Un nouveau rhéteur de talent s’est manifesté pour cette nouvelle chronique littéraire : monsieur Korias, l’auteur qui se permet de faire des blagues racistes et de dénoncer le sionisme à la télé.
Dimitri, on le pousse un peu et il ne s’arrête plus ; comme on dit dans le métier, il pisse de la copie. Raison pour laquelle voici la seconde partie de la deuxième salve.
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« On a une télévision d’hommes blancs de plus de cinquante ans, et ça, il va falloir que ça change. »
Delphine Ernotte, Europe 1, 23/09/15
Dimitri Korias : Oui, et ça a bien changé. Delphine a retiré un à un tous les hommes blancs de la télé, c’est d’ailleurs la même rafle dans le cinéma, et elle découvre avec stupeur que les HB50+ (les hommes blancs de plus de 50 ans) ne regardent plus la télé et ne vont plus au cinéma. Ce qui est ballot, puisque ce sont eux les plus solvables, le public qui intéresse au premier chef les producteurs de ces médias, même s’ils font croire que c’est la ménagère qui décide. Le serpent féministe se mord la queue, si j’ose cette image.
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Victor Hugo qui a résidé pendant quelque temps à Bruxelles et qui veut que j’aille passer quelque temps dans son île, m’a bien ennuyé, bien fatigué. Je n’accepterais ni sa gloire ni sa fortune, s’il me fallait en même temps posséder ses énormes ridicules. Mme Hugo est à moitié idiote, et ses deux fils de grands sots.
Baudelaire à madame Aupick, Bruxelles, vendredi 3 novembre 1865
Dimitri Korias : Baudelaire devrait avoir un peu plus de respect pour ce grand bourgeois d’Hugo, qui a voué sa vie à la défense des pauvres, et aussi au cul des femmes. Il me semble qu’on assiste là à une guéguerre de poètes, une joute de mirlitons comme le XIXe nous en a servi, je pense aux discussions de bistrot du couple Rimbaud-Verlaine qui provoquaient les rimailleurs du moment pétés à l’absinthe. Le grand poète allemand Goethe disait, si ma mémoire est bonne (je ne triche pas en tapant sur Google ou en m’aidant de ChatGPT) que pour chaque honnête homme, il y avait quelque chose comme sept femmes. J’espère que cette anecdote ne figure pas dans le bouquin antiféministe de Sapaudia, sinon j’aurai l’air con. Il disait, en substance, que chaque femme correspondait à un certain niveau d’instinct ou d’âme. Par exemple, si l’on suit les acides remarques de Baudelaire, l’épouse était la bobonne, celle qui s’occupe du ménage, des deux gros cons (une fille Hugo s’est noyée, tout de même) et de la cuisine. Ensuite, il y a la maîtresse paysanne à la Simenon, le fantasme ancillaire, la morue à gros derche qu’on trousse dans la paille et avec qui on ne discute pas, vu qu’elle n’a pas de tête (voir ou revoir La Veuve Couderc, avec Delon et Signoret). On saute deux ou trois catégories de femmes et on arrive à la compagne culturelle, celle avec qui on peut parler arts, tableaux, littérature. Il y a la gonzesse – j’ai plus trop de synonymes en magasin, là –, on dira la baronne des échanges épistolaires, avec qui le désir monte et ne redescend jamais ; puis la danseuse divine au lit, maîtresse de financiers à la Nana, etc. C’est carrément de la polygamie occidentale, ça ne plairait pas trop à Ernotte (qu’on classera dans les inutilisables, même en cas de disette) mais de l’instinct le plus grossier à la plus haute élévation (?) de l’âme, faut croire que le Boche n’avait pas trouvé tout ça dans la même dame. Peut-être existe-t-elle, cette femme idéale, mais comme dirait une vénale dont j’ai oublié le nom, moins connue que Goethe (je parie que personne ne l’a lu ici), un mec beau, riche, drôle et intelligent, et pas pervers narcissique, ça fait déjà quatre.
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« Ce n’est point par hasard que deux des toutes premières victimes de la terreur légale (au lendemain d’août 92) furent un policier et un journaliste. S’il est permis de parler des constantes de l’histoire, celle-là en est une. » (19 septembre 1950)
Pierre Antoine Cousteau, Intra Muros (écrits de prison), 2017
Dimitri Korias : Alors lui c’est un drôle de zigoto. J’ai lu ses écrit en taule, je veux dire quand il était en taule – pas moi en étant en taule, mais ça peut venir –, eh bien c’est sacrément actuel, comme quoi la structure sociale ne change pas vraiment, juste le décor. Je ne connaissais pas l’anecdote des deux premiers morts de la Terreur post-1789 (sinon on parle de l’attentat de Charlie Hebdo avec un flic et un journaliste premiers tués, mais ça ne correspond pas chronologiquement), et je cherche le rapport avec Cousteau. Je ne triche pas en répondant, donc j’imagine que c’est son procès, lui qui était journaliste collabo ou patriote, et qui échappera au peloton d’exécution pendant l’Épuration, ce qui semble être sa terreur. Il est encore en zonzon à cette époque, donc ça le concerne au premier chef, mais je ne vois pas le flic de 44-45 dans le coup (Brasillach n’était pas flic, ou alors les gars de la rue Lauriston, mais c’était des voyous). Je déclare donc citation vaseuse, monsieur Sapaudia, mais merci de nous avoir fait découvrir les tranches de lucidité de ce type original, passé de justesse entre les gouttes, et sacrément ballotté par l’histoire.
