L’accord Sykes-Picot du 16 mai 1916 entre Londres et Paris préfigure les frontières en vigueur cent ans après au Proche-Orient et sème les germes du conflit israélo-arabe.
Fin 1915, en pleine Première Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne discutent d’un partage des provinces arabes de l’Empire ottoman.
Parallèlement, pour créer un nouveau front et contrer l’appel au jihad du sultan-calife soutenu par l’Allemagne, le Haut commissaire britannique en Égypte Henry McMahon négocie avec le chérif Hussein de La Mecque, lui faisant miroiter l’indépendance arabe.
Les deux grandes puissances coloniales de l’époque sont déjà présentes dans la région : la France par son influence économique et culturelle dans ce qu’on appelait alors le Levant, et la Grande-Bretagne en Égypte, qu’elle occupe depuis 1882.
Elles désignent deux diplomates, le Français François Georges-Picot (grand-oncle de l’ex-président Valéry Giscard d’Estaing) et le Britannique Mark Sykes (qui mourra trois ans après à Paris de la grippe espagnole), pour négocier un arrangement secret, passé à la postérité sous leurs noms.
À l’époque, c’est l’« accord Cambon-Grey », entériné dans un échange de lettres les 9, 15 et 16 mai par l’ambassadeur français à Londres Paul Cambon et le chef de la diplomatie britannique Edward Grey. La Russie puis l’Italie s’y rallieront.
Sykes disait vouloir « tracer une ligne allant du "e" d’Acre au dernier "k" de Kirkouk », raconte l’auteur britannique James Barr dans A line in the sand (2011).
Ce trait noir barre le Proche-Orient par le milieu sur les cartes de l’accord, au mépris des ethnies ou distinctions religieuses : la « Syrie » des Français au nord, l’« Arabie » des Britanniques au sud. Le tout divisé en cinq zones.
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Un petit résumé en images de cet « accord » aux conséquences incalculables :
Le récit de Philippe Prévost interrogé par Kontre Kulture en juillet 2013 :
Un siècle après, la Turquie bataille contre l’héritage de Sykes-Picot
- Des étudiantes attendant le discours du Premier ministre turc Ahmet Davutoglu le 7 octobre 2015 à Bayrampasa
Un siècle après les accords Sykes-Picot, le ressentiment d’Ankara envers ce pacte par lequel Britanniques et Français se sont partagé l’Empire ottoman reste un important moteur de sa politique étrangère sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan.
Signés le 16 mai 1916 par les diplomates Sir Mark Sykes et François Georges-Picot alors que la défaite de l’Allemagne et de son allié ottoman se profilait, ces accords ont délimité des sphères de contrôle et d’influence françaises et britanniques qui ont largement façonné les frontières actuelles au Moyen-Orient.
Après la fondation d’une république laïque par Mustafa Kemal en 1923, l’État turc a tourné le dos à son passé impérial, qui a vu la Sublime Porte régner à son apogée sur un territoire s’étirant des portes de Vienne au golfe d’Aden, pour bâtir une nation moderne à l’intérieur de ses propres frontières.
Mais depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de M. Erdogan, la Turquie mène une politique étrangère ambitieuse, cherchant à renforcer son influence dans les territoires de l’ex-empire, de la Bosnie à l’Arabie saoudite.
Signe de son ambition transfrontalière, Ankara avait pour projet de créer une zone de libre-échange incluant la Syrie, le Liban, la Jordanie, puis, dans un second temps, l’Irak. L’accord a été signé en 2010, mais s’est noyé dans les Printemps arabes.
Les dirigeants turcs actuels, accusés de néo-ottomanisme par leurs détracteurs, n’ont jamais dissimulé leur mépris pour les accords Sykes-Picot qui ont, selon eux, dressé des barrières entre peuples musulmans et privé la Turquie de son influence naturelle dans la région.
À ce titre, M. Erdogan ne rate pas une occasion de dénoncer le « marchandage » qui a conduit Paris et Londres à « tracer des frontières avec une règle ».
« Nous nous sommes toujours opposés à Sykes-Picot, parce que Sykes-Picot a divisé notre région et a éloigné nos villes les unes des autres », a déclaré le Premier ministre Ahmet Davutoglu en mars.