Près de la gare du Nord, au centre de Paris, le métro aérien passe dans un grand vacarme sur le pont de la place de la Chapelle. En dessous, plus de 300 migrants s’entassent dans des tentes.
Ils sont Éthiopiens, Camerounais ou Soudanais. Réfugiés dans ce camp de fortune depuis des mois, la plupart espèrent quitter Paris pour l’Angleterre, où le processus d’immigration est plus souple. D’autres attendent en vain que la France leur accorde l’asile politique.
Dans les tentes et sur les matelas qui s’agglutinent sur près d’un kilomètre, les migrants vivent d’espoir. Zerihun, un jeune Éthiopien de 24 ans, n’a rien mangé depuis la veille.
« J’ai voyagé pendant 50 jours pour arriver ici, confie-t-il. Je suis passé par le Soudan, la Libye et l’Italie. Ce n’est pas une vie ça. Tout ce que je souhaite, c’est fuir la misère une fois pour toutes ».
Nimeri, originaire du Soudan, se plaint quant à lui des conditions sanitaires du campement improvisé. « L’urine et les déchets s’accumulent partout. Les gens sont malades. J’ai la gale et je n’arrive pas à dormir à cause du métro qui passe toujours au-dessus de nos têtes. Ça me rend fou », déplore celui qui a vécu dans les camps de réfugiés soudanais. « J’étais mieux traité au Soudan », lâche-t-il.
« Ce sont des survivants »
Pour le directeur général de l’organisme France Terre d’Asile, Pierre Henry, le gouvernement et la mairie de Paris n’en font pas assez pour les aider. « Ceux qui arrivent à Paris sont des survivants. Leur voyage jusqu’à Paris est extrêmement dangereux. Ils se sont endettés pour être ici. Mais attirer l’attention des pouvoirs publics en leur faveur, ce n’est pas évident », soutient-il.
En pleine crise des migrants en Europe, les élus restent prudents. « Il est de notre rôle de demander qu’un traitement digne soit réservé à ces personnes et que la tranquillité des quartiers soit assurée », écrit Pierre-Yves Bournazel, conseiller de la Ville de Paris. L’adjointe de la mairesse responsable de la solidarité, Dominique Versini, soutient quant à elle que c’est à l’État de prendre en charge ces individus et de s’assurer qu’ils aient accès à des logements pour demandeurs d’asile.
L’opposition, elle, s’indigne. « Ces gens vivent dans des conditions terribles. Il s’agit d’un véritable drame humain. Mais pour l’instant, rien n’est fait et tous se renvoient la belle », regrette le conseiller Christian Honoré.
Une lueur d’espoir pour les migrants
Si les actions des pouvoirs publics se font timides pour l’instant, d’autres ont décidé de prendre les choses en main. C’est le cas de Philippe, ce Parisien de 53 ans déterminé à améliorer le quotidien des migrants.
« Je viens ici tous les jours et je leur apporte une quinzaine de poulets grillés. Je ne demande qu’un sourire en retour. [...] Ce sont devenus mes amis », affirme-t-il. Il confie avoir hébergé une centaine d’entre eux dans son appartement, à tour de rôle. Ceux qui réussissent à s’en sortir lui écrivent régulièrement. « Ils m’appellent Papa Philippe », dit-il.
Pedro est quant à lui directeur d’un organisme de charité du quartier. À son arrivée, place de la Chapelle, il salue les migrants et s’assure que tous sont en santé. Quelques-uns lui demandent des médicaments. « Même si on leur donne à manger tous les soirs, ils sont mal nourris, l’hygiène fait défaut et la plupart souffrent de problèmes intestinaux. Mais le réel problème, c’est le manque d’intérêt des gouvernements », croit-il.
On estime que plus de 300 000 migrants sont arrivés en Europe cette année. Selon l’Organisation internationale des migrations, la plupart n’ont toujours pas obtenu leur statut de réfugié. Pendant ce temps, les tentes se multiplient place de la Chapelle.