L’ex-ministre grec de l’économie Yanis Varoufakis a publié dans Le Monde diplomatique du mois d’août un article intéressant à deux égards, sous un titre un peu tapageur qui ressemble à l’amère déclaration d’une bande d’adolescents attardés virés d’un plateau de télé-réalité parce que ne plaisant plus au téléspectateur : « Leur seul objectif était de nous humilier. »
Intéressant à deux égards parce que fournissant des éléments factuels importants et donnant des renseignements précis quant à l’état d’esprit de Yanis Varoufakis au moment d’aborder pour la première fois les négociations.
On y apprend donc, par la bouche de l’ex-ministre grec de l’Économie, que le projet Syriza, s’il a existé, a été exécuté le 30 janvier, lors de la première visite de M. Dijsselboem à Athènes, et enterré le 11 février suivant, lors de la première réunion de Yanis Varoufakis avec les dirigeants de l’Eurogroupe, par un Schäuble en pleine forme et balayant les propositions grecques grâce à la profération du magic mantra européiste : « On ne peut pas laisser les élections changer quoi que ce soit. »
Même si, dans les démocraties parlementaires, les instances politiques publiques ont toujours été habitées par les rejetons et affidés de l’oligarchie afin d’orienter les politiques dans le sens des intérêts de celle-ci, même si les élections sont une grande foire lors desquelles l’argent tombe en pagaille des poches des Gros pour convaincre les Maigres de voter pour leurs hommes de paille, on peut observer ici un progrès puisque même le cirque électoral est nié par la synarchie des financiers internationaux réunis dans ce « groupe informel », « sans existence légale » (Varoufakis) et soucieux d’écraser une bonne fois pour toutes la vox populi.
Yanis Varoufakis nous livre des détails concernant son état d’esprit au moment d’entamer ses premières négociations. Devant une Europe qu’il avait « toujours considérée, depuis [son] adolescence, comme [sa] boussole », Yanis Varoufakis, l’homme au physique de gladiateur, l’homme prêt à en découdre avec l’oligarchie grecque, s’est approché sur la pointe des pieds, comme pour ne pas déranger, et s’est adressé à ses interlocuteurs avec, dans la voix, les accents soumis du bon fils qui veut être bien vu de ses parents : « Notre gouvernement sera un partenaire digne de confiance », « nous ferons tout pour trouver un terrain d’entente », « dès le mois de février j’avais cherché à rassurer [M. Schäuble] », « il pouvait compter sur nous » et ainsi de suite.
Mais il a constaté qu’« hélas, aucune de [leurs] nobles intentions ne méritait le moindre intérêt ». Écrasées les rêveries adolescentes de ce Tasse grec sous les certitudes brutales des vieux routards de la politique : ses illusions se sont effondrées devant un Dijssellbloem méprisant « les principes démocratiques les plus élémentaires » et s’exclamant « ça ne marchera pas » et devant « les créanciers et l’Eurogroupe [qui] restaient sourds à nos arguments économiques » et « exigeaient que nous capitulions », agitant sans cesse « la menace répétée d’une fermeture des banques grecques ».