Le périple réalisé en hommage au régiment Normandie-Niemen, qui « rentre très bien dans le cadre d’un pèlerinage », entrepris par l’ancien légionnaire Jonas Berteau, arrive à son étape finale. À l’approche de Moscou, il s’est arrêté à Iaroslavl où il a rencontré un mécanicien soviétique qui a fait partie du Normandie-Niemen.
Lors de son voyage de 5 000 km pour rendre hommage au régiment Normandie-Niemen, Jonas Berteau, ancien légionnaire, a eu une rencontre historique, une rencontre de deux époques, entre le Français qui voyage et un mécanicien soviétique qui a fait partie de cet escadron et s’est battu avec des héros français pendant la Seconde Guerre mondiale.
« C’est au cours de l’expédition, je crois que j’étais en Allemagne, et on m’a proposé de rencontre un vétéran mécanicien ici à Iaroslavl, monsieur Valentin Ogourtsov […], et naturellement je ne pouvais pas refuser, puisque ça prenait tout le sens de mon expédition, mais dès le départ pour moi les hommes du Normandie-Niemen c’était les pilotes et les mécaniciens, pas uniquement les pilotes. Donc, naturellement, je ne pouvais pas refuser et j’ai accepté avec joie de venir jusqu’à Iaroslavl. Et, depuis l’Allemagne, j’ai accéléré la cadence, donc j’ai roulé plus longtemps et plus vite », a confié Jonas Berteau dans son interview à Sputnik.
Le vétéran Valentin Ogourtsov est l’un des derniers mécaniciens russes de l’escadron encore en vie.
« Surtout chez ce genre de personnes qui ont vécu la guerre, on peut lire dans leurs yeux des sentiments qu’ils ne disent pas mais qu’ils ressentent très profondément. Il y a des moments en fait où même on n’a pas besoin de parler, on se regarde et on comprend beaucoup de choses », se rappelle Jonas en parlant de sa rencontre avec Valentin Ogourtsov.
Pour lui, le mécanicien est « une mémoire vivante », un lien qui l’a probablement rapproché du régiment Normandie-Niemen et fait sentir l’esprit de ces héros du ciel.
« C’était important pour moi et il le savait, parce que cet homme-là est une des dernières mémoires vivantes de cette épopée et de sa génération, et une mémoire vivante a toujours des choses à raconter, des anecdotes, et aussi à partager un souvenir qui est un vécu, donc c’est une richesse qui est incroyable, et j’ai la joie d’avoir été le témoin de cette mémoire vivante et que je vais pouvoir partager à mon retour en France ».
Interrogé sur les réactions sur cette initiative de voyage de ses amis et sa famille, Jonas a admis qu’il n’avait prévenu sa famille qu’une semaine avant son départ.
« Ensuite, mes amis, il y en a beaucoup qui ont pensé que j’annulerais mon voyage, parce que je n’ai pas vraiment eu le temps pour me préparer physiquement pour ça, mais d’autres amis qui me connaissent encore mieux, savaient que je le ferais quand-même. Donc j’étais très motivé pour le faire. D’autres amis étaient inquiets également. Mais, moi, je n’étais pas du tout inquiet, et le jour de partir j’étais prêt et je l’ai fait ».
L’interlocuteur de Sputnik a confié qu’en traversant des villes russes avec les drapeaux russes et biélorusses attachés à son vélo, cela le faisait passer pour un Biélorusse qui voyage entre son pays d’origine et la Russie.
« Quand les habitants voient les drapeaux russes et biélorusses sur mon vélo, instinctivement, ils me parlent en russe et pensent que je suis Biélorusse et que je fais ça entre la Biélorussie et la Russie. Et, puis, quand je leur dit "frantsouzskiï" [français, ndlr] ou "Frantsiya" [la France, ndlr], ils comprennent que je viens de la France, ils ne peuvent pas me répondre, parce qu’il y a la barrière de la langue, mais ils me témoignent leur respect vis-à-vis de ça, et, puis, ils veulent tout de suite savoir combien de kilomètres en tout j’ai pu faire, je leur montre le relevé kilométrique, et, puis, c’est toujours un témoignage de respect et de sympathie vis-à-vis des gens que je rencontre ».
