Le 1er Mai est aujourd’hui célébré dans 142 pays à travers le monde, la Russie ne fait pas exception. Cet article vise à couvrir la célébration qui en a été faite à Saint-Pétersbourg afin de montrer comment s’est déroulée la manifestation, découvrir quelles associations et partis étaient représentés ainsi qu’établir une comparaison avec les manifestations françaises du 1er mai 2018.
Saint-Pétersbourg, 10h, je m’apprête à rejoindre l’avenue Nevsky, là où se déroule traditionnellement le défilé du 1er Mai. Au moment de tourner à l’angle de l’avenue Ligovsky pour arriver sur Nevsky, un spectacle très impressionnant vient me frapper l’œil d’emblée : l’allée est recouverte d’une multitude de drapeaux nationaux et pétersbourgeois, des dizaines de drapeaux politiques et de mats tenus par des manifestants se dressent au ciel, des centaines de ballons blancs, bleus, rouges (les couleurs nationales russes) sont suspendus en grappes au-dessus de la foule. Se faisant de plus en plus compacte, elle attend le départ du cortège, tandis qu’une pluie forte, qui persistera tout au long de la manifestation, se met à tomber. Près des parapluies que je vois s’ouvrir de tous côtés, je remarque en queue de cortège une première association de jeunesse tenant à la main des drapeaux revendiquant : « Я за путина » (Je suis avec Poutine). J’interroge alors l’une de ces sympathisantes.
Svetlana, 23 ans est militante au sein de l’association de jeunesse pro-Poutine Молодая гвардиа (« La Jeune Garde »), association elle-même rattachée au parti politique présidentiel Единая Россия (« Russie Unie »), qui détient 338 des 450 sièges de la Douma à Moscou. Svetlana déclare être ici « parce que c’est une grande célébration, un grand jour et que c’est ma fierté d’être ici, même sous la pluie ! Nous devons montrer que nous existons. ». À la question pourquoi soutient-elle le Président, Svetlana répond : « Il permet de maintenir la paix en Russie. Tant qu’il est au pouvoir, je me sens en sécurité. De nombreux jeunes lui font confiance pour mener notre pays, comme vous pouvez le voir vous-même. » Une cinquantaine de manifestants arborant le même drapeau, situé environ entre 18 et 30 ans, est présente.
- Svetlana, 23 ans est militante pro-Poutine
Toujours en queue de cortège patiente également une autre association, cette fois-ci de quartier, plus exactement celle du quartier Primorsky. Pour l’occasion, elle a construit un ballon de football géant, annonçant la Coupe du Monde. Natalia, membre bénévole, explique qu’ « il y a toujours eu des réactions hostiles à l’encontre de la Russie de la part des gouvernements occidentaux, la Coupe du Monde en est un prétexte supplémentaire ». Puis, elle ajoute avec le sourire en retournant aux préparatifs : « Mais dans le fond, nous nous en fichons totalement. ». Il est frappant de constater l’omniprésence des drapeaux, T-shirts, imperméables, écharpes Единая Россия portés par un grand nombre de manifestants. Et encore plus frappant de constater le nombre tout à fait formidable de drapeaux nationaux agités en tous sens, de toutes tailles, portés par des enfants, des adolescents, des adultes et des seniors. Ma première analyse est que le défilé du 1er mai pétersbourgeois est indissociable des notions de patriotisme et de nationalisme.
- Ce ballon géant annonce la Coupe du Monde de juin 2018
- Les drapeaux russes ainsi que ceux du parti politique « Russie Unie » ont eu la part belle lors du défilé
Puis le cortège se met en marche. Au son des tambours, des sifflets, des musiques diffusées en bande-son depuis quelques camionnettes et des meneurs qui incitent la foule à crier « Hourra ! » au nom du droit à manifester, au nom des libertés du travailleur ainsi qu’au nom de la paix en Russie et dans le monde, des centaines de parapluies avancent à petit pas sous une pluie battante le long de l’avenue Nevsky. Essayant de me frayer un chemin, je tombe sur une dame habillée en costume folklorique. Elle m’explique que « tous les peuples ont le droit de vivre en paix, tous les peuples aspirent à la paix. » Et d’ajouter après lui avoir expliqué que j’étais Français : « Et le peuple français est le peuple d’Europe occidentale qui a le plus à voir avec le peuple russe ». Après l’avoir embrassé pour la remercier de cette très belle phrase, je remonte le cortège (de manière assez pénible en raison du monde présent) et aperçois un retraité doté d’une veste recouverte de médailles soviétiques. Vladimir Nikoleïvsky est retraité de l’armée et se rappelle ses premières célébrations du 1er mai, dans les années 50, à une époque où Saint-Pétersbourg s’appelait encore Léningrad : « Vous n’avez pas idée de la ferveur qui animait les gens en ce temps-là. Même si la pluie y est pour quelque chose, il y avait à l’époque deux fois plus de monde qu’aujourd’hui. Nous sortions alors de la victoire face à l’Allemagne nazie et le 1er mai était aussi l’occasion d’honorer le sang des soldats et des travailleurs. Néanmoins, je suis heureux d’être ici et de voir tous ces jeunes qui manifestent aux couleurs de notre pays bien-aimé. » Un peu plus loin, je vois une enfant tenant également un drapeau, accompagnée de son frère, de sa mère de et sa grand-mère. Galina, la grand-mère déclare : « Bien sûr qu’ils portent le drapeau. Je considère la transmission de la tradition comme une valeur sacrée. Mon père m’a transmis l’amour du pays, je l’ai transmis à ma fille, aujourd’hui elle le transmet à nos deux petits chéris, qui le transmettront à leur tour. Ainsi se poursuivra notre belle Russie au travers des générations à venir. »
