Il fût un temps, le marché fonctionnait sur trois piliers : l’aspect fondamental, l’aspect technique et l’on y rajoutait toujours un peu de politique, voir de géopolitique.
Avec ce groupe de trois, nous arrivions, en général, à nous faire une opinion globale de la destinée des indices, de ses composants et de ses périphériques. Dans un monde idéal, il y avait même un doux équilibre entre ces trois piliers.
Puis, il y a quelques années, nous avons eu la crise grecque. Déjà, en ce temps-là, les marchés avaient totalement perdu la raison et ne fonctionnaient plus sur les deux premiers piliers – le fondamental et le technique – mais principalement sur l’aspect géopolitique des choses. Les traders et autres investisseurs s’étaient alors improvisés experts en politique européenne, donnaient l’impression de maîtriser l’histoire grecque et ne parlaient plus de cela. À cette époque, le simple fait de voir arriver Tsipras à la télé pouvait faire chavirer le marché. Vous noterez qu’à peine cinq ans plus tard, plus personne ne sait qui est Tsipras et encore moins ce qu’il est devenu.
Si je vous fais un cours d’histoire de la finance en mettant l’éventuel GREXIT, comme exemple central de mon explication, c’est d’abord parce que nous en reparlons – discrètement – mais nous en reparlons. Et si nous en reparlons uniquement discrètement, c’est que TOUT LE MONDE a les yeux (et les oreilles) fixés sur Trump. Ce qu’il va faire, ce qu’il va dire, ce qu’il pourrait faire et ce qu’il pourrait dire.
À l’époque du GREXIT éventuel, on pouvait dire que le marché se concentrait à 10% sur les fondamentaux, à 10 % sur l’aspect technique et à 80 % sur l’aspect géopolitique entre la Grèce et l’Europe. Aujourd’hui, on se concentre à 100 % sur l’aspect politique de Trump et on se fout totalement du reste.
Je le conçois, j’exagère un tout petit peu. Cependant, alors que l’on sort à peine de la saison de publication des chiffres du quatrième trimestre 2016, jamais on ne s’en est si peu intéressé. Et si l’on s’en est totalement désintéressé, c’est que la clé de l’avenir de la finance mondiale – enfin, surtout américaine, mais nous sommes tous conscients que si le Dow Jones double ou se divise par deux, il y a tout de même peu de chance que le DAX ou le Nikkei prenne la direction opposée – donc, si l’on s’est totalement désintéressé de tout, c’est principalement parce que depuis la fin de l’été passé, nous sommes totalement obsédés par la politique américaine.
Au début c’était parce que l’on se demandait ce qu’Hillary allait pouvoir faire pour soutenir l’économie et remplacer Obama, ensuite c’était de savoir si Trump avait une chance de l’emporter – puis on avait bien compris qu’il n’avait pas une chance et que d’ailleurs c’était mieux pour les marchés. Ensuite on s’est rendu compte que les sondages étaient tout pourris et que Trump était président pour de vrai – le marché a donc paniqué (comme prévu), pendant au moins 3 heures avant de tout récupérer et d’entamer ce que l’on appelle encore aujourd’hui : le « Trump Rally » – ça, en revanche, ce n’était pas prévu du tout, puisque les experts attendaient une correction d’au moins 10 % en cas d’élection de Donald.
Et puis, aujourd’hui, près de 30 jours après la prestation de serment de Donald Trump – prestation qui était censée donner lieu à une nouvelle correction annoncée – le marché américain est 4 % plus haut encore. Non seulement il est 4 % plus haut, mais cela représente aussi la cinquième meilleure performance pour les 30 premiers jours dans toute l’histoire des États-Unis. La meilleure depuis 1945.
Tout ça pour vous dire qu’aujourd’hui, on peut nous parler de fusion, d’acquisition, de robotisation, de trimestre moins bon ou meilleur, de bull market qui s’essouffle, d’économie qui est mal en point ou pas, de chômage qui augmente, qui stagne, de citoyens qui « sortent » de listes et qui ne travaillent plus, de surendettement, d’un dollar fort ou faible, de l’or qui est une valeur refuge ou pas, du pétrole qui est dirigé par l’OPEP ou pas, de l’Europe qui va mieux ou moins bien ou encore de l’angoisse dans laquelle peut vivre la France à l’idée de la future campagne présidentielle qui l’attend, la seule chose qui intéresse la finance mondiale en général et les marchés boursiers en particulier, c’est ce que Donald Trump va faire.