Depuis que Essener Tafel, une organisation d’aide aux plus démunis située dans le bassin de la Ruhr, a décidé de ne plus accepter d’étrangers pour ne pas pénaliser les ressortissants allemands en difficulté, le pays s’embrase.
« La banque alimentaire de Essen n’accepte plus que les Allemands », annonçait le 22 février Der Spiegel. Dans cette grande ville du bassin de la Ruhr, l’organisation caritative Essener Tafel – qui recense 6 000 inscrits et vient en aide à quelque 10 000 personnes en difficulté – informait, fin décembre, sur son site :
« Comme, en raison de l’afflux de réfugiés de ces dernières années, le nombre de citoyens étrangers parmi nos clients a atteint 75 %, nous nous voyons contraints, afin de garantir une intégration convenable, de n’accepter momentanément que des clients détenant la nationalité allemande. »
Le président de l’association, Jörg Sartor, justifie ainsi cette mesure entrée en vigueur mi-janvier :
« Nous voulons que la petite grand-mère allemande puisse continuer à venir. […] Quand on ouvrait les portes le matin, c’était la bousculade, sans aucun égard pour la vieille dame dans la queue. »
À Essen comme à l’échelle du pays, précise Der Spiegel, l’organisation caritative Tafel Deutschland compte environ 60 % de personnes d’origine étrangère. Les inscriptions se font à titre individuel ou familial et, malgré la dénomination de « clients », l’aide apportée est gratuite pour tous.
Une vague d’indignation
La divulgation de l’information a suscité un tollé. Des voix de tous bords se sont levées pour dénoncer ce critère de choix. « Le critère déterminant pour avoir accès à la banque alimentaire ne peut être que le besoin de la personne », s’indigne une députée régionale des Verts auprès de l’agence de presse DPA, à l’unisson de nombreux responsables politiques de tous bords et travailleurs sociaux. « La banque alimentaire d’Essen contrevient à ses propres statuts », souligne l’une de ces professionnels.
Témoin de l’indignation soulevée par cette mesure à Essen, quelques jours plus tard, les portes de la banque alimentaire étaient taguées par des inconnus, qui dénonçaient des pratiques de « nazis ». Selon la police, il s’agissait de toute évidence d’une réaction aux appels à l’action, lancés « dans les milieux de gauche » sur les réseaux sociaux.
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L’ampleur du problème, ajoute le magazine de Hambourg, se lit dans la « clientèle » des banques alimentaires : créées au départ essentiellement pour venir en aide aux SDF, elles ont commencé, après les réformes du marché du travail du gouvernement Schröder introduites entre 2003 et 2005, à accueillir les chômeurs et les bénéficiaires de l’aide sociale (Hartz IV). Puis est venu le tour des personnes âgées aux retraites insuffisantes et, pour finir, celui des jeunes en formation en situation de pauvreté.