Chaque 9 mai, la Russie célèbre la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nationale-socialiste, chèrement acquise au terme d’un conflit sanglant (1941-1945). Pourquoi le 9 mai et non le 8 ? Pour la simple et bonne raison qu’au moment où l’Allemagne signait la capitulation à Berlin le 8 mai 1945 (23h01) et compte tenu du décalage horaire, c’était déjà le 9 mai 1945 (1h01) à Moscou. Cet article vise à expliquer l’importance accordée à cette célébration aussi bien par les autorités que par le peuple russe ainsi qu’à restituer l’atmosphère tout à fait unique qui a caractérisé le 73ème défilé commémoratif à Saint-Pétersbourg. Le but final étant de soumettre quelques propositions pour nos propres commémorations françaises.
D’une importance primordiale : c’est la première chose à dire au sujet de cette célébration. Trois semaines au préalable, déjà, les premières affiches annonçant l’évènement ainsi que des drapeaux nationaux étaient venus remplacer les panneaux publicitaires. Que ce soit dans la rue, dans les arrêts de bus, dans les transports en commun ou sur les bords de routes, il était impossible de ne pas être au courant de l’évènement patriotique qui se préparait. De jeunes volontaires distribuaient aux passants des rubans orange et noirs : le ruban de Saint Georges, une distinction remontant à l’époque de Catherine II de Russie. Tout quidam désireux de se joindre aux commémorations de la « Grande Guerre Patriotique » (« Великая Отечественная война ») était libre de l’afficher à sa guise : en nœud papillon, en étoile, en nœud inversé ou autre. Par ailleurs, les papeteries (nombreuses en Russie), les centres commerciaux, les supermarchés et de nombreux magasins proposaient des offres commerciales pour l’impression de photos de parents ayant vécu cette époque. Nous reviendrons à cette particularité. Ainsi, en amont de l’évènement, l’espace public était devenu un véritable appel à ciel ouvert incitant les Russes à se rassembler et à se rappeler.
- En amont de la célébration, les panneaux publicitaires avaient laissé la place aux annonces du 9 mai. Dans les arrêts de bus.
- « Joyeux Jour de la Grande Victoire à vous ! ». Dans le métro
- Dans la rue
- Les drapeaux nationaux ont occupé dès la mi-avril l’espace public. Ici sur la Nevsky Prospekt.
- De jeunes volontaires distribuaient gratuitement aux passants un ruban de Saint Georges…
- … que tout quidam désireux de se joindre aux commémorations pouvait porter.
Pour comprendre cette ferveur nationale, il convient de rappeler le tribut consenti à la victoire par les peuples de l’Union soviétique : 20 millions de morts, un pays dévasté, une économie à refaire. Un tribut particulièrement meurtrier pour la seule ville de Leningrad (l’actuelle Saint-Pétersbourg). En effet, de septembre 1941 à janvier 1944, la ville a subi un blocus de neuf cents jours imposé par les armées du Reich, occasionnant la perte de 670 000 personnes, principalement civiles, davantage mortes de faim, de froid et d’épuisement qu’en raison des bombardements ennemis. Tel est le contexte historique qui explique pourquoi 73 ans plus tard, les Pétersbourgeois se préparent bien à l’avance aux célébrations du 9 mai avec une ferveur indiscutable. Cette ferveur a d’ailleurs depuis quelques années pris un visage d’une autre couleur. Jusqu’alors, les commémorations consistaient en parades militaires et défilés où les participants allumaient des bougies et chantaient des chants patriotiques. Une nouveauté tout à fait remarquable est arrivée en 2011 d’une petite ville située en Sibérie, Tomsk, où les quelques milliers de manifestants ont pris l’initiative de défiler avec les portraits de leurs parents ayant vécu cette époque. Cette initiative a été relayée en masse à travers les médias russes, tant et si bien qu’elle a été par la suite reprise par l’ensemble du pays. Ainsi, à Moscou, à Samara, à Rostov, à Vladivostok, à Volgograd, à Saint-Pétersbourg, dans toutes les villes et villages se dressent désormais chaque année des milliers, sinon des millions, de portraits au jour du 9 mai. Une intériorisation commémorative qui explique le succès de cette manifestation et son importance dans le cœur des gens.
