Dans la rubrique people, il n’y a pas que des tocards ou des imbéciles, des escrocs ou des gauchos : il y a aussi les grands intellectuels sportifs que sont les joueurs d’échecs.
« Je ne suis pas motivé à l’idée de disputer un autre match. Je pense simplement que je n’ai pas grand-chose à gagner. » (Carlsen)
Cette année, suite au retrait de Magnus Carlsen, le champion en titre, pour des raisons assez confuses, et après l’éviction de l’Ukrainien devenu russe Kariakine, ce sont deux joueurs issus de la planète non occidentale qui s’affrontent : le Russe Nepo et le Chinois Ding. Europe échecs nous apprend que les Chinois ont actualisé leur façon d’écrire nom et prénom : prénom d’abord, Liren, nom ensuite, Ding.
« Parfois, je pense à devenir le premier champion du monde chinois, ainsi que le 17e champion du monde et à écrire mon nom dans l’histoire. Si je peux le faire, ce sera une immense gloire. » (Ding)
D’aucuns verraient dans cette finale inattendue le symbole d’un renversement de l’ordre du monde au profit des nouveaux empires, qui n’en sont pas au sens propre du terme : la Russie et la Chine n’essayent pas de contrôler le monde comme le conglomérat anglo-saxon, mais les deux grandes puissances résistent à l’agressivité du combo Pentagone-OTAN et ses vassaux européens.
Le fait de retrouver deux champions issus de la nouvelle résistance mondiale à la puissante Amérique a culturellement un sens : ces deux nations ne sont pas affaiblies par le progressisme à l’école. Elles veulent former des ingénieurs, des chercheurs, pas seulement des transgenres ou des youtubeurs.
On aurait pu avoir MVL, le champion français, mais il a faibli ces derniers temps, sauf en blitz. La surprise, c’est le jeune Firouzja, le champion iranien naturalisé français, qui figure au 4e rang mondial, juste derrière Ding. Les Américains, quant à eux, n’ont jamais depuis Fischer fourni de grand champion, hormis les naturalisés comme Gata Kamsky, un joueur soviétique (de Sibérie), ou Fabiano Caruana, d’origine italienne. L’immigration, ça a parfois du bon !
Enfin, last but not least, le tournoi se déroule à Astana, capitale du Kazakhstan, là où les non-alignés Poutine, Erdoğan et Raïssi se sont réunis en 2022 pour faire front commun et élargir les BRICS. Depuis les finales Kortchnoï-Karpov et Karpov-Kasparov, les échecs ont toujours été politisés.
Retrouvez ici l’analyse du style de jeu de Ding. Et un portrait qui détaille son ascension jusqu’aux sommets. Aujourd’hui, nationalistes comme pas deux, des centaines de millions de Chinois ont les yeux tournés vers Ding.
Un jour, la grand-mère de Ding Liren jouait avec ses amis au mahjong, un jeu traditionnel chinois très populaire, avec Ding Liren, âgé de deux ans, dans ses bras. Ding n’a appris les règles qu’en regardant et – chose choquante pour tous les participants – il a même découvert un coup gagnant pour sa grand-mère dans cette partie. (Liang Ziming)