- Selon cette dame habillée en costume folklorique russe, les Français sont les plus proches des Russes en Europe de l’Ouest
- Vladimir Nikoleïvsky, retraité médaillé de l’armée, se réjouit de la présence de nombreux jeunes
- La transmission de la tradition est une valeur sacrée pour la grand-mère Galina
Le cortège se poursuit. Je continue à remonter. Il est important de relever le très impressionnant dispositif policier mis en place pour assurer la sécurité de l’évènement : un policier tous les 3 mètres des deux côtés de l’avenue formant un cordon ininterrompu depuis la Place de la Révolution jusqu’à la Place du Palais située devant le palais de l’Ermitage, soit une distance de 3,1 kilomètres ! Il m’était parfois difficile de réintégrer le cortège après m’en être extirpé afin d’avancer plus vite, car à plusieurs reprises, j’en ai été tout simplement empêché par les agents de l’ordre. Ma deuxième analyse est qu’au défilé du 1er Mai, on ne badine pas avec la sécurité. Au fur et à mesure de ma progression, je comprends que les manifestants sont regroupés autour d’associations soit de quartier, d’entreprises ou de partis politiques.
- Le cortège de l’association de quartier « Vyborgsky » et ses très belles tambour-majorettes
- L’association syndicale de la multinationale russe Gazprom, spécialisée dans la ressource énergétique
- Le cortège du parti politique présidentiel, très imposant
Par ailleurs, et malgré le mauvais temps, le tracé du défilé permet une belle visite touristique de la ville puisqu’il passe devant un certain nombre des plus beaux monuments tels le Pont Anitchkov, la cathédrale Saint-Kazan, le ministère de la Marine et la splendide Place du Palais.
- Le cortège passe devant la cathédrale orthodoxe Saint-Kazan
- après être passé sur le Pont Anitchkov reconnaissable à ses statues de chevaux
- …pour terminer sur la Place du Palais dominée par le Quadrige et la colonne de l’empereur Alexandre III
Arrivé en bout de cortège, je rebrousse chemin pensant que tout est désormais terminé. Je constate alors que, bien au contraire, il en arrive encore d’autres. Jusqu’à présent, je n’avais vu que des associations de quartiers ou des associations représentant le parti politique présidentiel. C’est à ce moment qu’arrivent deux jeunes hommes tenant fièrement et ostensiblement un drapeau communiste. Viktor et Dimitri ont tous les deux 18 ans, ils travaillent comme simples ouvriers dans une usine de papier. Pour eux, « le 1er mai est le jour des droits des travailleurs et du communisme. Nous sommes travailleurs donc évidemment communistes ». Cette vision un peu simpliste des choses, lié sans doute au jeune âge, n’en a pas moins été formulé avec une sincère authenticité. Arrive alors le cortège du К.п.Р.Ф : le Parti communiste de la fédération de Russie. Tout aussi imposant, ses militants agitent d’immenses drapeaux rouges où figurent la faucille et le marteau mais aussi les portraits de Lénine et de Staline. Je remarque que parmi eux se trouve un nombre important de seniors. Ma troisième analyse est donc que le communisme en Russie reste un courant de pensée qui traverse les âges et les générations malgré l’effondrement de l’U.R.S.S.
- Viktor et Dimitri, 18 ans, affichent fièrement leur drapeau communiste
- Le cortège du Parti communiste met Staline à l’honneur
Chose impressionnante, derrière les communistes, avec une certaine distance de sécurité, suit un défilé d’antifascistes, reconnaissables entre mille à leur drapeau rouge et noir. Ils sont peut-être cent, entourés comme le reste par de nombreux policiers bien qu’ils ne soient pas plus surveillés que les autres. Ici, à Saint-Pétersbourg, les antifas se tiennent tranquille, ne cherchent pas la confrontation avec les policiers : il faut dire que le rapport de force est inégal, la présence des forces de sécurité étant trop nombreuse. Je puis affirmer que les antifas, tout comme les autres manifestants, se conforment à la discipline et aux règles imposées par les autorités. Aucune vitrine cassée, aucun heurt, pas même un simple débordement. Les autorités leur font d’ailleurs emprunter un autre tracé qui les mène à l’écart de la Place du Palais, le tout se déroulant sans l’ombre d’un incident.