- Les familles se retrouvent et honorent la mémoire de leurs parents en affichant leur portrait
- Des enfants ont fièrement revêtu une calotte soviétique en cette journée spéciale. L’un d’eux en porte une où est inscrit aux couleurs de la Russie « Sébastopol », capitale de la Crimée.
9 mai, 14h, je me rends avec des amis à l’arrêt de métro Алексaндра Невскогo, d’où doit partir le cortège de célébration baptisé par les Russes « Бессмертний полк » : Le Régiment des Immortels. La première chose frappante est le monde présent. Munis d’uniformes, de calottes soviétiques, de portraits, de ballons ou de drapeaux, un monde grandissant s’entasse tant bien que mal au fur et à mesure que défilent les rames de métro. On trouve de tout : des papas et mamans à poussettes, des enfants surexcités, des jeunes ados venus entre copains, des couples retraités, des groupes d’amis, tous affichant les couleurs du 9 mai. Arrivés, nous descendons et sommes immédiatement emportés par le flot des milliers de personnes. La masse compacte de Pétersbourgeois se dirige comme un seul homme vers la sortie dans un calme et une discipline remarquables au vu du nombre de personnes présentes. Ce calme a tôt fait de se transformer en véritable effervescence une fois la sortie atteinte où un soleil chaud et radieux vient accueillir les commémorateurs. Se font alors entendre des roulements de tambours, des anonymes qui se hèlent pour se retrouver au milieu de la foule, des enfants qui jouent à la guerre, des groupes qui se rassemblent, des chansons patriotiques qui se mettent à résonner, une véritable fièvre qui n’en est qu’à son début.
- Les Pétersbourgeois affluent en masse des rames de métro pour rejoindre le cortège baptisé « Régiment des Immortels ».
- Sous un soleil resplendissant, les commémorateurs se retrouvent à la sortie de métro dans un joyeux brouhaha
15h, quelque part au loin, une détonation se fait entendre, c’est le signal qui indique le départ de la marche. Chers amis, je vous demande d’essayer d’imaginer un instant. Vous êtes Français et aimez votre pays. Depuis enfant, vous n’avez jamais manqué une seule commémoration ; ni du 11 novembre, ni du 8 mai. Vous souffrez du dénigrement chronique par nos élites des notions de nationalisme et de patriotisme ainsi que de ses crachats prononcés à l’encontre de notre glorieux passé (dixit Emmanuel Macron : « Le nationalisme, c’est la guerre » ; « La colonisation est un crime contre l’humanité »). Et puis vous vous retrouvez au milieu d’un peuple uni et ô combien fier de son passé historique national ! De voir tous ces enfants, ces familles, ces simples gens venus par milliers honorer la mémoire de leurs parents et venus chanter la gloire de leur patrie, j’en ai eu l’émotion clouée au fond de la gorge tout au long de la manifestation… Imaginez un torrent humain aussi soudé que joyeux, aussi bigarré que compact, aussi imposant qu’incroyable, du fond duquel a tôt fait de se faire entendre la voix d’un meneur qui harangue la foule puis lance un « Hourrah » parti se répercuter en écho avec la force du tonnerre au travers de l’ensemble du cortège ! Les accordéons résonnent, les vieilles babouchkas se mettent à chanter. Elles sont suivies par dix, puis vingt, puis cent participants. Vous êtes à votre tour pénétrés de l’intérieur par cette ferveur, cet engouement patriotique absolument unique. Selon les organisateurs de la manifestation, un million de personnes (!), soit un cinquième de la population pétersbourgeoise, est venu participer. En réalité bien plus. Certes, un million de vivants. Mais combien de millions de personnes célébrées à travers les innombrables portraits et photos apportés par cette foule d’anonymes ?
- Un million de pétersbourgeois s’est joint au Régiment des Immortels
- Les Immortels, ces simples citoyens soviétiques célébrés en héros, étaient eux aussi présents par millions.