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9 juin 1940
« Hélas, pauvre France qui a besoin de ministres juifs et de soldats nègres et qui refoules dans ton sein les petits aryens qui pourraient naître. »Pierre Drieu la Rochelle, Journal 1939-1945 (Arthur Sapaudia, Morceaux choisis, 2024)
Dimitri Korias : Houla, du PDLR ! Vous avez deux obsessions, Arthur, les emmerdeuses et les collabos, disons les femmes et les patriotes, histoire de calmer les esprits.
Cela doit avoir un sens, un lien, une bonne psychanalyse bien chère (à la Lacan-le-ruineux) vous délivrera de cette étreinte mentale. Là, si je réponds avec honnêteté et courage, c’est direct la Santé, le procès à la Ryssen, l’exil à la Soral ! La phrase comporte trois mots radioactifs : juifs, nègres et aryens (et même France). Ces mots ont heureusement aujourd’hui des remplaçants, comme les footeux sur le banc, on donc va la réécrire ainsi :
Hélas, pauvre République qui as besoin de ministres communautaires et de soldats ultramarins et qui refoules dans ton sein les petits patriotes qui pourraient naître.
Cela dit, même si aujourd’hui beaucoup de pauvres gars des quartiers se font soldats par appât du gain, de l’aventure ou par peur du chômage plus que par amour de la patrie, ils risquent quand même leur peau sur les zones de guerre. Quoique, vu que la France de Macron se fait jeter de partout, ils ont moins de chances de se faire crever la paillasse en Afrique ou en Asie. Ils finiront peut-être tous dans Sentinelle, à piétiner dans les gares en attendant un éventuel attentat du Mossad sous faux drapeau islamiste, qui ne tuera que des petits Blancs, et là, ô mystère insondable, on retombe sur la phrase de Drieu !
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« On s’étonne du succès de la médiocrité ; on a tort. La médiocrité n’est pas forte par ce qu’elle est en elle-même, mais par les médiocrités qu’elle représente ; et dans ce sens sa puissance est formidable. Plus l’homme en pouvoir est petit, plus il convient à toutes les petitesses. Chacun en se comparant à lui se dit : “Pourquoi n’arriverais-je pas à mon tour ?” »
François-René de Chateaubriand, Pensées, réflexions et maximes, Pourrat frères éditeurs, 1836
Dimitri Korias : Je sais pas pourquoi, j’ai tout de suite pensé à François Hollande. Cette phrasette – pas géniale mais assez pragmatique – du roi de la maxime avec La Rochefoucauld, avait 150 ans d’avance sur notre pauvre démocratie. Une bien belle idée mais qui a rapidement coulé. Oui, c’est le règne de la médiocrité, le plus petit commun diviseur (PPCD), une société qui fait croire à chacun qu’il est son propre roi, mais avec si peu de sujets derrière… La démocratie est une escroquerie, mais elle fut un rêve. Depuis Louis XIV (on peut mettre Saint Louis dans la boucle), tout ne fait que péricliter, on le voit encore mieux avec la chaîne des présidents de la Ve, une descente vertigineuse vers le néant, la folie, presque. Du grand Charles à Macron, il n’y a pas un monde, on dirait qu’il y a un univers. S’il est facile de fantasmer le passé, on peut malgré tout comparer les derniers rois. Aujourd’hui on voit la reine-mère, la régente, s’incruster sur TF1 pour expliquer que son petit Manu il est tout triste pasque les Français ils l’aiment pas… Mais on est où, là ? Dans la médiocrité de Chateaubriand, avec la fonction présidentielle qui a été tellement rabaissée que n’importe quel quidam se sent supérieur à ce squatteur dingo accroché à son fauteuil. On dirait que c’est le fauteuil qui est éjectable, mais pas lui. Or, ce président, même élu par fraude, représente la médiocrité française actuelle, et il l’incarne à merveille. Ce bouffon-roi, fusion parfaite du roi et de son bouffon, fait des phrases, raconte n’importe quoi en fonction de son vis-à-vis, pour le séduire. Comprendre qu’il se sent au fond inférieur à tous ses pairs, et Trump l’a bien compris. Alors il les pompe, il les zéligue, comme dans le film de Woody Allen. Il est rien, il est vide, il n’est qu’un trou que les autres remplissent, qui mendie de se faire remplir. Bon, on va arrêter là sinon on va avoir un autre contrôle fiscal.