- À Saint-Pétersbourg , les antifa ont défilé dans le calme
Chose encore plus impressionnante, un cortège de féministes et de protection des droits des LGBT suit les antifascistes. En toute liberté, les visages à découvert, dans une ambiance assez bonne enfant, affichant une très large majorité de jeunes et même de très jeunes, les manifestants progressistes bien connus chez nous, défilent paisiblement. Ils sont protégés par la police, comme les autres. J’interroge Margarita et Valentina, deux adolescentes de 17 ans enroulées dans un drapeau LGBT, sur la situation des homosexuels en Russie. « Notre pays est un pays conservateur, il n’y a pas assez de choses faites pour que les gens affichent librement leur homosexualité. Nous ne sommes pas homosexuelles nous-mêmes mais nous défendons le droit dont chacun devrait disposer pour vivre librement son orientation sexuelle. » À la question de savoir ce qu’elles pensent de Vladimir Poutine : « Ce n’est pas quelqu’un de mauvais mais il est seul parmi un gouvernement de conservateurs. Ce n’est pas le Président que nous aimerions voir changer mais son gouvernement. »
- Féministes et LGBT défilent dans le calme, protégés par la police
- Margarita et Valentina, 17 ans, ne sont pas des anti-Poutine mais aimeraient un gouvernement moins conservateur
Les LGBT sont suivis de près par un cortège de végétariens et d’engagés pour la protection des droits aux animaux. Enfin, encadrés par une plus importante force policière, des mouvements ultra-nationalistes, à vêtements noirs et crânes rasés, terminent la manifestation.
- Le cortège des végétariens et défenseurs de la cause animale suit celui des LGBT
- Entourés d’une présence policière plus importante, les ultra-nationalistes défilent aussi calmement que les autres
Que retenir de cette manifestation du 1er Mai ?
Premièrement, il apparaît que l’écrasante majorité des personnes présentes défendent des valeurs traditionnelles : amour du pays, amour du drapeau, amour de la famille du type « un père - une mère - un enfant ». La différence avec la France est tout à fait flagrante : lors de nos manifestations du 1er Mai en France, nous voyons surtout des drapeaux syndicalistes, notamment les drapeaux de la C.G.T, sans jamais voir un seul drapeau national. À Saint-Pétersbourg et certainement dans toute la Russie, il n’est pas possible de dissocier manifestation du 1er mai et sentiment national. Deuxièmement, la représentation du parti politique de Vladimir Poutine, Единая Россия, parmi les manifestants et le soutien populaire dont il bénéficie est à mon sens à l’image des résultats de l’élection présidentielle. Le Président fait bel et bien dans une large mesure l’unanimité au sein des classes sociales et générationnelles. Rien à voir avec l’image d’Emmanuel Macron auprès des manifestants en France, perçu comme l’instrument de la casse sociale par la majorité des syndicats et comme le représentant d’intérêts financiers privés par une grande partie de la population. Troisièmement, le 1er Mai est un rassemblement profondément hétéroclite, au sein duquel nous retrouvons l’ensemble des différents partis politiques représentés au Parlement à Moscou, les syndicats de travailleurs, les associations de quartiers mais aussi les courants de pensées composant le spectre idéologique de la société russe. C’est ainsi que se retrouvent dans une même manifestation communistes et progressistes, antifas et ultra-nationalistes, témoignant que la Russie est un pays où les libertés d’expression sont respectées et protégées. Quatrièmement, l’ordre et la discipline avec lesquels s’est déroulé l’évènement ont été exemplaires. Je n’ai assisté à aucun débordement, aucune confrontation, aucun heurt ni entre manifestants, ni avec les forces de police. Les antifas, les ultras, les végétariens, les communistes radicaux, tous ont défilé dans le calme. Il faut dire que la présence policière était très impressionnante et dissuasive. Néanmoins, si nous comparons avec les manifestations de Paris, où 1 200 antifas ont une nouvelle fois saccagé des commerces et provoqué des débordements avec la police, les bras nous en tombent tant est grande la différence sur le plan de la sécurité et du respect des autorités. Il apparaît en Russie qu’un gouvernement fort mené par un homme politique fort exécutant une politique de droite conservatrice a pour effet d’unifier la population et de calmer dans l’ordre et la discipline les mouvements de dissidence ou à tendance radicale.
Pour conclure, cette manifestation a été un évènement éminemment intéressant. Elle m’a permis de constater l’étendue de la diversité qui compose la société russe actuelle et m’a conforté dans l’idée qu’un peuple tend naturellement vers les idées de droite nationale : discipline - sécurité - patrie - famille. Il serait sans doute bon en France de réintégrer un certain sentiment national dans nos manifestations du premier mai, en arborant moins de drapeaux CGTistes et plus de drapeaux nationaux. Il serait aussi bon de se débarrasser de la violence d’ultra-gauche en durcissant considérablement les peines réservées à ces délinquants qui agissent en quasi impunité. La preuve en est que lorsqu’ils sont encadrés et craignent l’autorité policière, les antifas sont doux comme des agneaux. Enfin, de manière plus générale, il sera bon pour la France de revenir à une politique de droite authentique si nous voulons un jour observer de telles manifestations du 1er Mai. Une telle politique ne pourra être effective qu’à travers la transmission des valeurs qui ont bâti notre société et notre civilisation européenne : l’amour de la nation et de la famille, la vraie famille.