- Une ambiance indescriptible de chants, de musiques d’accordéon, de roulements de tambour et de ferveur patriotique anime le cortège
- On peut lire sur ce drapeau soviétique : « En route pour Berlin !!! »
Au beau milieu de la foule, je commence à interroger les personnes autour de moi. Alexandra, 26 ans, charmante dievouchka (« jeune femme ») en costume militaire soviétique m’explique la raison de sa présence : « Je viens honorer la mémoire de mon grand-père Ivan, qui a combattu à Stalingrad et est mort en Allemagne juste après la fin de la guerre des suites d’une blessure. Nous n’oublierons jamais nos héros qui ont vaillamment combattu l’ennemi fasciste. ». Puis, un homme ayant compris que j’étais Français, m’interpelle et me demande une photo « en l’honneur du bataillon Normandie-Niemen et de l’amitié historique franco-russe » (bataillon d’aviateurs français partis se battre sur le front soviétique aux côtés de l’U.R.S.S). D’une même voix, Igor et moi nous écrions « Hourrah », repris en chœur par les manifestants situés derrière nous.
- La dievouchka Alexandra est venue honorer la mémoire de son grand-père
- Hourrah avec Igor au nom de l’amitié franco – russe et du bataillon Normandie-Niemen !
Au fur et à mesure que se poursuit la manifestation, il est frappant de constater l’hétérogénéité des participants. Nous retrouvons toutes les classes d’âges et catégories sociales.
- Andreï Vasilierovitch est colonel-aviateur retraité
- Pavel Ouplinine est soldat au régiment de réserve affecté à Saint-Pétersbourg
- Anna, 19 ans, est volontaire avec 200 autres pour assurer la sécurité et la bonne tenue du défilé
- Tatiana Vouritchova, 72 ans, affiche fièrement un portrait de Staline qu’elle nomme « le Grand Héros Sacré ». Selon elle, depuis la disparition du chef historique, il n’y a plus eu de grands personnages, ni en U.R.S.S, ni en Russie. Pas même Vladimir Poutine, qui n’est « pas assez ferme avec les oligarques ».
Par ailleurs, je remarque la présence des derniers vétérans encore en vie, fait prodigieusement émouvant. Les anciens combattants de l’Armée Rouge sont là, accompagnés de leur famille. Les inconnus les reconnaissent à leurs médailles et viennent spontanément leur offrir des fleurs, les embrasser, les remercier. Sans complexe, j’affirme que ces scènes d’une profondeur intense m’ont tiré les larmes des yeux.
- Ilia Tirotchski, 85 ans, est vétéran de la Marine
- Sergueï avait 12 ans lors du 9 mai 1945. Ayant rejoint l’armée, il a été envoyé en 1953 à Berlin-Est.
- Andreï Nakitsaniev, 90 ans, accompagné de son petit-fils et arrière-petit-fils est vétéran de la terrible bataille de Koursk.
- Ce vétéran en fauteuil semble autant submergé par l’émotion que par le poids des fleurs offertes par les dizaines d’anonymes.
En fin de cortège, nous arrivons tous sur la Place du Palais, en face de l’Ermitage, sur laquelle ont été montés de très importantes installations : affiches, exposition de chars de combat d’époque, scène de concert. Le tout surveillé à la fois par la police et l’armée régulière.
- D’importantes installations ont été montées sur la Place du Palais. Ici , une scène de concert.
- Une exposition de chars d’époque
- L’Ermitage est paré aux couleurs de la Victoire
- La police et l’armée assurent conjointement et par une présence massive la sécurité de la manifestation
Que retenir de cette célébration du 9 mai ?