Le plus gros des 5 000 km est derrière lui, il ne lui reste qu’à parcourir environ 260 km entre Iaroslavl et Moscou afin de terminer son périple. Par contre, Jonas a souligné que cette dernière étape jusqu’à Moscou n’était pas si facile.
« Pour Moscou, ça va être une étape qui va être très douloureuse, parce que je prévois de faire, je crois que c’est 260 km ou un peu plus en deux jours sur des routes qui sont dangereuses. Donc ça va être très pénible, dangereux, fatiguant et épuisant ».
Cependant, l’ancien soldat de la Légion étrangère est guidé par son esprit et sa motivation forte d’achever ce périple d’hommage démesuré.
« Mais je suis motivé évidemment pour terminer la mission, terminer cette expédition et j’ai bien l’intention d’arriver à l’heure sur la place Rouge pour rencontrer tous les gens qui m’attendent et pour ensuite aller sur les tombes de nos pilotes au cimetière à Moscou. Là, en fait la fatigue n’a plus aucune importance comme avant d’ailleurs, mais là, j’ai vraiment un sursaut de motivation qui va faire que le jour J je serai à l’heure à Moscou. Je prends vraiment beaucoup de plaisir pour finir cette expédition », conclut Jonas Berteau.
Au moment de la publication de l’article, le Français se trouvait en Russie, sur la route vers la capitale russe.
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Le but de son périple de 5 000 km à vélo en solitaire depuis la France jusqu’à Moscou est plus qu’un simple défi. Par ce voyage démesuré, Jonas Berteau, ancien membre de la Légion étrangère, rend hommage aux combattants du front de l’Est du régiment Normandie-Niemen qui ont choisi de « traverser le monde pour se joindre aux Soviétiques ».
Le périple de Jonas Berteau, ancien légionnaire, est commencé le 22 juillet à Mont-de-Marsan, où se trouve actuellement la base du régiment Normandie-Niemen. D’après le voyageur, qui compte parcourir presque 5 000 km en 50 jours, il couvre près de 100 km par jour et parfois même la nuit. Son objectif est de rendre hommage aux braves combattants Français et Soviétiques qui ont composé le fameux régiment Normandie-Niemen et se sont battus ensemble, en contribuant à la victoire contre les nazis dans la Seconde Guerre mondiale. Au moment de la publication de l’article, le Français se trouvait en Russie, à Kalouga (180 km au sud-ouest de Moscou), sur la route vers la capitale russe.
« J’ai voulu partir sur leurs traces comme on ferait un pèlerinage, un long voyage de 5 000 km dans des conditions difficiles pour leur rendre hommage, et porter un message aux Biélorusses et aux Russes, leur dire qu’il y a encore des Français qui se souviennent des liens d’amitié entre nos peuples qu’ont forgé nos pilotes, nos héros communs dont la mémoire est si bien préservée et honorée en Biélorussie et en Russie », a confié Jonas Berteau dans son interview à Sputnik.
Le projet de ce voyage ne date pas de longtemps, d’après le voyageur qui regrette que les livres d’Histoire dans son pays ne parlent plus des héros d’antan : « J’ai découvert l’histoire du Normandie-Niemen il y a un an à peu près. Jusqu’alors je n’en connaissais que le nom », explique Jonas.
Et de poursuivre :
« Les programmes d’Histoire dans l’enseignement français parlent de moins en moins de nos héros d’hier, ceux justement qui nous ont légué en héritage ce code de conduite, toutes ces valeurs qu’ils ont portées et l’esprit qui les animait pendant la guerre. Et beaucoup de mythes négatifs comblent ces vides ».
