’hui lundi 16 mars la journée (et la semaine) de la langue française. Un naïf penserait que voilà une belle occasion de ressortir les grands magiciens des mots - La Fontaine ou Racine, Voltaire ou Raymond Queneau, parmi tant d’autres... Que nenni : ce serait exalter une France franco-française qui fait naturellement horreur à tout bon citoyen mondialisé - et politiquement correct. Le ministère de l’Éducation nationale a donc réfléchi - le diable aurait pu nous en préserver. Et, via un site spécifique, il a déterminé dix mots à mettre en vedette aujourd’hui. Préparez vos mouchoirs !
Noyer le poisson et le français
"Les dix mots de cette nouvelle édition invitent donc au voyage : amalgame, bravo, cibler, grigri, inuit, kermesse, kitsch, sérendipité, wiki, zénitude. Qu’ils viennent du flamand, de l’italien, de l’hawaïen, de l’arabe ou de l’inuktitut, ces mots reflètent bien "l’hospitalité" de notre langue", écrivent les têtes creuses de la Rue de Grenelle. Tout est dit. Que le premier mot de la liste soit "amalgame" et qu’il vienne spécifiquement de l’arabe suffit à notre bonheur. Le français a beau être une langue latine (plus de 90 % de notre vocabulaire vient du latin, ou du grec à travers le latin – pensez au doublet hyper-super, où par une aberration sémantique le préfixe grec paraît plus grand que le préfixe latin qui est sa traduction exacte), notre sens de l’"hospitalité" nous permet d’accueillir plein de mots immigrés.
Après l’arabe "amalgame", "bravo" vient de l’italien, "cibler" de l’alémanique, grigri est d’origine africaine, "inuit" déboule, comme on s’en doute, du Grand Nord et de l’inuktitut, "kermesse" (héroïque ?) est flamand, "kitsch" est allemand, "sérendipité" anglais, "wiki" hawaïen, et "zénitude" découle du japonais. On voudrait nous vendre l’Europe d’abord et le monde ensuite en un mini-lexique qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Et d’inviter les écrivains et les élèves à inventer des textes intégrant (ah, l’intégration !) le plus possible de ces mots issus de communautés diverses. C’est un projet politique avant d’être une célébration du langage hexagonal.