Il apparaît au travers de cet évènement que l’hommage et le respect dus aux parents ainsi que la glorification du passé national sont des valeurs fondamentales, immuables, sacrées au sein de la société russe. Une telle mise à l’honneur a pour effet direct un sentiment de cohésion et d’unité au sein de la population. Au milieu de cette foule, on sent que l’histoire russe tout autant que l’appartenance à l’Union Soviétique est une source de fierté. Il serait impensable d’entendre le Président parler des « crimes contre l’humanité » perpétrés par l’Armée Rouge ou bien l’entendre dire que « le nationalisme, c’est la guerre ». Rappelons que le président Vladimir Poutine s’est fait le digne représentant de son peuple en arborant à son revers de veste le ruban de Saint-Georges et en présidant les commémorations officielles à Moscou. De même, cette célébration du 9 mai nous rappelle que le nationalisme, c’est avant tout la mémoire, la mémoire de ceux tombés sous le drapeau par devoir. Le nationalisme, c’est avant tout la mise à l’honneur des parents, des grands-parents, des aïeux qui nous ont légué un pays, une culture, des mœurs et des traditions. Le nationalisme, c’est le devoir pour les générations présentes de conserver ce riche héritage et d’en assurer la transmission aux générations futures. La manière dont est célébré ce devoir en Russie est à ce titre exemplaire. Ne descendons-nous pas, nous aussi, Français, d’une histoire glorieuse ? Nos parents, grands-parents, nos aïeux ne méritent-ils pas que nous leur rendions hommage de la même façon, en affichant fièrement leurs portraits lors des manifestations patriotiques ? Nous avons tous un ancêtre qui a combattu dans les tranchées, tout comme avons tous connu (et même connaissons encore) des parents qui ont vécu la terrible période de la Seconde Guerre mondiale. Aussi, cette magnifique et poignante célébration m’a convaincu de la nécessité d’importer cette nouvelle tradition en France. Elle sera d’autant plus importante à l’heure où l’on essaie de déstabiliser le peuple français par le reniement de ses racines, par l’invasion migratoire, par la précarité financière et le remplacement de la famille traditionnelle. À terme, il serait même bon d’envisager de telles commémorations réunissant les descendants allemands, français, russes et autres. En effet, n’est-ce pas lorsque les enfants des anciens combattants se réuniront et défileront main dans la main que les blessures du passé auront fini de se refermer ?
Par ailleurs, une telle manifestation en France [1] aurait sans conteste des effets bénéfiques sur le plan socio-communautaire. En effet, à l’image de la Russie, où les Slaves, les Ouzbeks, les Caucasiens, les Azerbaïdjanais, les Sino-sibériens et tous les peuples qui composaient l’empire soviétique célèbrent ensemble la victoire, la France aurait tout intérêt à se servir de son passé colonial comme d’une force en invitant les descendants de soldats français, de tirailleurs, de zouaves, d’indigènes à célébrer ensemble leur histoire commune. Les Français de souche et les Français d’origine immigrée ont eux aussi combattu ensemble, côte à côte, en frère d’armes. De telles célébrations où défileraient ensemble Français d’origine bourguignonne, lorraine, marocaine, algérienne ou sénégalaise auraient pour effet de nous rassembler autour de valeurs communes, de vraies valeurs : l’amour du pays, l’amour de la famille, la volonté de vivre ensemble sur une terre pour laquelle nos ancêtres ont vaillamment combattus ; des valeurs bien plus profondes que celles vendues comme « les valeurs de la République ». Une initiative qui concourrait à désenfler le climat de tension perpétuel sans cesse alimenté par les associations communautaires que ces dernières instiguent pour nous diviser. Une initiative dont le peuple français a bien besoin, notamment après l’énième attentat qui a frappé Paris le 13 mai dernier.. Ainsi, unis sous le couvert de notre glorieuse histoire et la volonté d’aller à l’encontre de la doxa prônée par le chef de l’Élysée, d’une part, l’influence de ces organismes nuisibles aurait tôt fait de perdre du terrain, d’autre part, nous paraîtrions symboliquement soudés à la fois dans l’adversité et l’amour de la patrie. Tant et si bien que ma phrase de conclusion est la suivante :
Français, en ce centenaire de la victoire de 1918, unissons-nous et fouillons dans les fonds de malles les portraits de nos héros du passé ! Vive nos aïeux ! Vive la France !
- Bonus soviético-Dieudo : la dievouchkAnanas !