D’après lui, tout le monde parle de moins et moins des défis des pilotes français et soviétiques, mais de plus et plus des mythes qui remplacent des faits historiques.
Pourtant, il a fait une découverte qu’au contraire des Français, les enfants russes connaissent mieux l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale et les exploits des membres soviétiques du régiment Normandie-Niemen :
« Le plus marquant est sans doute de constater que les Russes célèbrent bien mieux ces héros que nous ne le faisons en France. Les Russes ont une culture de la mémoire qui est impressionnant. Ce lien avec les héros d’hier est entretenu, honoré et transmis dans l’éducation des plus jeunes. […] J’ai observé qu’en Russie, le patriotisme est resté une valeur d’insoumission et de résistance qui soude le peuple russe ».
L’itinéraire de ce voyage d’hommage retrace des endroits importants et liés aux défis du régiment Normandie-Niemen.
« La forteresse de Brest et le musée de la Patrie à Minsk, en Biélorussie, étaient des étapes importantes pour leur valeur symbolique. Le musée honore d’ailleurs nos pilotes. Ensuite, sur le sol russe, il y eut Khationki, Polotnyanyy Zavod, Kozelsk, Kaluga et Tula. Nos pilotes ont été basés sur les aérodromes de ces villes durant la première campagne 1942-43 et c’est à Tula que de nombreux renforts permirent la création de nouvelles escadrilles pour former un régiment. À l’aéroclub de Kathionki, j’ai pu voler sur un Yak-52 et ce fut très impressionnant », raconte Jonas Berteau.
Et d’ajouter : « Je dois encore me rendre à Ivanovo, là où le premier groupe de volontaires a atterri sur le sol russe et où il commença l’entraînement. Puis Yaroslavl, pour rencontrer un vétéran mécanicien du Normandie-Niemen, puis Moscou ».
En arrivant en Russie, le Français a reçu un accueil chaleureux et agréable. Quand il explique le but de son voyage, il est soutenu par des associations locales. Jonas Berteau prévoit de participer à des cérémonies d’hommage dans toutes les villes qu’il traverse.
« En France, j’ai rendu hommage dans des cimetières à des pilotes et mécaniciens du Normandie-Niemen en compagnie de nombreuses associations de vétérans, mais aussi à des Russes qui se sont battus et se sont illustrés dans nos armées françaises pendant les deux grandes guerres. […] À Kaluga, j’ai participé à l’hommage national rendu aux victimes de l’école nº1 de Beslan qui en 2004 avaient été pris en otages par un commando de terroristes. Et naturellement, il y eu beaucoup d’hommages rendus et de gerbes déposées au pied des monuments Normandie-Niemen, des monuments aux morts et au pied de la statue de l’artisan de la victoire, le général Joukov ».
Une partie importante de ce voyage d’hommage réside dans les rendez-vous et la communication avec des familles des descendants des soldats du Normandie-Niemen. « Avec des vétérans mécaniciens du Normandie-Niemen ici en Russie, avec leurs familles. Les pilotes français sont tous morts aujourd’hui, mais leurs descendants au sein du mémorial Normandie-Niemen suivent cette expédition et je reçois fréquemment des messages d’encouragements de leur part ».
Quand il lui a été demandé quelle est la morale la plus importante que les sociétés de nos deux pays auraient dû retenir au vu de l’histoire de ce régiment de chasse et de ses héros, Jonas parle surtout d’« une leçon d’insoumission et de patriotisme » :
« Il y a des hommes qui préfèrent se battre et risquer leur vie plutôt que d’abandonner la terre de leurs pères. Ces Français ont vu leur pays effondré, occupé et humilié. Ils ne pouvaient en revenir que vainqueurs. […] Ils choisirent ainsi de se battre sur le front le plus sanglant, en partageant les mêmes conditions de vie que les Soviétiques et le même matériel de guerre. C’est ensuite les valeurs d’honneur et de loyauté, loyauté envers sa patrie, loyauté envers ses amis, et loyauté envers ses alliés ».