Militant d’extrême gauche depuis l’adolescence, « Ravachol », c’est son surnom, a 18 ans. L’été dernier, peu après avoir eu son bac, il part « faire la révolution » aux côtés des Kurdes de Syrie, tout en combattant l’État islamique. Ils seraient quelques dizaines à s’être engagés comme lui au Kurdistan syrien. Comment se passe leur retour en France, gardent-ils des séquelles et sont-ils inquiétés par la justice ?
Après deux mois de combats, le drapeau turc flotte sur Afrin en Syrie. L’armée d’Ankara et ses alliés syriens ont totalement repris la ville aux forces kurdes dimanche 18 mars [2018]. Des forces kurdes soutenues par une poignée de volontaires français comme Ravachol que franceinfo a rencontré. Depuis le début du conflit contre l’organisation État islamique, ils seraient quelques dizaines à s’être engagés au Kurdistan syrien.
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« J’ai arrêté l’école, j’ai arrêté de fréquenter mes amis, je passais mon temps à regarder des vidéos de propagande communiste sur Internet et un jour j’ai découvert le Rojava et la révolution anarcho-communiste. Je me suis dit, il faut que j’y aille. »
Formé aux armes avec les forces kurdes YPG
Le Rojava, c’est la région au nord de la Syrie, où les Kurdes tentent de bâtir un régime d’inspiration néo-marxiste tout en combattant le groupe État islamique. Alors au mois d’août dernier, quelques semaines après avoir décroché son bac, « Ravachol » part pour prendre les armes. Son travail ? « Éliminer les gars de Daech », explique-t-il. Après un mois de formation aux côtés des forces kurdes YPG (Unités de protection du peuple), le tout jeune volontaire raconte avoir d’abord manié la mitrailleuse montée sur pick-up entre Raqqa et Deir Ez-Zor, avant de devenir sniper.
« Tirer au fusil sniper, c’est magnifique. Quand je me lève le matin et que je n’ai pas mon Dragunov aligné contre le mur, je me dit qu’il y a quelque chose qui manque. L’odeur de la poudre me manque, la sensation de presser la détente me manque, c’est devenu une addiction », confie le combattant. Une addiction qui l’a conduit à croiser ce qu’il pense être un autre Français, jihadiste lui, après un bombardement dans le secteur d’Abu Hamam. « Il y avait cinq gars de Daech couverts de poussière assis dans la cuisine, se souvient “Ravachol”. Le commandant a pris un gars par les cheveux et a dit qu’il était Français. J’ai essayé de lui parler, j’étais assez brusque avec lui pour qu’il parle mais il m’a à peine répondu (...) Je sais pas ce qu’ils en ont fait. »
Marqué psychologiquement
En cinq mois de combats, « Ravachol » a été blessé quelques fois, sans trop de gravité, mais un tir de roquette l’a profondément éprouvé. Il se trouvait sur un toit dans la région de Deir Ez-Zor et se rappelle d’une « énorme roquette » qui se dirigeait vers lui.
« J’étais paralysé, raconte-t-il. Elle a atterri sur du marbre, j’étais recouvert de sang et de poussière, je pensais que j’étais devenu aveugle, je n’entendais absolument rien et ce jour-là j’ai été marqué psychologiquement. J’en cauchemarde beaucoup. »